"Je me tords dans tous les sens pour la porter" : une fête solidaire pour aménager la maison de Colette, petite fille polyhandicapée

Plus de 10 000 euros ont été récoltés lors d'une guinguette solidaire organisée à Montreuil-sur-Mer (Pas-de-Calais), pour soutenir Colette, polyhandicapée. À bientôt six ans, elle grandit plus vite que son âge, ce qui complique de plus en plus le quotidien de ses parents. Les bénéfices permettront donc de réaménager la maison pour que la famille reste réunie.

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De sa mère, elle tient ses grands yeux bleus pétillants. De son père, ses belles boucles brunes. Colette, cinq ans et demi, arbore aussi un grand sourire toujours rieur, fait de petites dents. Cette petite fille solaire est polyhandicapée : épileptique, déficiente intellectuelle sévère et myope, elle n’a aucune autonomie.

“Ses membres bougent mais n’ont ni coordination, ni tonus. Elle ne s’accroche pas à nous, elle part en arrière comme un bébé”, décrit Matthieu Saint-Martin depuis le canapé de la maison familiale, à Montreuil-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais. 

Mais plus Colette grandit, plus le quotidien de ses parents se complique. La petite fille grandit vite et beaucoup. Elle pèse 20 kilogrammes et mesure déjà 1m20, soit cinq à dix centimètres de plus que la norme. “On l’habille en 8 ans alors qu’elle n’en a que 5, sans que l'on sache pourquoi. Les professionnels ne rattachent sa taille à aucune pathologie”, souligne sa maman, Clémence Saint-Martin. 

1m20 et 20 kg à presque six ans

Malgré tous les tests génétiques possibles réalisés depuis les deux mois de Colette, sa maladie, qui nécessite une présence constante, reste pour le moment inconnue. Des IRM ont toutefois confirmé des malformations dans tout le cerveau, probablement dues à un accident dans les premiers mois de grossesse.

Le 7 décembre, cela fera donc six ans que Clémence Saint-Martin s’occupe quotidiennement de sa fille. Chaque jour, les mêmes mouvements, répétés inlassablement. “Je me tords dans tous les sens pour la porter car il faut faire très attention. Quand je la prends sous les aisselles, je pourrais lui casser l’épaule sans faire exprès”, déplore l’aidante, sujette depuis plusieurs mois à de grosses douleurs au dos et à la cheville.

Je me tords dans tous les sens pour la porter car il faut faire très attention. Quand je la prends sous les aisselles, je pourrais lui casser l’épaule sans faire exprès.

Clémence Saint-Martin, mère de Colette.

Un corps qui commence à montrer ses limites, comme une épée de Damoclès destinée à tomber et contre laquelle il faut jouer la montre. Mais pour ses parents, jamais il n’a été question d’enlever Colette de cette bulle d’amour où elle s'épanouit. C’est pourquoi avec l'aide d'une architecte ils ont réfléchi à un réaménagement de leur maison en fonction des besoins de Colette. 

Amener l’hôpital à la maison

L’idée, pour sortir de l’impasse ? Transformer la salle à manger et la chambre parentale en un espace dédié à leur benjamine. Une “maison dans la maison”, la plus isolée possible, avec des accès PMR vers une salle de soin, une salle de bain et une chambre composée d’un lit pour l’un des parents, afin de gérer ses crises d’épilepsie nocturnes. 

Sans oublier le matériel médical et surtout, au plafond, l’installation d’un chemin de rails à moteur ainsi qu'une sorte de hamac permettant de mobiliser Colette partout dans son espace. Y compris par ses proches, qui n'osent actuellement plus venir s'en occuper. “Ça va nous aider au quotidien et m’alléger d’un poids, sans mauvais jeu de mot”, se prend à rêver Clémence Saint-Martin.

Le coût total des travaux est estimé à 80 000 euros. Une somme impossible à rassembler rapidement pour cette famille composée de quatre membres qui vit sur un seul salaire, avec le crédit de leur maison achetée lors de la crise sanitaire, spécifiquement parce qu’il fallait un plain pied pour Colette. 

