Plus de police aux frontières, faire participer financièrement le Royaume-Uni, ouvrir un fonds d'indemnisation... lors de sa venue dans le Pas-de-Calais, le ministre de l'Intérieur a dicté une série de mesures pour limiter le phénomène migratoire à la frontière franco-britannique. Guy Allemand, maire de Sangatte, pointe leur manque d'humanisme.
Le 29 novembre 2024, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau était en visite dans le Pas-de-Calais suite à de nombreuses sollicitations du collectif des maires du littoral. Depuis plusieurs semaines, ils sollicitaient la venue du ministre, alors en proie à un sentiment d'abandon face à la crise migratoire à la frontière franco-britannique.
Depuis le littoral, Bruno Retailleau s'est engagé à déployer plus de forces de l'ordre sur le terrain, créer un fonds d'indemnisation pour rembourser les particuliers ayant subi des dégâts et relancer les négociations avec le Royaume-Uni pour que ce dernier participe financièrement à l'endiguement de la crise.
72 heures plus tard, Guy Allemand, maire de Sangatte a eu le temps de digérer les propos du ministre de l'Intérieur. S'il félicite le déploiement rapide de moyens dans le Pas-de-Calais, il reste dubitatif sur le fait qu'ils solutionneront le problème dans sa globalité. Il a accepté de répondre aux questions de France 3 Hauts-de-France.
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Comment réagissez-vous aux annonces de Bruno Retailleau ?
Guy Allemand : "On a le sentiment d'une satisfaction qui reste très partielle. Les annonces qui ont été faites par le ministre ont été des annonces pour renforcer plus le côté sécuritaire, aussi pour bien pour sauver des vies que pour empêcher des migrants de traverser.
Ce que les maires déplorent, c'est une situation invivable depuis quelques années, voire plusieurs décennies. Récemment, il y a des accès de violence du fait des empêchements de traverser qui cause des affrontements avec les forces de l'ordre. Notre population à du mal à vivre ces événements, mais à vivre aussi les passages des migrants qui laissent des traces, cela entraîne beaucoup de frais pour les communes.
On a eu des réponses positives.
Guy AllemandMaire de Sangatte (Pas-de-Calais)
On a eu des réponses positives. On avait réclamé un préfet délégué à l'immigration, c'est chose faite. On avait demandé également d'avoir plus de forces de l'ordre et plus de contact, c'est chose faite. Il y a bien la mise en place d'un fonds d'indemnisation pour ceux qui ont été victimes de dégradations au niveau privé, et il y aurait un fonds d'indemnisation pour les communes.
Maintenant, la question principale, c'est : que va-t-il ressortir des discussions avec les Anglais ?"
Sur le plan humanitaire, y a-t-il un manque d'annonces ?
Guy Allemand : "Il y a un vrai manque d'annonces. La clé de la réponse est détenue par la rencontre avec l'Angleterre.
Vis-à-vis des mineurs, qui ont le bénéfice du regroupement familial et pour lesquels on pourrait créer un couloir de légalité, il n'y a pas eu de réponse. (...) Pour nous, il faut qu'on ait les réponses le plus vite possible pour retrouver la sérénité sur notre territoire.
Ça impacte nos populations de voir les migrants en errance totale sur notre territoire. Ils constituent des camps sauvages qui sont démantelés toutes les 48 heures et qui laissent des stigmates que nous devons gérer au niveau des collectivités. Ça impacte les pompiers, 12% de leur activité relève des faits de l'immigration et c'est le SDIS qui paye, lui-même payé par les collectivités.
La réponse du ministre, c'est qu'on va faire payer les Anglais, d'accord, mais sur le plan humanitaire, on aurait pu consacrer des millions d'euros pour avoir des centres décents. Mais sa réponse est violente : on ne veut pas créer d'effet aspirateur, on ne veut pas créer de point de fixation, ce serait une avalanche du phénomène migratoire sur la France.
La vraie solution est d'arrêter l'hypocrisie anglaise."
Cette rencontre avec les Anglais est-elle primordiale ?
Guy Allemand : "Elle est primordiale. Alors, il faut saluer la création de ce collectif [des maires du littoral, NDLR] par Natacha Bouchart, même si ça a été décrié par les maires de Boulogne et de Dunkerque, ça a eu le mérite de faire bouger les lignes et ouvrir le dialogue.
Retailleau n'a pas été avare de ses paroles et a pris son temps pour nous expliquer toutes ses propositions. Derrière, c'est l'instauration d'un comité de suivi qui permettra la vérification et la mise au point de tout ce qui va ressortir de cette rencontre avec son homologue anglais, Mme Cooper, [ministre de l'Intérieur britannique]."
Propos recueillis par Damien Deparnay et Flavien Bellouti