Suite au décès d'au moins 27 migrants au large de Calais le 24 novembre dernier, l'association Utopia 56 a déposé une plainte devant le tribunal judiciaire de Paris vendredi 17 décembre 2021 pour homicide involontaire et omission de porter secours. Sont notamment visés le préfet maritime, le CROSS Gris Nez et les garde-côtes britanniques.
Un peu moins d’un mois après le naufrage d’une embarcation de fortune au large de Calais ayant causé la mort d’au moins 27 migrants au large de Calais, l’association Utopia 56 dépose plainte pour homicide involontaire et omission de porter secours auprès de la procureure du tribunal judiciaire de Paris.
Sont notamment visés le préfet de la Manche et de la mer du Nord Philippe Dutrieux, le directeur du CROSS Gris Nez Marc Bonnafous et la directrice des garde-côtes britanniques Claire Hugues.
De nombreux appels de détresse, en vain
L’association se base sur le témoignage des deux personnes rescapées. Interrogés par Rudaw, un média kurde, tous deux assurent que plusieurs appels de détresse ont été envoyés aux services de secours français et anglais, bien avant la découverte des corps par un bateau de pêche.
Mohammed Shekha Ahmad, rescapé de 21 ans, raconte avoir embarqué sur un bateau semi-rigide dans la nuit du mardi 23 au mercredi 24 novembre. Avant que les flotteurs ne se dégonflent et que le bateau ne coule, il l’assure, les passagers ont appelé à l’aide. "On a appelé la police française, et on a dit : « aidez-nous, notre moteur ne fonctionne plus », raconte-t-il. Alors on a donné notre localisation, et ils nous ont dit : « vous êtes dans les eaux britanniques ». On a donc appelé les anglais, qui nous ont dit d’appeler la police française".
Mohammed Isa Omar, second rescapé du naufrage de nationalité somalienne, a étayé les propos de Mohammed Shekha Ahmad. Il raconte que les naufragés ont passé plusieurs appels et ont attendu près de 10 heures dans l’eau glacée avant qu’un pêcheur, à bord du chalutier Saint Jacques, ne donne l’alerte aux autorités peu après 14 heures.
Selon nos confrères du journal le Monde, plusieurs témoignages de proches des victimes et les relevés des appels téléphoniques corroborent cette hypothèse.
Faire toute la lumière sur les circonstances de ce naufrage
Avec cette plainte, l’association Utopia 56 espère mettre en lumière les défauts de coordination entre les secours français et britanniques. Accompagnés par l’avocat Emmanuel Daoud, l’association souhaite que "toute la lumière soit faite sur les circonstances de ce naufrage".
Y a-t-il eu manquement ? Dans un message posté sur les réseaux sociaux, l’avocat rappelle qu’une enquête pénale, ouverte au lendemain du drame, "portait sur les réseaux criminels de passeurs".
La justice devra désormais s’interroger sur les modalités des opérations de sauvetage menées par les services français et anglais.
Emmanuel Daoud, avocat
Avec cette plainte, "la justice devra désormais s’interroger sur les modalités des opérations de sauvetage menées par les services français et anglais". La question centrale : "informés, se sont-ils coordonnés, ont-ils respecté les conventions en vigueur ?"
Pas la première fois selon l’association
Dans un communiqué de presse, l’association Utopia 56 rappelle enfin que des appels au secours de la part de migrants en difficulté lors de traversées de la Manche étaient déjà restés sans réponse.
Quatre jours avant le drame notamment, le 20 novembre 2021 à 9h23. "Ce matin-là, l’équipe d’astreinte d’Utopia 56 a reçu un appel de détresse depuis une embarcation à la dérive. Dans l’un des messages vocaux envoyés depuis l’embarcation, une personne exilée nous disait : « Par exemple si j'appelle le 999 (numéro d’urgence et de secours au Royaume-Uni, ndlr), ils disent appelez la France et quand on appelle la France ils nous disent de contacter le Royaume-Uni. Les deux se moquent de nous ».
Dans un communiqué en date du 3 décembre, l’agence de garde-côtes britannique affirme pourtant que "chaque appel a été pris, évalué et traité". Côté Français, la préfecture maritime de la Manche et de la Mer du Nord, sollicitée par le Monde, affirme dans un mail en date du 1er décembre que "le Cross Gris-Nez n’a pas eu connaissance de cette embarcation en difficulté avant que l’alerte soit donnée par un navire de pêche". C’est désormais à la justice de faire la lumière sur ce drame.