Parallèlement à l'exposition de peinture sur la nation polonaise, le Louvre-Lens propose une plongée en photos dans la "Petite Pologne", la communauté d'immigrés polonais venus travailler dans le bassin minier du nord de la France après la signature d'une convention avec Varsovie en 1919.
La centaine de photographies en noir et blanc présente le travail mené par Kasimir Zgorecki, arrivé en France en 1922 comme mineur de fond, rapidement devenu le photographe de la diaspora polonaise.
C'est à Frédéric Lefever que l'on doit la découverte de ces documents. Lui-même photographe et époux de la petite fille de Kasimir Zgorecki, installé dans la maison de celui-ci à Rouvroy (Pas-de-Calais), il a retrouvé dans les années 1990 plus de 5.000 négatifs sur verre datant principalement des années 1920 et 1930, à partir desquels il a réalisé de nouveaux tirages. "En faisant des travaux dans le grenier, je suis tombé sur toutes les archives de Kasimir Zgorecki, en très bon état de conservation", raconte Frédéric Lefever. "Ca dépasse le cadre d'un photographe de quartier, il y a une dimension politique dans ce corpus d'images. Tous ces gens avaient un destin en commun, et lui, Kasimir, était au centre, il avait vécu la même chose".
Comme des selfies
Témoins d'une époque, les portraits s'inscrivent dans un contexte administratif précis : le décret du 2 avril 1917, qui impose la détention d'une carte d'identité comportant une photographie à tout étranger de plus de 15 ans séjournant plus de quinze jours en France.
D'autres photos, comme celles de commerçants posant devant leurs établissements dont les noms sont écrits en français et polonais, visaient à témoigner de la réussite économique -réelle ou feinte- des immigrés auprès de leurs familles restées au pays. "C'est un peu les mêmes fonctions que les selfies pour les migrants d'aujourd'hui, ils envoient des photos d'eux avec un grand sourire, même quand tout va mal, pour rassurer" leurs proches, souligne M. Lefever.
Certains clichés racontent des moments importants de l'intimité familiale - mariages ou décès - quand d'autres évoquent la vie de la communauté, notamment les fêtes religieuses ou les rencontres sportives.
On y découvre ainsi que cette diaspora avait déjà, dans les années 1930, ses équipes de football féminines, sa compétition de course à pied et ses séances de Sokol, discipline d'origine tchèque alliant démarche physique et éducation morale, offrant des figures de groupe particulièrement photogéniques.
Entre deux cultures, cette communauté s'est "parfaitement intégrée à la société française, et ses descendants, on les retrouve partout dans le pays aujourd'hui", explique M. Lefever. Néanmoins, c'est bien à Lens, au coeur de l'ex-bassin minier du nord de la France, qu'est présentée cette exposition, selon le souhait des responsables du musée. "Le nouveau projet scientifique et culturel affirme davantage encore à quel point le Louvre-Lens est constitutif et constitué de son territoire", souligne ainsi Luc Piralla, le directeur adjoint du musée.