Migrants. "Mais quelle honte" : les associations dénoncent l'interdiction de distribuer eau et nourriture à Calais

Le préfet du Pas-de-Calais, Louis Le Franc, prolonge jusqu'au 23 août l'interdiction de toute distribution gratuite de boissons et denrées alimentaires dans certains secteurs de Calais. Officiellement pour prévenir les risques sanitaires et de troubles à l'ordre public. Colère des associations.

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L'arrêté préfectoral est daté du lundi 26 juillet 2021. Il prolonge pour quatre semaines, jusqu'au 23 août 2021 inclus, l'interdiction de distribuer gratuitement des boissons ou de la nourriture dans certains secteurs de Calais. Le périmètre évolue légèrement, la route de St-Omer ne fait plus partie du périmètre.

Une mesure qui vise officiellement à limiter le plus possible les situations où des personnes seraient amenées à se rassembler alors que le contexte sanitaire est marqué par la propagation du variant delta. Pour la préfecture du Pas-de-Calais, la distribution de repas aux migrants, par des structures non mandatées par l'Etat, n'est pas envisageable compte tenu des risques sanitaires et de troubles à l'ordre public.

"On est désespéré et très en colère !"

Ce mardi 27 juillet à midi, Jean-Claude Lenoir est dans le centre de Calais quand l'orage éclate. Des trombes d'eau s'abattent sur la ville et la cinquantaine d'exilés rassemblés à deux pas du rond-point de l'Hôtel-de-Ville. "Je suis très en colère" martelle le président de l'association SALAM qui vient en aide aux migrants dans le calaisis. "Ces familles, il y avait des enfants, se sont retrouvées noyées sous l'orage. Quelle honte, mais quelle honte ! Vous croyez que la solution c'est de leur supprimer l'eau ? Vous croyez que les gens vont arrêter de fuir la guerre dans leur pays d'origine parce qu'ici on les empêche de boire et de manger?"

Jean-Claude Lenoir est désespéré. "Depuis plus de 20 ans, nos gouvernements successifs mènent des politiques de plus en plus répressives, qui coûtent de plus en plus cher, sans aucun résultat." Tous les deux jours en moyenne "on leur arrache leur tente, la précarité est à son maximum". Selon lui, "malgré la répression", il n'y a jamais eu autant d'exilés dans les rues de Calais. Ils seraient environ un millier, dans une totale errance, selon les chiffres des associations.

Cette errance, la responsable d'Amnesty international pour le Nord, le Pas-de-Calais et la Somme la constate également. Et pour Anne Savinel-Barras, elle justifie encore davantage son opposition à l'arrêté du préfet. "Nous ne disons pas que rien n'est fait de la part des autorités, mais cette mesure là vient compliquer très sérieusement et dangereusement le quotidien de ces familles, des personnes vulnérables qui sont sur le territoire."

La préfecture du Pas-de-Calais a en effet mandaté un seul opérateur, La Vie active, pour effectuer des maraudes alimentaires. En juin 2021, 56 645 repas auraient été distribués à Calais, soit une moyenne de 2 266 repas par jour, à raison de quatre distributions quotidiennes. Une distribution mobile selon les autorités, afin d'aller à la rencontre des migrants : "ces distributions s'adaptent en permanence aux principaux lieux de vie des migrants et à leur nombre, évitant ainsi des déplacements et des concentrations où la diffusion de la Covid-19 serait facilitée." Mais pour Anne Savinel-Barras la réalité est tout autre : "les exilés doivent souvent faire plusieurs kilomètres à pieds, et plusieurs fois par jour, pour aller chercher de l'eau, là où elle est distribuée."

Amnesty international a rédigé un courrier d'alerte en ce sens fin juin au préfet du Pas-de-Calais, Louis Le Franc. La réponse lui est parvenue le 15 juillet dernier "pour dire que le nécessaire a été fait". Dans son arrêté la préfecture rappelle ainsi "les dispositions exceptionnelles prises depuis le début de la crise sanitaire". Des maraudes, des dons de kit sanitaires et depuis juin 2020, une distribution hebdomadaire de masques, plus de 83 125 à ce jour.

Le plus révoltant, c'est le déni des autorités.

Anne Savinel-Barras, responsable Amnesty international pour le Nord, le Pas-de-Calais et la Somme

Mais les associations sont unanimes, la situation des migrants dans le calaisis est dramatique. Cet arrêté est le dernier d'une longue série, dont le premier date de septembre 2020. Il vient selon elles, encore un peu plus, déteriorer la vie des exilés : "le plus révoltant, c'est le déni des autorités" affirme dépitée Anne Savinel-Barras.

Quelles solutions à long terme ?

Quelques jours seulement après la visite à Calais, samedi 24 juillet, du ministre de l'Intérieur, les associations ont promis de réagir. Gérald Darmanin était venu officialiser un accord franco-britannique visant à renforcer la lutte contre l’immigration clandestine. Mais pour Jean-Claude Lenoir, tous les renforts de police à venir ne résoudront pas la question migratoire. "Notre Président doit prendre son bâton de pèlerin et convaincre ses partenaires européens de revoir le règlement de Dublin". Un règlement qui organise les demandes d'asile depuis le 1er juillet 2014. 

De son côté, la préfecture insiste sur le dispositif mis en place depuis août 2017 pour organiser "des départs depuis la commune de Calais vers les centres d'accueil et d'orientation ouverts sur le territoire français dans lesquels des places sont disponibles." Objectif : orienter les réfugiés vers la procédure de demande d'asile en France.

On glorifie un réfugié qui gagne une médaille au JO pour la France, mais on continue à les maltraiter ici à Calais

Jean-Claude Lenoir, Président de l'association SALAM

En attendant, le quotidien des exilés de Calais ne change pas. "On glorifie un réfugié qui gagne une médaille au JO pour la France, mais on continue à les maltraiter ici à Calais" s'insurge le responsable de l'association SALAM, faisant référence au judoka Luka Mkheidze. Celui qui vient de décrocher la médaille de bronze à Tokyo en -60 kg, avait fui son pays la Géorgie en 2010 à cause de la guerre, avant d'être naturalisé français en 2015.

L’interdiction de toute distribution gratuite de boissons et denrées alimentaires dans certains secteurs de Calais est effective jusqu'au 23 août inclus. Les associations annoncent d'ores et déjà vouloir contester l'arrêter préfectoral.

 

 

 

 

 

 

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