Une semaine après le drame qui a fait six morts au large de Sangatte, les associations d'aide aux migrants sont plus mobilisées que jamais et confirment que les départs commencent de plus en plus loin, mais ne diminuent pas.
Une semaine plus tard, le drame reste toujours vif dans les consciences. Le samedi 12 août 2023, une embarcation sur laquelle naviguait une soixantaine de migrants a chaviré au large de Sangatte. Après plusieurs heures de recherches, les secours ont fait état de la mort de six Afghans et d'un disparu. Une telle tragédie n'avait pas eu lieu depuis le 24 novembre 2021, après que 24 personnes ont perdu la vie en mer dans le Calaisis.
Huit jours plus tard, l'écho de ce naufrage ne dissuade pourtant pas les traversées. En atteste l'association Salam, qui distribue des repas aux migrants proches de Calais, et voit la fréquentation de son stand diminuer, les exilés choisissant de prendre la mer, peu importe la météo.
Des centaines de repas distribués
"On vise au minimum 600 repas. Sachant que le samedi il y a souvent plus de monde." Ce 19 août 2023, Jacky Bricout, bénévole de l'association Salam, prépare les plats qui seront distribués aux migrants du Calaisis. "Les jours où il fait beau il y a plus de passage. On a souvent moins de monde. Mais des jours comme aujourd'hui où il y a plus de vent, ils restent sur la jungle, et sont plus nombreux à venir demander un repas."
"Des jours comme aujourd'hui où il y a plus de vent, les personnes restent sur la jungle, et sont plus nombreuses à venir demander un repas."
Jacky Bricout, bénévole de l'association Salam
Pourtant, lorsque la distribution commence à l'ouest de Grande-Synthe, une file plutôt courte se forme devant le stand. "Pour le moment on est à 150 personnes, on attend les autres qui doivent être en train d'arriver, on l'espère", analyse Pascaline Delaby, également bénévole. "On pense faire 400 repas aujourd'hui." La veille, les bénévoles ont pourtant servi plus de 450 assiettes.
Cette baisse peut s'expliquer de deux façons : les bénéficiaires de la distribution se trouvaient plus loin, et mettent donc plus de temps à se rendre sur les lieux... Ou bien, plus fatalement, une partie de ces personnes est restée sur la côte, pour tenter la traversée, malgré la météo capricieuse. Ce samedi encore, la préfecture maritime faisait état de 33 migrants secourus dans un bateau en difficulté, au large de Calais.
La peur ne dissuade pas
"Les gens sont arrivés jusque-là. Ils sont à seulement 30 km des côtes. Après tout le parcours qu'ils ont enduré, ils se considèrent comme arrivés et ne renonceront pas. Ils passeront tous, il y aura juste plus ou moins de risques", atteste un autre bénévole de Salam, en ajoutant que les décès survenus le week-end dernier ne décourageront pas les tentatives de traversée.
"À 30km des côtes, ils se considèrent comme arrivés et ne renonceront pas"
Bénévole de l'association Salam
Mais la disparition des six Afghans le 12 août ne laisse pas les migrants du Calaisis indifférents pour autant. Pascaline Delaby indique : "Pendant les dernières distributions, beaucoup parlaient du naufrage de samedi. Les gens ont toujours peur avant la traversée, et ces décès ne font que la renforcer."
Pourtant ils ne renonceront pas à leur départ. Certains comptent même reprendre la mer, après avoir tenté la traversée déjà plusieurs fois. C'est le cas d'un couple de Kurdes iraniens, venus à la distribution avec leurs trois enfants. "Ça fait déjà cinq fois que l'on essaie de rejoindre l'Angleterre", affirme la maman.
La veille, cette famille avait été interceptée par la police, alors qu'elle essayait de monter dans une embarcation. "On a changé de place trois fois. On a couru pendant des heures et je me suis blessée à la jambe." Le couple, qui a bien conscience des dangers liés à la traversée, compte bien retenter le coup, mais un peu plus loin de Calais cette fois.
"Plusieurs témoignages de violences policières"
Dans un communiqué, l'association d'aide aux migrants Utopia 56 réagit à ces départs, de plus en plus éloignés des côtes anglaises, et dénonce "la "bunkerisation" de la frontière" ainsi que "la répression accrue par les forces de l’ordre lors des empêchements des départs." Utopia 56 explique avoir "recueilli plusieurs témoignages de violences policières" ces dernières semaines lors de leurs maraudes de nuit.
"Ces dernières semaines, lors de leurs maraudes de nuits, les équipes d’Utopia 56 ont recueilli plusieurs témoignages de violences policières."
Utopia 56
Selon les chiffres de l'association, la présence policière renforcée sur le littoral des Hauts-de-France n'empêche d'ailleurs pas les départs : depuis le 4 août, 2057 personnes ont réussi la traversée jusqu'au Royaume-Uni. "En résulte en revanche des départs de small boat depuis toujours plus loin sur la côte." L'association rappelle également que depuis 1999, au moins 376 personnes ont perdu la vie à la frontière franco-britannique.