Qui se cache derrière le compte "Active Patriot", qui veut "chasser des migrants" à Calais ?

Le compte anglais "Active patriot" a menacé sur le réseau social X de se rendre à Calais le 11 août prochain afin d'empêcher les migrants de se rendre dans son pays. Cette menace, prise très au sérieux par l'association Utopia 56, est en lien avec les émeutes racistes qui secouent le Royaume-Uni depuis plus d'une semaine. Portrait de cet activiste extrémiste, surveillé de près par les autorités françaises.

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Chasseur de migrants. Voilà comment l'activiste d'extrême droite anglais qui agit sous le pseudo d'active patriot sur les réseaux sociaux se définit (Migrant Hunter en anglais). Avec plus de 140.000 abonnés sur X et plus de 3.000 sur son canal Telegram, il est une figure anti-immigration très active, suivi par une grande communauté d'Anglais se définissant comme de "vrais patriotes".

Jeudi 1er août, l'homme publie un message sur X : il propose à toute personne volontaire de l'accompagner en France à partir du 11 août, certainement à Calais (Pas-de-Calais), pour empêcher les migrants de traverser la Manche et de chercher asile au Royaume-Uni.

Il lance un canal de discussion, nommé "stop the boat", "arrêtez le bateau" en français, comptant à ce jour 248 membres. Une cagnotte de soutien pour ses frais de déplacements est également en ligne et atteint 1.576 livres anglaises, soit environ 1.833 euros. Mais qui se cache derrière ce compte ?

Altercation avec Utopia 56

Celui qui se définit comme un père et un grand-père "patriote", "se battant contre l'immigration" s'appelle en réalité Alan Leggett. L'homme, originaire de Grimsby dans le Lincolnshire, est bien connu de la justice anglaise : il a été condamné plusieurs fois pour avoir tenu des discours de haine, comme en 2023 après avoir proféré des insultes antisémites lors d'une émission en ligne sur Youtube. Un réseau dont il a été banni depuis, tout comme TikTok.

Le groupe antiraciste anglais Hope not Hate, précise qu'il est coutumier des manifestations anti-immigrés en Angleterre. Lui et une autre activiste, Amanda Smith (Yorkshire Rose sur les réseaux) sont accusés de se rendre dans les logements pour migrants afin de "filmer et harceler les occupants et le personnel".

L'homme n'en est pas à son coup d'essai. Il était déjà présent sur les plages françaises cet été avec d'autres partenaires, comme l'atteste une vidéo publiée sur son profil X le 24 juillet. On y entend l'auteur de la vidéo invectiver plusieurs membres de l'association d'aide aux migrants Utopia 56.

"C'est absolument effrayant", réagit Charlotte Kwantes, responsable de la communication et des plaidoyers auprès d'Utopia 56. "La menace est assez claire, ces personnes sont prêtes coûte que coûte à arrêter les bateaux [de migrants] et ce n'est pas pour leur sauver la vie", affirme-t-elle.

Avant d'ajouter que ces personnes "racistes et xénophobes"  récupèrent "tous les papiers d'identité des migrants qu'ils peuvent trouver" sur place, sans savoir quelle utilisation ils comptent en faire. Des manœuvres inquiétantes selon la membre de l'association.

Utopia 56 a signalé au parquet de Boulogne-sur-Mer le message dans lequel le militant fait part de son intention d'aller dans le Pas-de-Calais. Aucune plainte n'a été déposée à ce stade précise l'association. Le procureur de la République indique avoir alerté les forces de l'ordre sur place.

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"Est-ce qu'ils vont être empêchés de venir ?", s'interroge la responsable associative. La préfecture du Pas-de-Calais a indiqué ne pas pouvoir communiquer sur leur dispositif de renseignement et de sécurité. Néanmoins, "la situation est suivie attentivement par les services de l’État", ajoute-t-elle auprès de France 3.

Des extrémistes qui surfent sur des fake news 

Active Patriot n'a pas tardé à réagir sur les réseaux sociaux. "Utopia 56, l'ONG qui aide les clandestins à traverser la Manche et que j'ai rencontrée sur la plage en France, essaie de me faire interdire et peut-être même arrêter", écrit-il sur X le 6 août 2024. ("Utopia 56, the NGO group that help illegals cross the channel that I confronted on the beach in France, are trying to get me banned and possibly arrrested"). 

Pour lui, ces ONG seraient complices des passeurs de migrants. Des accusations que réfutent les membres d'Utopia 56. Les quelque 200 bénévoles mobilisés quotidiennement en France ne font selon eux, qu'organiser des maraudes, des collectes et distributions alimentaires et matérielles, trouver des hébergements d'urgence et tenir des permanences d'information.

Ce genre de fake news est le fonds de commerce habituel des militants d'extrême droite présents sur les réseaux sociaux. C'était justement une fausse information le 3 août 2024 qui avait relancé les émeutes au Royaume-Uni : quelques jours après le meurtre de trois petites filles dans la ville côtière de Southport, des messages mensongers attribuaient le crime à un demandeur d'asile.

Un ancien acolyte d'Alan Leggett a participé à la diffusion de cette fake news et de bien d'autres : Tommy Robinson (de son vrai nom Stephen Yaxley-Lennon). Ce dernier, très actif sur X, a par exemple publié une vidéo d'un affrontement à Stoke et affirmé que deux manifestants avaient été poignardés "par des musulmans".

Deux heures plus tard, la police locale a confirmé que l'information était fausse. Tommy Robinson est tenu en partie responsable des émeutes par les autorités britanniques et son nom est régulièrement scandé dans les manifestations racistes.

"On entend aussi ce genre de fausses informations et fantasmes dans la bouche de personnes qui ne sont pas spécifiquement affiliées à l'extrême droite"

Charlotte Kwantes, responsable de la communication d'Utopia 56

L'homme, qui est actuellement à Chypre pour fuir un procès en diffamation, est aussi le fondateur de l’English Defence League, un mouvement d'extrême droite islamophobe aujourd'hui inactif mais dont les anciens membres restent mobilisés. À son apogée, le mouvement comptait environ 25.000 activistes.

Selon la communicante d'Utopia 56, "on entend aussi ce genre de fausses informations et fantasmes dans la bouche de personnes qui ne sont pas spécifiquement affiliées à l'extrême droite, comme des représentants de police que l'on côtoie sur le terrain, le ministre de l'Intérieur et même la maire de Calais".

Un climat général qui "met en danger la vie de façon très concrète" des membres de l'association et de ceux qui la soutiennent de près ou de loin et qui s'accompagne d'une hausse d'actes de malveillance constatée sur le terrain par les bénévoles depuis les élections européennes.

Charlotte Kwantes dénonce un "racisme un peu débridé et complètement décomplexé" qui laisse craindre en France "les prémices de ce qui se passe au Royaume-Uni".

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