C'était le rêve de leur vie : avoir une maison à eux. Toutes leurs économies y sont passées. Une trentaine de familles de la Côte d'Opale a été victime d'un entrepreneur. Les travaux n'ont jamais été finis et depuis, l'entreprise est placée en liquidation judiciaire.
Elle tente de garder le sourire. Mais on sent bien que le cœur n'y est pas. Lynda Labou erre sur la dalle cernée de 3 rangées de briques. Ce devait être une jolie maison dans ce lotissement de Calais où ses deux jeunes garçons allaient grandir. Autour d'elle, de nouvelles demeures blanches au toit gris. La sienne prend l'eau. Depuis des mois pas un ouvrier n'y a mis les pieds. L'entrepreneur, en qui elle avait confiance, ne répond plus.
"Je l’ai rencontré en novembre 2022. C'était le moment où je mettais en place le prêt immobilier. On s'est bien entendus. Il a fait les plans de la maison, je n'avais pas d'objection. Il était extrêmement disponible, il appelait tout le temps. Dès le premier appel de fonds, je ne me suis absolument pas méfiée, ma banque non plus, on a procédé au déblocage de l’argent".
Ensuite, l'entrepreneur réalise l'étude de sol, les travaux débutent. Tout semble allait pour le mieux même si les premiers accros surviennent : "C'est vrai que ça prenait un peu de temps. Dès le départ, je trouvais que c’était long, mais on était à une période où il y avait beaucoup de pluie… Ça pouvait s'expliquer…" raconte-t-elle.
L'homme, a même fait pression sur la mère de famille pour obtenir plus d'argent : "il a commencé à réclamer d’autres appels de fonds, il nous montrait des courriers de ses fournisseurs, indiquant qu’il fallait acheter maintenant parce qu’en février 2023 il allait y avoir une hausse des tarifs des matériaux. On a fait d’autres déblocages… "
Le piège s'est refermé. "On est à 130 000 euros et aujourd'hui, je n’ai qu’une dalle", lâche-t-elle, lasse.
Forcément, Lynda Labou s'en veut. D'autant plus qu'elle est juriste. Elle ne pensait pas être un jour victime de tels agissements. Elle poursuit son récit : "Tout était prétexte pour ne pas venir travailler. Il était malade, il s’était coupé le doigt, il faisait un burn-out, il divorçait, son camion était en panne, sa femme était malade, il a eu beaucoup de décès dans sa famille...". Puis : "Toutes les excuses étaient bonnes, pourtant c’est quelqu’un qui m’a mise en confiance. Parce qu’il était très présent, il m’appelait chaque jour. Et même si j’étais dans une situation de profonde angoisse, il savait m’appeler, me rassurer et m’apaiser. Lui-même me disait : "Vous savez Madame Labou, si j’étais un escroc, je ne vous appellerai pas, je vous laisserai sans nouvelles".
Une trentaine de victimes
Lynda Labou réalise qu'elle est probablement victime d'une escroquerie quand elle découvre que l'entrepreneur a d'autres chantiers à l'arrêt. À quelques mètres de son chantier, elle rencontre Gwenaël Simon. Il a déboursé 64.000 euros d'acompte pour sa maison, en août 2023. Chez lui aussi le chantier s'est arrêté. Seule la dalle est coulée.
Le père de famille a porté plainte en août 2024. Et, le 16 septembre, il a reçu un avis de classement sans suite. Il est effondré : "On se sent volés, victimes d'escroquerie. On a déposé une plainte pour être entendus. Un mois après, on nous a répondu, c'est bien. Mais j'ai du mal à croire qu'il y ait eu une véritable enquête". Il fulmine : "C'est si facile de gagner de l'argent et de ne pas être reconnus coupable !"
Un entrepreneur en liquidation
La descente aux enfers ne s'arrête pas là. En septembre 2024, l'entrepreneur a été placé en liquidation judiciaire. Le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) a alors découvert 28 créanciers. Des artisans et sous-traitants qui attendent toujours d'être payés. Mais aussi d'autres particuliers, comme Marc-Antoine Dolenz. Il a réglé 40.000 euros d'acompte pour l'extension de sa maison. Sa plainte est en cours d'instruction. Les victimes vont créer une association pour peser dans un procès éventuel. Et espérer revoir un peu de l'argent qu'ils ont versé.
Contacté, l'entrepreneur n'a pas donné suite à nos appels.
Avec F. Wasson / S. Hasnaoui.