Le ministre de l'Intérieur est en visite sur le littoral de la Côte d'Opale, ce vendredi 29 novembre 2024, où 71 migrants ont péri en mer depuis le début de l'année. Après une réunion avec la maire de Calais, Bruno Retailleau a présenté plusieurs propositions devant la presse et les élus locaux. Parmi elles, la création de 175 nouveaux postes de forces de l'ordre. Et l'annonce d'un "bras de fer" avec le Royaume-Uni.
C'est son premier déplacement sur le littoral de la Manche, dans le Pas-de-Calais, depuis sa nomination en septembre. Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur, est arrivé à Calais jeudi 28 novembre dans la soirée. Ce vendredi, il était attendu à Ambleteuse et au port de Boulogne-sur-Mer pour rencontrer des élus locaux, les secours maritimes et des membres des forces de l'ordre. 71 migrants sont morts depuis le début de l'année.
Des annonces d'urgence pour plus de sécurisation
C'est à Ambleteuse, devant les élus locaux réunis au sein du collectif des maires de la Côte-d'Opale, initié par la maire de Calais Natacha Bouchart (Divers droite), que Bruno Retailleau a dévoilé ses propositions pour faire face à la crise migratoire. Cette dernière avait lancé une invitation au ministre il y a plusieurs semaines.
Le ministre de l'Intérieur a commencé par répondre à "l'urgence du quotidien des habitants et des élus" avec le renforcement de 175 effectifs de police et de gendarme sur le littoral, au nombre de 800 à ce jour.
Dans le détail, le ministre va pérenniser la patrouille de nuit de 75 personnels créée pendant les Jeux olympiques pour empêcher les passages outre-Manche. Il a aussi annoncé l'arrivée de 75 renforts à la police aux frontières, dès ce lundi 2 décembre 2024. Les commissariats de Calais et Dunkerque seront eux dotés respectivement de 15 et 10 nouveaux postes.
L'Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (OLTIM) va également bénéficier de 20 enquêteurs en plus. Enfin, un nouvel hôtel de police devrait voir le jour à Calais, a promis le ministre.
Pour coordonner cette politique à l'échelle du territoire, une préfet dédié à la question migratoire a été nommé.
Vers un "bras de fer" avec la Grande-Bretagne
"Tout ne peut pas se régler à coups de financements supplémentaires", a déclaré Bruno Retailleau. C'est pourquoi ce dernier souhaite "engager un bras de fer" avec l'Angleterre : "la relation entre la France et le Royaume-Uni ne peut se résumer à la simple sous-traitance du gardiennage de la frontière par la France."
Le ministre de l'Intérieur a pointé du doigt "l'attractivité" de Londres. "Si autant de migrants souhaitent traverser la Manche, c'est que le modèle britannique est très attractif. Et que nos amis britanniques n'ont rien fait pour qu'il soit remis en cause", a-t-il déclaré.
Le successeur de Gérald Darmanin veut "sortir du face-à-face France-Angleterre" en sollicitant l'appuie de l'Union européenne. Pour que cette relation se "transforme entre le Royaume-Uni d'un côté et l'Union européenne de l'autre".
Proposer des "voies d'admission légales" à l'Angleterre
Bruno Retailleau compte sur la venue de son homologue Britannique, Yvette Cooper, le 9 décembre prochain, à Calais, et sur sa réunion, le 10 décembre à Londres, pour requestionner le cadre juridique des relations entre les deux pays.
Le ministre de l'Intérieur compte notamment proposer à son homologue l'ouverture de "voies d'admission légales" entre la France et les côtes anglaises, "par avion, mer ou train". "Si les choses ne progressent pas, on dénoncera les accords du Touquet", a-t-il menacé.
"Il faut rétablir le délit de séjour irrégulier"
À l'échelle internationale, l'ancien sénateur de Vendée compte "renégocier la directive retour européenne" avec l'arrivée de la Pologne à la tête du Conseil de l'Union européenne le 1ᵉʳ janvier 2024. Il compte aussi "multiplier les accords bilatéraux" avec plusieurs pays pour obtenir davantage de laissez-passer consulaires qui permettent l'expulsion d'étrangers dans leur pays d'origine. L'ex-préfet Patrick Stefanini sera en charge de cette mission.
