Le procès de trois CRS pour faux en écriture a débuté aujourd'hui en correctionnelle à Boulogne-sur-Mer. Les faits remontent à 2018, ils avaient accusé à tort de violence un bénévole d'une ONG qui vient en aide aux migrants à Calais. Des images avaient permis d’établir un tout autre scénario.
Trois policiers sont jugés aujourd'hui en correctionnelle pour faux en écriture à l'encontre de Tom Ciotkowski, un bénévole britannique de l'ONG Help Refugees qui vient en aide aux migrants à Calais. L'un deux est poursuivi pour "violences par personne dépositaire de l'autorité publique".
Tom Ciotkowski avait été accusé dans un premier temps de violences par ces fonctionnaires, avant d'être blanchi : le tribunal l'a relaxé, estimant que "les vidéos discréditent les déclarations" des policiers et que "les constatations médicales" - ecchymoses, dermabrasion - "laissent subsister un doute supplémentaire quant au récit des policiers sur la tournure de cette interpellation". Le bénévole avait alors décidé de porter plainte.
Une fausse version des CRS
Les faits remontent au 31 juillet 2018, lorsqu'une patrouille de la CRS 40 se rend en contre-bas de la rocade de Calais et fait partir des migrants permettre aux services de la ville de nettoyer sous un pont. Selon le procès-verbal du brigadier, des bénévoles anglais "véhéments" à l'encontre des forces de l'ordre s'en mêlent.
Tom Ciotkowski, 31 ans, aurait "repoussé fermement au niveau de la poitrine" le brigadier et l'aurait traité de "bitch-bastard" et, pour se défendre, le brigadier l'aurait repoussé. Selon les PV d'audition des trois policiers, qui racontent le même scénario, Tom Ciotkowski le pousse au niveau du torse, tombe par-dessus la glissière de sécurité et entraîne le chef dans sa chute.
Tom Ciotkowski a été victime de violences policières à Calais.
— Amnesty France (@amnestyfrance) May 15, 2019
Les policiers ont déposé plainte contre lui pour violences. Il risque 5 ans de prison.
Kafkaïen. pic.twitter.com/mJfYe0KcXk
La version est alors démentie par les témoignages du groupe de bénévoles britanniques et leurs vidéos, diffusées à l'audience en juin 2019 : on voit les policiers cherchant à faire partir les bénévoles, un policier lâche un coup de pied. On entend Tom Ciotkowski dire "do not hit women" (ne frappez pas les femmes) et demander un numéro de matricule. Puis Tom Ciotkowski, qui filme, est bousculé par le brigadier-chef et tombe seul à la renverse par dessus le parapet côté route, au moment où passe un camion. Il est interpellé et placé en garde à vue.
"Les faits rapportés par les policiers se sont révélés inexacts"
Le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) avait relaxé en 2019 Tom Ciotkowski d'outrage et des violences rapportés par trois CRS en marge de patrouilles en 2018. Il avait en retour porté plainte contre eux et le parquet avait ouvert une enquête préliminaire confiée à la police des polices.
"Les faits rapportés par les policiers se sont révélés inexacts, ce sont plutôt les policiers" qui ont montré un comportement ne respectant pas "la mission qui était la leur", a expliqué le procureur de la République de Boulogne-sur-Mer, Pascal Marconville.
Le procès-verbal de l'interpellation, dressé par le brigadier-chef qui avait porté plainte, tout comme les témoignages de ses deux subalternes, n'est pas le "reflet de la réalité". Les trois fonctionnaires seront jugés, sans doute début 2021, pour faux en écriture et le brigadier-chef également pour violences. Le parquet a reçu les conclusions de l'IGPN en février et décidé en avril du renvoi.
"Harcèlement" régulier
Selon plusieurs responsables associatifs d'aide aux migrants sur le littoral, qui dénoncent régulièrement le "harcèlement" qu'ils subissent, c'est la première fois qu'une des plaintes pour des violences envers des bénévoles aboutit. "Il aura fallu, comme trop souvent, des vidéos pour rendre possibles ces poursuites. Elles ont été le rempart à la logique d'impunité que les policiers recherchent systématiquement", ont réagi les avocats de Tom Ciotkowski, Appoline Cagnat et William Bourdon.
Pour Amnesty international, "cette décision rappelle opportunément que filmer les abus de la police peut être la meilleure manière pour mettre un terme à l'impunité que tant de policiers considèrent comme acquise depuis si longtemps".