La majorité d'aidants sont des femmes : "elles ont été éduquées pour prendre soin des autres"

Si les femmes sont plus nombreuses à endosser le rôle d'aidant, ce n'est pas un hasard. Souvent, leur éducation les conduit à prendre soin des autres, à commencer par leur famille. Certaines sacrifient ainsi leur carrière, leur vie privée, sans oser demander de l'aide, alors que des plateformes de soutien et de répit se multiplient.

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On estime que les aidants de proches dépendants sont entre 8 et 11 millions en France et 310 000 dans les Hauts-de-France, selon l'agence régionale de santé. La majorité des aidants des seniors vivant à domicile sont des femmes (57 %), selon la Haute autorité de santé.

Les femmes se sacrifient plus

Aujourd’hui, les femmes sont davantage susceptibles de faire des sacrifices pour aider un proche. Dans une famille, c’est traditionnellement la fille plus que le fils qui s’occupe des parents malades. Idem dans un couple : la femme prend soin de son conjoint malade alors que dans le cas inverse, le mari fait plus souvent appel à une aide médicale. Et les femmes ne ménagent pas leur peine ! Elles consacrent à ces tâches en moyenne 1h30 de plus par jour que les hommes selon la Drees.

Julie Declerq, coordinatrice de la plate-forme de soutien et de répit Elsaa dans le Pas-de-Calais, donne son analyse : "Les femmes ont été éduquées pour prendre soin des autres. C'est une injonction que la société continue de véhiculer encore aujourd'hui. On dit aux mamans qui ont un enfant en situation de handicap qu'elles vont devoir diminuer leur temps de travail ou carrément arrêter de travailler. C'est très difficile, car le travail est une source de ressourcement et de lien social pour ces mères."

Un aidant sur trois meurt avant son proche aidé

Avec un tel rythme, pas étonnant que les femmes aidantes soient fatiguées. Ce rôle supplémentaire ne leur laisse pas beaucoup de temps pour s’occuper d’elles, ni de leurs familles. Stress, dépression, maladies chroniques... Il y a des conséquences directes sur leur santé. Un aidant sur trois meurt avant le proche aidé, selon une étude du baromètre Ocirp en 2016. 

Bénédicte Roche, habitante de Saint-Omer dans le Pas-de-Calais, a aidé son père jusqu'à son décès. Aujourd'hui, elle aide sa mère. Elle raconte son quotidien : "C'est difficile, car je n'ai aucune vie privée. Heureusement que je suis célibataire et seule, car je pense que cela serait très compliqué pour la personne qui m'accompagnerait dans la vie. C'est un devoir. Mes parents se sont occupés de moi quand j'étais petite et je trouve normal de leur rendre la pareille même si cela implique un sacrifice énorme."

24 plateformes de soutien et de répit dans la région

Dans les Hauts-de-France, des plateformes d'accompagnement et de répit ont vu le jour pour mieux les soutenir. Il en existe vingt-quatre dans la région et elles proposent des solutions pour pouvoir souffler. En 2020, environ 5 700 personnes ont eu recours à ces plateformes, selon l’Agence régionale de santé... Ce n’est pas beaucoup sur le nombre total de 310 000 aidants dans la région. La plateforme de l’Audomarois Elsaa propose des activités de détente et l'intervention d'une aide-soignante à domicile durant plusieurs heures pour soulager l'aidant.

80 % des bénéficiaires de la plateforme sont des femmes. Julie Declercq, coordinatrice de la plate-forme depuis sa création en 2015, raconte : "On rencontre des aidantes très isolées socialement. On leur propose des activités pour qu'elles prennent soin d'elles. De la sophrologie, de la médiation artistique et équine. On les aide à remplir les nombreux papiers administratifs et nous animons des groupes de parole qui leur permettent de vider leur sac dans un environnement non jugeant et complètement neutre par rapport à la situation." Bénédicte Roche a trouvé un refuge au sein de la plateforme : "Cela me permet d'évacuer le trop-plein de fatigue, de discuter et de me rendre compte que je ne suis pas la seule à devoir endosser ce rôle."

Les associations demandent encore plus d'aides de l'État

Les projections démographiques montrent que le nombre d'aidants va évoluer moins vite que les personnes dépendantes dans les décennies à venir. Les plateformes de soutien et de répit subventionnées par l'État espèrent aider de plus en plus d'aidants, à condition qu'ils soient au courant qu'elles existent et que l'État augmente son budget alloué.

En parallèle, le gouvernement a créé en 2020 un congé proche aidant de trois mois maximum avec une indemnité de 62,44 € par jour via la caisse d’allocations familiales. Cela ne concerne que les salariés. Étant entrepreneuse, Bénédicte Roche n'est donc pas concernée. Dans le cadre de la réforme des retraites, une assurance vieillesse pour les aidants va être créée. Julie Declercq, coordinatrice de la plateforme de l’Audomarois Elsaa reste sceptique : "c'est un pas dans le bon sens, mais ce n'est clairement pas suffisant, car tout le monde n'est pas concerné. Cela ne répond pas à tous les besoins et le congé proche aidant est trop court, limité à 9 mois. Sur une carrière professionnelle, c'est une goutte d'eau."

durée de la vidéo : 00h13mn00s
Emission Hauts Féminin sur l'accompagnement des aidants du 4 mai 2023 ©France Télévisions

Pour en savoir plus, retrouvez l'émission Hauts féminin ci-dessus présentée par Marie Sicaud. À ses côtés, la journaliste de France 3 Hauts-de-France Christelle Juteau-Lermechin pour décrypter la thématique des aidantes. Leur invitée est Julie Declerc, coordinatrice de la plateforme Elsaa dans le Pas-de-Calais.

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