Secrétaire nationale d'Europe écologie Les Verts, Marine Tondelier s'est engagée dans la politique en 2009. Elle fait de la santé environnementale son cheval de bataille et en militante convaincue, elle n'abandonne jamais.
"La question qui se pose, c'est que les enfants qui naissent en 2023, on ne leur dit pas 'c'est foutu' mais on ne peut pas leur garantir que la planète sera encore habitable l'année de leurs trente ans", alerte Marine Tondelier, secrétaire nationale d'Europe écologie Les Verts.
"Il y a une vraie responsabilité collective"
Pour elle, la santé environnementale a toujours été sa priorité. Née dans le Pas-de-Calais, près d'Hénin-Beaumont, elle prend très tôt conscience de l'urgence écologique qui touche le territoire.
"Quand vous grandissez dans ce territoire que j'aime - c'est chez moi, je suis née là, je veux passer ma vie là et nulle part ailleurs - vous vous dites : quand je respire, je m'empoisonne, quand je bois l'eau, je m'empoisonne parce qu'il y a des perchlorates. Les femmes enceintes n’ont pas le droit par arrêté préfectoral de boire l’eau du robinet par exemple, parce qu’il y a les munitions de la guerre qui continuent de se dégrader dans le sol, pour des centaines d’années. Plus la ligne très haute tension, plus Metal Europe où on s’est battu quand même pendant des années quand le site marchait, détaille Marine Tondelier. Quand il a fermé, pour savoir ce qui se passait - aujourd’hui grâce à l’opiniâtreté de personnes qui se battent - on a fait des campagnes de dépistage au plomb et des enfants, 20 ans après la fermeture du site, sont dépistés il y a quelques semaines, atteints de saturnisme. Il y a une vraie responsabilité collective."
Un événement déterminant
Marine Tondelier est une femme engagée. Conseillère régionale des Hauts-de-France, élue d'opposition de sa commune Hénin-Beaumont, elle a rejoint EELV en 2009, un parti qu'elle découvre lors des manifestations étudiantes contre la loi relative aux libertés et responsabilités des universités. Inscrite à Sciences Po Lille, elle est de toutes les assemblées générales : "il y avait tellement de monde à l'AG que l'amphi s'est effondré. On est donc allé à la fac de droit. Un jour, quelqu'un distribue des tracts 'avec une bonne tête d'écolo' on va dire. Des filles de la fac le prennent de haut et passent leur chemin. Ne comprenant pas leur comportement, je vais chercher son tract et là je vois les noms de José Bové pour qui j'avais voté en 2007, Eva Joly, Cécile Duflot, Daniel Cohn-Bendit. Ils seront à Lille ce week-end et là je dis : je reste."
Curieuse, la jeune femme se rend alors au meeting d'Europe écologie Les Verts, un meeting qu'elle n'est pas prête d'oublier : "Dans cette salle, je ne peux pas vous décrire ce moment, mais déjà, tout le monde avait des tee-shirts à message. C'était la mode. 'OGM non merci', 'On protège la forêt', 'L'eau, c'est important'. En lisant, je me disais, je suis d'accord avec tous leurs tee-shirts. Et vous savez, je suis fan du stade Bollaert, j'adore les ambiances de foule, d'émotions, de communion. Et dans cette salle, je vois comment les gens réagissent à ce qui est dit sur la scène, à quel moment ils applaudissent, ce qui les fait vibrer, ce qui les anime et je me dis, c'est ma famille. Je n'ai jamais fait de politique, mais je me sens comme eux."
Le soir-même, l'étudiante prend son adhésion sur le site internet du parti. À cette période, Europe écologie Les Verts est en train d'être créé, le maire d'Hénin est en prison et on est en pleine campagne des Européennes. Une semaine après, on sonne à sa porte : "ils disent : on est les Verts. On vient de la salle des fêtes des résultats. Il y a un score historique à Hénin. Il y a une élection municipale bientôt. On est quatre, avec toi, on est cinq, est-ce que tu es d'accord ? Moi, je passais le concours de directrice d'hôpital, d'ailleurs les écrits étaient le lendemain du 2e tour des municipales. Donc je suis partie cinq semaines en campagne. Je n'ai jamais regretté. Commencer comme ça, quand vous vous appelez Marine, d'Hénin-Beaumont, cet été-là, tout le monde a suivi cette campagne. Il n'y en avait qu'une en France de municipales. C'est à ce moment-là que j'ai compris que les Verts sont très solidaires et très corporate. La première liste écologiste à Hénin a fait alors un score très honorable pour l'époque."
