A la traîne sur "l'usine 4.0", la France veut rattraper son retard et vite concernant l'adoption des réseaux 5G privés dédiés à l'industrie. Objectif : favoriser l'avènement d' "usines intelligentes" censées doper la productivité des entreprises.
Une surface de 50.000 m2 couverte par près de 60 points d'accès 5G disséminés sur 11 bâtiments : avec le site de production de câbles sous-marins d'Alcatel Submarine Networks (ASN) de Calais, la France peut se targuer d'abriter depuis vendredi la "plus grande usine 5G d'Europe", selon l'équipementier télécoms Nokia et Iliad, maison mère de l'opérateur Free, partenaires du projet.
Malgré cet investissement de "plusieurs millions d'euros", en partie financé par le gouvernement, la course de vitesse est cependant loin d'être gagnée.
Car les entreprises françaises accusent un retard "structurel", bien qu'en cours de rattrapage depuis 2018, selon un rapport sur la "5G industrielle" remis en mars dernier au gouvernement.
"Les déploiements de réseaux privés 5G dans l'industrie sont moins nombreux que dans d'autres pays et la dynamique expérimentale française a besoin d'être largement amplifiée", soulignait ce document.
A l'inverse, la Chine, grâce notamment à l'avance technologique de son géant Huawei, et les États-Unis n'ont pas perdu de temps pour favoriser son adoption massive afin de conserver la compétitivité de leurs tissus industriels respectifs.
Le déploiement de la 5G a été bien plus agressif aux Etats-Unis qu'en Europe
Sowmyanarayan Sampath, patron de Verizon Business
"Le déploiement de la 5G a été bien plus agressif aux Etats-Unis" qu'en Europe, explique à l'AFP Sowmyanarayan Sampath, patron de Verizon Business, la branche dédiée aux entreprises de l'opérateur américain, ajoutant avoir "obtenu un très bon soutien du gouvernement américain".
Annoncée comme le catalyseur de la prochaine "révolution industrielle", la 5G promet de bouleverser des pans entiers de l'économie avec de nouveaux usages, comme la maintenance prédictive ou la réalité augmentée, censés permettre l'avènement de "l'industrie 4.0".
Comment ? Grâce à sa faible latence -délai de transmission des données-, un débit multiplié par dix, mais aussi une sécurité décuplée avec des réseaux privés, permettant de conserver les données au sein de l'entreprise.
"Prise de conscience"
Parmi la vingtaine de cas d'usage identifiés par ASN, "l'assistance à distance" grâce à des lunettes connectées permet par exemple de solliciter "en temps réel" des experts, sans qu'ils soient sur le site de Calais, réduisant ainsi les délais d'intervention en cas de problèmes.
"Le débat sur la 5G en France a été cannibalisé par le grand public. Vous n'avez pas eu aux Etats-Unis ou en Asie le vote de moratoire dans les villes", rappelle à l'AFP Jacques Moulin, directeur général du cercle de réflexion DigiWorld Institute, en référence aux interrogations sanitaires, environnementales et sociétales ayant accompagné l'arrivée de la technologie en France fin 2020.
"En Allemagne, les industriels ont fait un recours pour avoir la possibilité d'avoir l'attribution de fréquences, là où, en France, les enchères ont d'abord été prioritairement [à destination des] opérateurs. C'est pour ça que l'industrie est à la traîne en France dans l'adoption de la 5G", complète-t il.
Dans le monde numérique, ce n'est pas celui qui est le plus gros qui gagne. C'est celui qui va le plus vite
Jacques Moulin, directeur général du cercle de réflexion DigiWorld Institute
Pour y remédier, le gouvernement a fait une série d'annonces en octobre, assurant qu'il s'engageait "à accélérer ses actions en faveur du développement de la 5G industrielle" sur tout le territoire.
Principale annonce de Bercy: le lancement d'une "consultation publique" pour rendre les fréquences 5G plus accessibles aux industriels, en baissant "substantiellement les redevances" pour des sites de petites et moyennes tailles.
Une dizaine d'expérimentations des usages de la 5G concernant "l'industrie du futur" ont déjà été soutenues en France, à l'image du projet "5G Steel" d'ArcelorMittal, en coopération avec Orange et Ericsson.
"Il y a eu une prise de conscience", admet Jacques Moulin. "Mais dans le monde numérique, ce n'est pas celui qui est le plus gros qui gagne. C'est celui qui va le plus vite".
Avec AFP