RC Lens : ce que révèlent les derniers chiffres de la DNCG sur la situation financière du club

Selon les chiffres publiés mercredi par Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG), le RC Lens a enregistré une nouvelle perte de 11 millions d'euros à l'issue de la saison 2018-2019. Mais son président et actionnaire majoritaire, Joseph Oughourlian, maintient le club à flot pour l'instant.

Arnaud Pouille, le directeur général du RC Lens, nous l'avait annoncé l'an dernier dans le cadre d'une enquête menée avec Mediacités, Mediapart et l'EIC sur la reprise des Sang et Or par la société luxembourgeoise Solferino (Joseph Oughourlian) et l'Atlético de Madrid : le club artésien a bien enregistré une perte de 11,084 millions d'euros à l'issue de la saison 2018-2019 de Ligue 2. 
 
C'est ce que confirme le dernier rapport publié mercredi par la Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG), le "gendarme financier" du football français, qui passe à la loupe les comptes de tous les clubs de Ligue 1 et Ligue 2.
 

 
Lens affiche ainsi le plus gros déficit de ce championnat.
 
Résultat net des clubs de L2 - 2019
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Petit rappel avant d'aller plus loin dans l'analyse : la saison dernière, Lens a terminé 5e de Ligue 2, se qualifiant pour les play-offs d'accession en Ligue 1. Après avoir éliminé le Paris FC puis Troyes, les Sang et Or ont finalement raté l'accession à l'élite, échouant en barrages contre Dijon.
 

Pour le président et actionnaire majoritaire du RCL, Joseph Oughourlian, la montée est pourtant LA priorité. Une urgence même. Depuis que le businessman français, propriétaire du fonds spéculatif Amber Capital, a repris le club en mai 2016 avec Solferino, Lens a enregistré près de 30 millions d'euros de pertes cumulées sur les trois dernières saisons. A chaque fois, c'est l'actionnaire majoritaire qui a mis la main à la poche pour éponger ces déficits. 

Et cela risque de continuer tant que le RCL évoluera en Ligue 2, un championnat insuffisamment rémunérateur pour un club de sa dimension, comme nous allons le voir. 

 

► Des recettes commerciales en légère hausse



Si le RC Lens a enregistré, au 30 juin 2019, une perte un peu moins importante que lors de la saison précédente (-11,084 millions d'euros contre -13,488 millions en 2017-2018), c'est en partie grâce à l'augmentation de ses recettes commerciales (ou "produits d'exploitation" dans le rapport de la DNCG). 
 
Les résultats financiers du RC Lens (2016-2019)
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Ces recettes (hors ventes de joueurs) sont passées de 15,548 millions d'euros à 18,002 millions, soit une progression de 15,7%. Le bon parcours de Lens en championnat et sa participation aux play-offs y sont sans doute pour beaucoup : les droits TV (6,269 millions d'euros), en baisse lors des deux précédents exercices, ont ainsi grimpé de 5,8% et la billetterie (5,939 millions d'euros) a bondi de 77,3%.
 

Les "autres produits" - dans lesquels figurent le merchandising et les produits dérivés - enregistrent eux aussi une légère hausse de 8,3%. Ils s'élèvent à 2,663 millions d'euros.

Les recettes publicitaires (3,131 millions d'euros), en revanche, ont diminué de 16,1%.
 
Les recettes du RC Lens 2019
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La saison dernière, Lens était le deuxième club de Ligue 2 en termes de recettes commerciales, derrière le FC Metz (19,514 millions d'euros).
 
Produits exploitation L2 2019
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Mais cela reste insuffisant au regard des charges très lourdes du club.
 


► Des dépenses élevées mais stabilisées



La saison dernière, le RC Lens était le club de Ligue 2 qui avait les charges d'exploitation les plus élevées (37,020 millions d'euros), derrière le FC Metz (41,515 millions).
 
Charges clubs L2 2019
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A titre de comparaison, les charges des Sang et Or sont trois plus élevées que celles de l'AC Ajaccio. La saison dernière, elles ont très légèrement baissé de 1,03%. 

Les principales dépenses sont les salaires du personnel : 17,55 millions d'euros, charges sociales comprises. Un chiffre en très légère  progression par rapport à l'exercice précédent (+0,08%).
 
Charges du RC Lens 2019
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Afin de contenir, voire de réduire ces dépenses de personnel, la direction du club avait annoncé en octobre 2018 un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) qui a abouti à la suppression de 35 postes. 
 
Selon le dernier rapport de la DNCG, les "autres charges" s'élevaient à 16,449 millions d'euros (+0,8%). Ce terme très vague regroupe en fait toutes les dépenses courantes du club, dans son centre d'entraînement de La Gaillette, mais aussi au Stade Bollaert-Delelis dont il assure l'entretien en vertu du bail emphytéotique qui le lie à la ville de Lens. 
 

Cette enceinte de 38 000 places représente un coût important pour un club de Ligue 2, même si le club bénéficie d'un loyer annuel relativement modéré (526 000 euros TTC).

D'autres charges, elles, ont diminué la saison dernière. C'est le cas des coûts de mutation (amortissements des indemnités de transfert) descendus à 1,891 million d'euros (-27,1%). Rappelons qu'en comptabilité, les clubs de foot répartissent sur plusieurs exercices le prix d'achat d'un joueur. Par exemple, pour un joueur recruté 1,5 million d'euros avec 3 ans de contrat, le club n'inscrira que 500 000 euros dans les charges pour chacune des trois prochaines saisons (le montant total du transfert divisé par le nombre d'années de contrat).

