Avec cette période de confinement due au Covid-19, de nombreux marchés restent fermés. Un débouché en moins pour les pêcheurs déjà frappés par la fermeture des restaurants. A Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), certains continuent de travailler malgré tout, mais la peur au ventre.
Ce mercredi 1er avril, au petit matin, seuls trois chalutiers ont ramené du poisson, malgré de bonnes conditions météos. Une vingtaine d’autres sont restés à quai, au chômage technique. En cause les risques sanitaires liés à l'épidémie de Covid-19.
Impossible de respecter les gestes barrières
Le Manureva est l’un des rares chalutiers à être parti en mer malgré les risques de contagion. À son bord, l’équipage n’est pas rassuré. Ils n’ont ni masque ni les moyens de dépister les marins avec qui ils embarquent. Matthieu Verove, matelot, a un peu hésité avant d'embarquer : "On travaille l’un à côté de l’autre, on ne peut pas mettre en place de gestes barrière. Ma famille a un peu peur, elle ne veut pas trop que je parte en mer ..."
Le Manureva n’est parti pêcher que quatre jours depuis le début du confinement, par peur du virus, mais également par peur de ne pas réussir à écouler la marchandise. "C’est assez compliqué en ce moment, c’est assez anxiogène, d’une part pour le salaire des hommes et puis pour la rentabilité de l’entreprise" explique Maxime Fait, le patron pêcheur du Manureva.
Toutes les ventes sont maintenues, tout comme les services de criée, d'entretien ou de lavage. Mais ce matin, un maigre butin, dans les entrepôts quasiment vides. Du jamais vu pour Jean Michel Level, de la Coopérative Maritime Etaploise : "C’est une catastrophe, on ne peut pas dire autrement… les gens, il faut les payer, il faut absorber toutes les charges et ce n’est pas cette maigre marchandise, qu’on va y arriver... "
Dégringolade des ventes
Les acheteurs, aussi sont également moins nombreux et prennent de plus petites quantités. Comme ce poissonnier venu d’Ile-de-France et qui ne peut plus vendre sur les marchés : "D’habitude, j'achète 200 kg de marchandises et là, je suis arrivé à la moitié donc 100 kg ..."
Les grossistes voient, eux aussi, baisser leurs commandes et hésitent à accepter de travailler. Benjamin Dessurne, chez Vadet Mareyeur témoigne "nos ouvriers ont peur de contracter le virus, moi aussi… J’ai un enfant et une épouse qui est enceinte. Franchement, oui, j'ai peur" soupire-t-il.
Un quart de l'activité habituelle
Quinze tonnes de poissons ont été vendues à la criée, ce mercredi, sur le plus grand port de pêche de France. C’est trois à quatre fois moins que d’habitude. Les prix étaient plus bas, jusqu’à 20% de moins que d’ordinaire. Pour beaucoup de chalutiers, sortir en mer ne serait, aujourd’hui, pas rentable explique Gildas Dubois, chef du service de la criée de Boulogne-sur-Mer : " Si on fait sortir toute la flottille, il est clair qu’on ne vendra pas tout. On a un marché qui tourne au ralenti, il faut repartir doucement…. "
Un peu plus loin, un autre bateau, le Don Lubi 2 est lui bloqué à quai depuis plus de 15 jours. Avant la crise, il ramenait au quotiden plus de 200 kg de tourteaux et de homards, mais ses clients habituels, restaurateurs et poissonniers, sont aujourd’hui fermés. "Il n’y a pas d’acheteur, ça ne sert à rien d’aller chercher du crustacés si on ne peut pas le vendre. Si cette situation dure encore 2 mois, on risque de mettre la clé sous la porte" explique Stéphane Pinto, armateur du Don Lubi 2.
Dés le 17 mars, le maire de Boulogne-sur-Mer, Frédéric Cuvillier a lancé un appel aux consommateurs à acheter du poisson français. Une inititation qui ne suffira pas, le port de Boulogne-sur-Mer demande que des aides spécifiques soient accordées, notamment aux pêcheurs, pour réussir à traverser cette crise et éviter toute fermeture d’entreprise. 5 000 personnes travaillent habituellement dans le 1er port de pêche en France et le 1er centre européen de transformation des produits de la mer.