"C’est une catastrophe" : sur la côte d’Opale, des restaurateurs et hôteliers face à une pénurie de personnel sans précédent

Alors que les réservations au restaurant ou à l'hôtel explosent sur la côte d'Opale en ces vacances de Pâques, les professionnels du secteur, eux, peinent à recruter.

"Vous avez une réservation, Madame ? Non ? Ça va très compliqué." Face à une cliente venue manger seule, les grands yeux de Tiffany affichent un air désolé. La serveuse lui propose finalement la terrasse, pourtant fermée faute de personnel. "On a dit oui, on s’adapte, concède la jeune femme, en poste depuis seulement une semaine et demie. La priorité, c’est le client."

Au restaurant Les Terrasses du Green, à Merlimont, ils sont seulement deux en salle pour gérer une quarantaine de réservations. "On est contraints de refuser une trentaine de clients, c’est une catastrophe, constate Philippe Jayez, avant de répondre au téléphone qui sonne sans arrêt. Même si les affaires semblent bien marcher, ce gérant est inquiet. Depuis août dernier, il ne parvient pas à recruter du personnel. Sur les quatre personnes en cuisine, la moitié est en formation. "On cherche surtout un cuisinier, précise Philippe Jayez. En salle, on arrive à trouver des étudiants qui ont besoin d’un boulot d’appoint, mais on préférerait tellement avoir des employés fixes à l’année."

"Une spirale descendante"

À deux mois des vacances d’été, il songe déjà à renoncer au service de vente à emporter qu’il a mis en place au début de la crise sanitaire pour être en mesure de répondre à la demande. Un choix qui pourrait lui coûter 20% de son chiffre d’affaire. "C’est une perte pour tout le monde, estime Philippe Jayez, dépité. Pour nous et pour les clients. Si ces derniers ont moins d’offre, ils vont moins venir, c’est une spirale descendante."

Même constat au Touquet. Les quinze chambres de la boutique-hôtel Le Gaspard affichent complet pour la semaine. Mathieu Delrue et Céline Salingrod, responsables de l’établissement, ont dû renforcer leur équipe d’employés de ménage pour la saison estivale. Un poste vient juste d’être pourvu à temps par une candidate sans expérience qu’il va falloir former. "Après avoir publié l’offre d’emploi, on voyait que personne ne postulait, ça devenait critique, explique Céline Salingrod. Si cette recrue devait nous abandonner en pleine saison, ce serait vraiment compliqué pour nous de recruter en urgence et devoir pallier ce manque en quatrième vitesse."

Des contraintes qui découragent les candidats

En 2021, pas moins de 3000 professionnels des métiers de l’hôtellerie-restauration manquaient à l’appel sur le littoral. La faute, selon Ludovic Leclercq, représentant de l’UMIH (Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie) du Boulonnais, à la ″mauvaise image″ que peut parfois renvoyer la profession. 

Travail le week-end, horaires décalés, rémunération au SMIC hôtelier (10,57 euros brut de l'heure)… Autant de contraintes, pourtant inhérentes à ces métiers, qui découragent les candidats. "Et le Covid est aussi passé par là, précise Ludovic Lerclercq. Beaucoup de professionnels ont revu leurs qualifications ou se sont réorientés."

Pour lui, c’est aux professionnels du secteur et aux partenaires comme Pôle Emploi, de revaloriser ces métiers en perte d’intérêt. "Aujourd’hui, un réceptionniste n’est pas un simple distributeur de clés, de la même façon qu’un serveur n’est pas un simple porteur d’assiettes : ils doivent tous deux aujourd’hui être des ambassadeurs de la région et d’un savoir-être", insiste Ludovic Leclercq.

"Il faut un équilibre en la vie personnelle et professionnelle"

À Neufchâtel-Hardelot, Bérangère Queuniez l’a bien compris. Cette responsable d’établissement à l’hôtel-restaurant Le Régina, à la tête d’une équipe de 16 employés permanents et 8 saisonniers, mise sur des conditions de travail ″agréables″. ″Ils ont leur jour et demi de repos, voire deux parfois et on fait attention aux horaires, précise-t-elle. S’ils finissent plus tard, ils commenceront plus tard. Il faut un équilibre entre la vie personnelle et professionnelle.

Cet été, Bérangère Queuniez s’apprête, pour la deuxième année consécutive, à fermer son hôtel le dimanche soir et le lundi toute la journée pour satisfaire son personnel. ″Je préfère offrir cette qualité de vie, c’est important, concède la responsable. C’est une façon de garder mon équipe.″  Et pour la plupart, le seul moyen de maintenir leur établissement en activité.

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