L'affaire remonte à 2015, avec la saisie dans les eaux du Pas-de-Calais de 2,3 tonnes de cocaïne dans un cargo en provenance de Colombie et à destination des Pays-Bas. Dix hommes, dont six sous mandat d'arrêt, sont jugés à partir de lundi 8 février aux assises du Nord. Verdict prévu le 18 février.
Une fausse société aux Iles Marshall, un intermédiaire panaméen et des logisticiens turcs : dix hommes, dont six sous mandat d'arrêt, sont jugés à partir de lundi 8 février aux assises du Nord pour la saisie en 2015 de 2,3 tonnes de cocaïne, dans un cargo à destination des Pays-Bas.
Un cargot et 75 millions d'euros de cocaïne
Le soir du 10 décembre 2015, la douane française arraisonnait dans les eaux du Pas-de-Calais un cargo en très mauvais état, vide, battant pavillon moldave, en provenance de Colombie et officiellement à destination de la Pologne.
Dans une cache aménagée en salle des machines, les agents découvrent 80 ballots de cocaïne d'environ 30 kg chacun, composée de coca péruvienne et colombienne d'un taux de pureté de 68 à 91%, pour une valeur estimée à 75 millions d'euros. Un montant multiplié au moins par deux à la revente. La quantité représente, à elle seule, 20% des saisies de cocaïne en France cette année-là.
Un équipage à l'apparence légale
Parmi les douze membres d'équipage arrêtés : neuf hommes de la marine marchande ukrainienne, condamnés en correctionnelle le 10 septembre 2019 à des peines de 5 à 8 ans de prison.
Selon l'accusation, ils ont été appâtés par un groupe criminel turc responsable du transport de la drogue, qui, si le rafiot n'avait pas été contrôlé, aurait dû être récupérée par un bateau de pêche dans les îles néerlandaises de la Frise.
"Ils sont extérieurs au trafic, ce qui rend impossible de remonter la filière. On ne sait pas qui achète, ni qui vend, ni qui dirige le transport."
Le capitaine géorgien, 61 ans, Badri Beridze, le superviseur turc, 58 ans, Huseyin Cakir, l'officier en second ukrainien, 33 ans, Oleksandr Khatsakevych, et le recruteur turc Ahmet Ogün Savci, 45 ans, arrêté en Ukraine, vont comparaitre notamment pour importation de stupéfiants en bande organisée et association de malfaiteurs devant la cour d'assises spéciale, composée de magistrats professionnels.
"Beaucoup ont été sacrifiés là-dedans"
"Ce sont des lampistes. Des travailleurs, qui ont toujours gagné leur vie honnêtement, utilisés pour donner une apparence légale. Ceux dont le métier est le trafic de drogue ne seront pas à cette audience", fait valoir Me Philippe Ohayon, avocat de Beridze, jamais condamné.
"On crée des façades, on ne donne pas toutes les infos à tout le monde. Beaucoup ont été sacrifiés là-dedans", estime Me Jérôme Szafran. Son client Khatsakevych n'aurait compris l'objectif réel de son contrat qu'une fois atterri en République dominicaine.
C'est là qu'il monte à bord du "Carib Palm", stationné à Saint-Domingue. Après une escale à Carthagène, où l'on fabrique la cache, le navire s'arrête le 16 novembre au large du Venezuela. Trois bateaux viennent y transborder la drogue, puis entame sa traversée de l'Atlantique, selon l'enquête de la juridiction interrégionale spécialisée de Lille.
Identité usurpée
Les trafiquants ont multiplié sociétés, noms, adresses, intermédiaires et sous-traitants. Le cargo avait été acheté pour 650.000 euros par la société Blue Marine, domiciliée dans les Îles Marshall. Son président officiellement ? Un inspecteur de sécurité belge de 47 ans de la compagnie maritime CMA-CGM domicilié à Marseille... dont l'identité avait été usurpée.
"Les enquêteurs l'ont arrêté devant ses collègues, sur son lieu de travail (...) Il était fiché, ça lui causait des problèmes pour voyager, pour travailler", s'insurge son avocat Me Olivier Rosato, constitué partie civile.
Des donneurs d'ordre absents du procès
En réalité, un broker panaméen, Antonio Serrano Samudio, a joué les intermédiaires et acheté le navire pour le compte du donneur d'ordre turc Mehmet Murat Buldanlioglu. Ils n'ont jamais été arrêtés, ni les responsables turcs Omer Kant, Azmi Ceylan, Saban Madan, ni l'entremetteur ukrainien Yuri Lisovoy. Ils seront jugés en leur absence.
Selon l'accusation, plusieurs accusés ont fait partie d'une même organisation criminelle à l'origine de cargaisons de plusieurs tonnes d'héroïne et de cocaïne interceptées dans les eaux britanniques et turques, entre 2015 et 2017.
Le verdict est prévu le 18 février.