80 000 euros de travaux  

La réalité a donc fini par s'immiscer dans le cocon familial. Discrets et appréciant “rester dans leur coin”, Clémence et Matthieu ont décidé de “sortir de l’ombre” et du silence pour lancer, en juin dernier, une cagnotte en ligne. “On est assez abasourdis par cette solidarité, on ne s’y attendait pas du tout”, commentent-ils aujourd'hui d’une même voix, heureux d’avoir atteint en trois mois 33 500 euros, sur un objectif total de 50 000 euros. 

Ils n’imaginaient pas non plus qu’une guinguette solidaire en l’honneur de leur fille allait naître de cette entraide. Organisée vendredi 13 septembre 2024, l’idée a été lancée par deux commerçants de la ville, Estelle Liébert du restaurant Darnétal et Mathieu Verhaeghe du Gambetta Café.

Interrogés par la journaliste de France 3 Marion Lompageu, tous deux, portant fièrement le t-shirt confectionné pour l’occasion où il est inscrit “Staff de Colette”, se sont dit “touchés” par l’histoire de “la petite”, qu’ils voient de temps à autre.

“Je sais faire des cocktails, Estelle sait faire à manger, donc on s’est dit qu’on allait offrir notre savoir-faire”, explique le bar tender Mathieu Verhaeghe entre deux confections de mojitos avec lesquels il jongle, avant de tendre la boisson aux clients. “Merci pour Colette”, glisse-t-il.

Élan de solidarité sans précédent

Avant la tombée de la nuit, toute la famille a pris la parole pour Colette, restée dormir à la maison. “La vie sera beaucoup plus facile pour tout le monde. Coco vivra dans les meilleures conditions possibles avec nous dans notre maison, merci du fond du cœur”, s’est réjouie sa grande sœur, Anastacia,10 ans.

Des paroles venues conclure un discours émouvant de Clémence racontant leur histoire, intimement liée au combat du polyhandicap. “La montagne nous a semblé impossible à gravir et pourtant c’est son sourire qui nous a toujours tirés vers le haut. Cette montagne est encore haute mais grâce à vous, le chemin est moins difficile à parcourir”, a-t-elle énoncé d’une voix assurée.

La vie sera beaucoup plus facile pour tout le monde. Coco vivra dans les meilleures conditions possibles avec nous dans notre maison, merci du fond du cœur.

Anastacia, 10 ans, sœur de Colette.

Restauration, concert, loterie, bar à cocktails, jeux gonflables… Le bilan de cette soirée a été sans appel pour tous les participants, des plus jeunes aux plus âgés, en passant par les organisateurs : une grande réussite ! L’objectif de 10 000 euros de bénéfices a même été dépassé avec un montant récolté au cours de la soirée encore à confirmer mais d'environ 15 000 euros.

Un futur envisageable

“Un bel événement qui nous touche tous”, s’est également réjoui le maire de la ville, Pierre Ducrocq, depuis la scène montée pour l'occasion. “Je suis très fier de cet élan de générosité, de cet engouement, ces habitants et commerçants de Montreuil-sur-Mer qui ont spontanément contribué à rendre ce projet réel.”

Et c’est peu dire. En effet, pour que tous les bénéfices soient reversés, même les fournisseurs ont joué le jeu en donnant gracieusement la marchandise nécessaire. Il y a aussi cette maman, croisée lors des festivités, qui propose des cours de yoga et reverse les fonds pour Colette. Alexandra s'est confiée au micro de France 3 : “Il y a quelques mois, on a vécu un deuil périnatal. Notre bébé, que l’on a perdu à six mois, avait la même particularité au cerveau que Colette donc c'est important de nous engager”. 

Tandis que la soirée touche à sa fin, Clémence et Matthieu Saint-Martin, côte à côte, sont émus. “Reconnaissants, chanceux, heureux”… Ils n’en croient pas leurs yeux. Malgré un avenir incertain, sans information aucune sur l’espérance de vie de leur petite fille, ils profitent de cette accalmie pleine d’espoir en continuant “d’avancer petit à petit”. Avec cette fois la possibilité de se projeter sur les futurs travaux. 

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