Les pneus utilisés gratuitement depuis plus de 50 ans dans les fermes de France sont devenus un danger, à la fois pour l'environnement et pour les bêtes qui peuvent avaler de la ferraille. Mais s'en débarrasser coûte cher. Pour aider les agriculteurs, une grande collecte a débuté dans le Boulonnais, un vrai succès !
À Ledinghem comme à Marquise ou Rety dans le Pas-de-Calais, c’est un ballet incessant de tracteurs dont les remorques sont chargées de pneus de toutes sortes.
"Chaque jour, c'est près de 15 agriculteurs qui arrivent ici et nous déposent des tonnes de pneus, parfois en plusieurs voyages. Ils savent que c'est le moment où jamais de s’en débarrasser pour les faire recycler" confie Aurore Vasseur, chargée de mission à la Chambre Agriculture Nord-Pas-de-Calais.
Des tonnes de pneus utilisés par ces agriculteurs, comme "leste" pour tenir les bâches qui protègent les silos de fourrage de leurs animaux. Récupérés gratuitement, durant plus de 50 ans, auprès des garagistes, ils sont aujourd’hui un casse-tête environnemental. Composés de gomme, de textile mais aussi de ferraille, ces pneus se sont peu à peu transformés en véritable danger pour les animaux.
Le pneu, ce danger mortel pour les animaux
Nathalie Hochart et son mari élèvent 150 vaches laitières depuis 6 ans à Saint-Michel-sous-Bois, ils témoignent : "Lorsque les petits morceaux métalliques se retrouvent accidentellement mélangés au fourrage des bêtes, c’est un gros risque de provoquer des lésions internes et la mort de nos bêtes …"
Selon l'Anses, l'Agence de Sécurité Sanitaire, près de 30 000 bovins meurent chaque année des suites de l'ingestion de déchets métalliques. Soucieux du bien-être de leurs vaches, Nathalie et son mari utilisent désormais des feutres lestés par la pluie et par des sacs de cailloux mais seulement sur 2 de leurs 4 silos. Car se débarrasser des pneus, c'est un véritable casse-tête qui coûte cher !
"Dans toutes les fermes de France les pneus sont devenus le point noir de nos exploitations" précise Florent Devulder, éleveur à Merck-Saint-Liévin. "Durant des années, on a débarrassé les garagistes de ces vieux pneus pour s’en servir mais aujourd’hui ils se sont extrêmement dégradés. Cette collecte va nous permettre de s’en débarrer pour un coût dérisoire."
Une collecte pour alléger la facture des agriculteurs
Aujourd'hui avec cette collecte bâptisée Ensivalor, il faut compter 90 euros par tonne au lieu de 250 euros ! Une véritable aubaine pour se débarrasser de déchets devenus très dangereux et éviter qu'ils ne terminent dans des dépôts sauvages.
Une démarche initiée par le ministère de la Transition écologique et la filière pneumatique à laquelle se sont joint de nombreux partenaires, comme les coopératives agricoles et la FNSEA.
Concrètement, dès leur arrivée dans le point de collecte prévu, chaque remorque d'agriculteurs passe sur une balance : "On fait une pesée à plein, les agriculteurs vident leurs pneus selon leur catégorie : pneus de véhicule utilitaire, pneus agraires…. Le prix est le même à la tonne mais la valorisation n'est pas forcément la même. Puis chaque remorque revient ensuite se peser à vide pour calculer le poids et donc le prix de la récupération", explique Aurore Vasseur.
Un recyclage pour une autre utilisation
Ces milliers de pneus, trop usés pour être réutilisés, sont transportés au fil des collectes directement dans une usine de recyclage, basée à Harnes, près de Lens dans le Pas-de-Calais.
Déchiquetés, broyés, ils débutent une autre vie comme nous l’explique Julien Desvignes en charge des activités chez Ramery Environnement. "Ces broyats de pneus vont pouvoir servir de combustible ! Nous allons alimenter des cimenteries qui vont les utiliser pour leur chaufferie. Un combustible qui ne sera pas plus polluant que le charbon ou le pétrole."
Leur pouvoir calorifique reste intact pendant longtemps ce qui les rend extrêmement inflammables. Une valorisation énergétique pour ces déchets interdits en décharge depuis 2002 et donc les émissions de fumées restent toxiques lors de leur brûlage.
Un combustible qui ne manque pas ! Chaque année la France produit près de 300 000 tonnes de pneus usagés, une production qui, associée à l'objectif du ministère de la Transition écologique, d'éliminer chaque année 15 000 tonnes de pneus des fermes de France, permettra d’économiser des matières premières non renouvelables.
Une solution de collecte/recyclage qui semble idéale pour valoriser des déchets en réduisant la facture énergétique, si les filtres des cheminées restent bien sous haute surveillance.