Se sentant soutenue, Marine Tondelier se lance dans la bataille, déterminée à défendre ses idées contre vents et marées.
Je suis venue à l'écologie parce que quand vous habitez dans la région de Lens, vous avez cinq ans d'espérance de vie en moins qu'un Parisien. C'est assez implacable parce que la précarité tue dans l'indifférence générale.
Marine Tondelier, secrétaire nationale Europe écologie Les Verts
"Je pense que c'est un combat très dur parce que l'écologie, parce que Hénin-Beaumont, parce que jeune, parce que femme. Mais en fait, c'est dur dans plein d'endroits en France. Dans le Lot-et-Garonne où les copains se font menacer de mort, en Bretagne où ils combattent l'agro-industrie. On est très solidaires de tous les copains qui se font harceler, humilier, intimider et maintenant surveiller par le gouvernement pour le simple fait qu'ils sont écologistes. Je me suis toujours dit un jour, ce sera aussi à mon tour de rendre à ce parti la solidarité dont j’ai bénéficié parce que je sais ce que c’est."
"Il faut juste qu'on s'organise et qu'on prenne le pouvoir"
Pour Marine Tondelier, il y a urgence. Selon elle, si on veut préserver la planète, notre mode de vie doit changer. "60% des oiseaux des champs en Europe ont disparu dans les années 80. C'est un chiffre d'une étude scientifique américaine validée par tout le monde. On voit bien qu'il y a un rapport avec les pesticides et j'ai des personnes qui viennent me harceler en me disant 'arrêtez avec les pesticides', qui vérifient les chiffres quatre fois. Vérifiez si vous voulez. Je vais continuer de le dire parce que c'est pour ça qu'on se bat. Vous savez, les écologistes, on peut avoir des qualités, des défauts, mais ce qui est sûr, c'est qu'on n'abandonne jamais. Je regarde les vidéos d'il y a 40, 50 ans, de René Dumont, notre premier candidat à la Présidentielle avec son verre d'eau. Il dit dans son clip de campagne en 74 'vous voyez ce verre d'eau, bientôt, on en manquera, bientôt l'eau sera précieuse. Tout le monde rigolait en disant merci René, on a noté. Et quarante ans plus tard, on vient me voir en disant puisque vous êtes si malins les écolos, on fait comment maintenant qu'il n'y a plus d'eau ? Parce qu'en fait, des gens se sont battus dans l'indifférence générale, voire sous les moqueries pour dire des trucs qu'aujourd'hui tout le monde reconnaît."
Pour parvenir à se faire entendre, la patronne du parti ambitionne un million de sympathisants d'ici à 2027 et une liste autonome aux Européennes de 2024. Pour cela, elle a lancé en février dernier un processus de consultation pour refonder EELV.
"La réalité, c'est que les écolos sont très peu fédérés, alors qu'en face, ils le sont. À quel moment on accepte que des milliardaires émettent autant ? Que le super yacht de Bernard Arnault, je ne parle pas de sa vie, de son patrimoine, je parle juste de son super yacht qui en un mois émet autant de CO2 qu'un Français moyen en 160 ans. On ne peut plus accepter des trucs comme ça. Moi, je ne peux plus accepter des coupes du monde au Qatar dans des stades climatisés, des Jeux olympiques d'hiver dans le désert d'Arabie Saoudite. Je pense qu'on est de plus en plus nombreux et même qu'on est majoritaire à trouver que ça n'a pas de sens. Il faut juste qu'on s'organise et qu'on prenne le pouvoir."
Retrouvez l'entretien complet de Marine Tondelier ci-dessus, dans l'émission Hauts Féminin, et les autres épisodes de l'émission sur la plateforme france.tv.