Les contrats de joueurs étant considérés comme de l'actif, l'indemnité de transfert est donc traitée comme un investissement et donne lieu à amortissements. Le chiffre pour la saison 2018-2019 tient donc aussi compte d'amortissements liés à des transferts réalisés lors des saisons précédentes.

A Lens, les honoraires versés aux agents et intermédiaires (632 000 euros) ont également baissé de 35,1%.

 

► Des ventes de joueurs indispensables chaque saison



Avec des charges très nettement supérieures à ses recettes commerciales, le RC Lens présentait au 30 juin 2019 un déficit d'exploitation de 19,018 millions d'euros contre 21,950 millions la saison précédente. Pour réduire ses pertes, le club est donc dans l'obligation, comme beaucoup, de vendre des joueurs.

Depuis le rachat du RCL par Solferino, ces ventes oscillent autour des 10 millions d'euros par exercice. La saison dernière, elles se sont élevées à 11,754 millions (+25% par rapport à 2017-2018), grâce notamment aux cessions de Modibo Sagnan (Real Sociedad), Fabien Centonze (Metz) et Jean-Ricner Bellegarde (Strasbourg) auxquelles on a soustrait les charges d'amortissement qu'il restait encore sur certains d'entre eux.
 

Contrairement aux achats, les ventes de joueurs sont intégralement comptabilisées dans les recettes exceptionnelles du club, quand bien même le paiement s'échelonnerait sur plusieurs années.  
 
Opérations de mutation L2 2019
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La saison dernière, Lens a été le 3meilleur club vendeur de Ligue 2, derrière le FC Lorient et le FC Metz.

 

► Endettement en baisse


A l'issue de la saison 2018-2019, le Racing Club de Lens était - de très loin - le club le plus endetté de Ligue 2 devant son voisin valenciennois.
 
Dettes clubs de L2 2019
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Pour autant, contrairement au VAFC, Lens ne fait l'objet d'aucune mesure d'encadrement de la part de la DNCG, le "gendarme financier" du football français.

Car sa dette financière est maîtrisée. Depuis le rachat du club par Solferino, elle est même en diminution. En 2016, elle s'élevait à 18,926 millions d'euros. Trois ans plus tard, elle est redescendue à 13,386 millions.
 
Endettement du RC Lens 2019
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A son arrivée à la direction générale du club, Arnaud Pouille a réglé deux dossier laissés en suspens par l'ex-président Gervais Martel et Hafiz Mammadov, le précédent propriétaire du club. Un emprunt contracté auprès de l'assureur SwissLife devrait ainsi être intégralement remboursé en 2021. Un échéancier a par ailleurs été négocié à l'été 2017 avec la région Hauts-de-France pour rembourser un emprunt de 11 millions d'euros qui a permis de financer la part du club dans les travaux de rénovation du Stade Bollaert-Delelis. Il s'agit de la principale dette financière lensoise.
 

Le président (ex-LR) de région, Xavier Bertrand, a accepté une échéance finale en... 2052, date de la fin du bail emphytéotique du club sur l'enceinte. Le RCL s'est engagé à reverser 330 000 euros par saison (450 000 à partir de 2020) tant qu'il évoluera en Ligue 2. S'il monte en Ligue 1, les annuités passeront à 660 000 euros.

Si la dette financière a bien diminué, la dette à l'actionnaire majoritaire (compte courant d'actionnaire) a augmenté pour compenser les pertes. Ce compte courant s'élevait au 30 juin 2019 à 38,060 millions d'euros. Une somme que Joseph Oughourlian pourra éventuellement récupérer à terme, s'il le souhaite, si son club remonte en Ligue 1 et améliore ses finances.

Pour le moment, c'est lui qui maintient le navire à flot. Les données de la DNCG montrent en effet que les capitaux propres ("situation nette") du club - dopés par la rénovation du Stade Bollaert-Delelis puis l'injection de capital effectuée par Solferino et l'Atlético de Madrid au moment du rachat de 2016 - ont fondu comme neige au soleil en raison des pertes successives. En 2017, ils s'élevaient à 47,119 millions d'euros. Ils ne sont plus que 16,733 millions.

 

► Quelles perspectives pour la suite ?



On le voit, le RC Lens est aujourd'hui extrêmement dépendant de son actionnaire majoritaire et une remontée en Ligue 1 semble plus nécessaire que jamais après 30 millions d'euros de pertes cumulées ces trois dernières saisons. 

Actuellement, Lens est deuxième de Ligue 2, à un point du leader Lorient, donc en bonne position pour la montée. Mais les Artésiens devront se battre jusqu'au bout pour obtenir leur retour dans l'élite.
 

Un tel come-back serait particulièrement rémunérateur puisqu'avec le nouveau contrat signé avec le groupe audiovisuel espagnol Mediapro, les droits TV versés aux pensionnaires de Ligue 1 vont considérablement augmenter à compter de la prochaine saison 2020-2021. Une hausse évaluée entre +50% et +100% par nos confrères de RMC.

L'enjeu, tant sportif que financier, est donc immense et la tension se fait sentir au sein du club qui a écarté le 25 février son entraîneur, Philippe Montanier, après une série de contre-performances. Il a été remplacé par Franck Haise, jusqu'alors en charge de l'équipe réserve.
 
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