Quatre associations d'aide aux migrants dressent un rapport faisant état "d'agressions" et "d'abus de pouvoir" de la part des forces de l'ordre à Calais. Un syndicat de police pointe des "chiffres extravagants".
Privations de liberté, usage disproportionné de la force, intimidation, agressions... C'est ce que pointe un rapport publié par L'Auberge des migrants, Refugee Info Bus, La Cabane juridique et Utopia 56 ce mercredi 5 décembre.
Le document se base sur des témoignages de victimes présumées recueillis en anglais et des vidéos tournées par des bénévoles. Il comporte donc des données chiffrées sur les "abus de pouvoir des forces de l'ordre" de novembre 2017 à août 2018.
"Au cours de cette année, les observations et témoignages ont montré une pratique policière toujours plus répressive" et "une multiplication des abus à l'encontre" des migrants, "harcelés jusque dans leurs abris de fortune", peut-on lire.
Les associations recensent notamment 244 actes de violence policière en un an à Calais dont 153 impliquant l'utilisation d'un agent chimique. "Le plus souvent sans avertissement" ni "provocation" de la part des migrants, avancent-elles.
Le rapport pointe aussi, sur la même période, "389 cas d'abus de pouvoir des forces de l'ordre, dont 52 accompagnés de violence" et "393 opérations d'expulsion". Sont également évoquées des restrictions dans l'accès aux zones de distributions alimentaires.
L'Auberge des Migrants
Nos volontaires reçoivent quotidiennement des témoignages d'exilés ayant subi des violences policières, allant d'un usage disproportioné de la force physique, à l'utilisation abusive d'agents...
Ces expulsions, "hebdomadaires en novembre 2017" avant de devenir "quotidiennes depuis août 2018", "ont souvent été accompagnées de dégradations, confiscations et destructions des effets personnels".
Autre cas de pratiques abusives de forces de l'ordre relevé par les associations : des privations de liberté répétées. "Nos équipes ont observé de très nombreuses interpellations d’exilés, emmenés au poste de police de Coquelles, parfois retenus plusieurs heures puis libérés sans information", explique le rapport.
"Chiffres extravagants"
Il a quelques mois, L'Auberge des migrants était à l'origine d'un autre document relatant des pressions exercées par les forces de l'ordre sur les bénévoles. "La police a empêché à plusieurs reprises les bénévoles de documenter des incidents, les a forcés à quitter les lieux de vie des personnes exilées, a commis à leur encontre des actes d'intimidation et de harcèlement et a procédé à des contrôles d'identité fréquents", relate le rapport.
C'est pourquoi, selon les auteurs de ce document, "on peut supposer que de nombreux cas de violences n'ont pas été recensés", également à cause de la barrière de la langue qui empêche de communiquer avec certains exilés. Mais aussi de la peur des représailles pour certains.
Pour le syndicat de police Alliance, le rapport comporte de nombreuses limites. Mais pour des raisons opposées : "J'ai beaucoup de réserves sur les constats de ce rapport. Dans la majorité des faits, il faut replacer ces actes dans leur contexte et voir ce qu'il s'est passé avant", explique Bruno Noël, secrétaire régional du syndicat.
Même s'il peut y avoir des faits avérés selon lui, parmi les agents poursuivis pour ces actes présumés de violences, "beaucoup sont acquittés" devant la justice. Le policier pointe également des "chiffres extravagants qui ne correspondent pas à la réalité des faits".
"Nous sommes habitués et en même temps un peu lassés de ces rapports de quelques pages, soi-disant documentés mais qui ne prouvent jamais rien", a déploré auprès de l'AFP le préfet du Pas-de-Calais, Fabien Sudry, en soulignant que les "témoignages" sont "indirects, rapportés, traduits et jamais authentifiés".
"Je soupçonne que ce rapport, qui contient des accusations indignes à l'égard de nos forces de l'ordre, ait une simple visée médiatique alors que la situation migratoire à Calais, même si elle reste fragile, peut être qualifiée de contenue", a ajouté le préfet.
La méthodologie du rapport pose surtout question selon Bruno Noël. "On ne peut pas se baser que sur des vidéos et des témoignages", précise-t-il, ajoutant que les forces de l'ordre à Calais font l'objet d'une "hyper surveillance de la part de la hiérarchie".