Dans son allocution, le ministre mentionne sa volonté de "rétablir le délit de séjour irrégulier que François Hollande avait suppirmé en 2012". "Ça nous donnera des pouvoirs d'enquête qui permettront par exemple quand on a des téléhpones portables qui permettront de lutter contre les filières illégales", a-t-il justifié.
Sa première visite sur le littoral
Bruno Retailleau est arrivé dès jeudi soir à l'aéroport de Marck, accueilli par la maire de Calais Natacha Bouchart (Divers droite). Ils sont allés à la rencontre de forces de l'ordre sur la côte, comme en témoignent des photos publiées sur les réseaux sociaux de l'édile calaisienne.
"Pas une visite de courtoisie" : Bouchart a échangé avec Retailleau
Plus tôt, ce vendredi matin, Natacha Bouchart a reçu le ministre en mairie pour une "réunion de travail privée", d'environ une heure, en marge de son programme officiel. Premier constat à l'issue de celle-ci : "sa visite à l'air musclée". "Je n'ai pas l'impression que c'est une visite de courtoisie", a-t-elle rapporté à France 3 à l'issue de son échange.
"Bruno Retailleau m'a annoncé qu'il a prévu de revenir courant décembre avec des homologues britanniques pour préparer une visite musclée, avec l'association des chefs d'Etat européens."
Natacha Bouchart, maire de Calais, après son échange avec Bruno Retailleau
"Je lui ai rappelé les effets d'insupportabilité des habitants, l'essoufflement des forces de l'ordre, et les différentes mesures à prendre sur le périmètre de Calais, explique Natacha Bouchart. On lui demande beaucoup, et j'espère qu'il aura cette volonté et le champ d'action pour nous faire des propositions qui correspondent à nos inspirations."
Retailleau pour un "accord global" entre le Royaume-Uni et l'Europe
En amont de sa visite, Bruno Retailleau a esquissé les contours de sa politique migratoire dans un entretien accordé à la Voix du Nord. "Il faut une nouvelle relation avec les Britanniques. Le Brexit a changé la donne. Seule la conclusion d'un accord global entre le Royaume-Uni et l'UE peut réellement faire évoluer la situation", a-t-il déclaré. "Si je dois engager un bras de fer, je le ferai."
"Il faudra à terme une voie légale (d'immigration, NDLR) vers la Grande-Bretagne et une voie de réadmission pas seulement en France mais aussi vers les pays frontaliers", a ajouté M. Retailleau. Mais pas question pour lui de remettre en cause les accords du Touquet entre Londres et Paris, qui depuis 2004 fixent les contrôles des personnes en partance vers le Royaume-Uni sur le sol français: rompre avec ces accords "serait le meilleur moyen de reconstituer la jungle (de Calais, NDLR) et d'emboliser le trafic transmanche", a-t-il estimé.
Nouvelle visite prévue à Calais le 9 décembre
Dans cette interview, l'ancien Sénateur annonce qu'il reviendra à Calais le 9 décembre, avec son homologue britannique Yvette Cooper et repartira le lendemain pour une réunion à Londres "avec les pays concernés par la crise migratoire en mer du Nord et dans la Manche : Allemagne, Pays-Bas, Belgique, France, Royaume-Uni et Irlande. Et j’ai invité Magnus Brunner, commissaire européen des Affaires intérieures et Migrations."
71 morts en 2024
La venue du successeur de Gérald Darmanin survient cinq jours après le triste anniversaire du naufrage du 24 novembre 2021 où 31 personnes avaient péri en mer, le plus mortel depuis le début de la crise migratoire. Le 14 septembre dernier, un nouveau drame d'ampleur est venu raviver les esprits, avec le décès de huit migrants embarqués dans une embarcation de fortune au large d'Ambleteuse.
Cette année, au moins 71 personnes ont perdu la vie lors de tentatives de traversée dans la Manche, selon la préfecture du Pas-de-Calais. Un chiffre record. 33.000 personnes ont, elles, réussi à rejoindre l'Angleterre.