Selon les chiffres publiés mercredi par Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG), la situation financière du LOSC s'est stabilisée au terme de la saison 2018-2019, malgré un niveau d'endettement encore important.
Après une saison 2017-2018 calamiteuse, tant sur le plan sportif qu'économique, le LOSC a stabilisé sa situation comptable au terme de l'exercice 2018-2019. C'est ce qui ressort des chiffres publiés mercredi dans le rapport annuel de la Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG), le "gendarme financier" du football français.
Présenté ce mercredi 11 mars au bureau de la LFP, le rapport financier de la DNCG pour la saison 2018/2019, des clubs de @Ligue1Conforama et de @DominosLigue2, a été publié ?
— Ligue de Football Professionnel (@LFPfr) March 11, 2020
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Quelques rappels préalables sont nécessaires avant d'entamer une analyse plus détaillée de ces chiffres. La saison dernière, le LOSC avait une masse salariale et des indemnités de transferts encore encadrées par la DNCG, en raison d'une situation financière jugée inquiétante. Cet encadrement a été levé fin mai, preuve que les experts-comptables de l'instance étaient satisfaits du travail accompli par la direction du club.
L'endettement du LOSC a en effet été réduit après une recapitalisation et un abandon de créances de 142 millions d'euros qui a permis d'effacer le lourd déficit de l'exercice 2017-2018. Les recettes commerciales sont reparties à la hausse, portées par la seconde place conquise par les Dogues en Ligue 1.
► Des comptes à l'équilibre
Pour le résultat net de l'exercice 2018-2019, la DNCG a publié deux chiffres. Au 30 juin 2019 tout d'abord, le LOSC affichait une perte nette de 66,587 millions d'euros, ce qui en faisait le second club le plus déficitaire de Ligue 1 derrière l'Olympique de Marseille (91,418 millions de déficit).
Mais la DNCG ajoute qu'au 31 juillet 2019, date à laquelle le LOSC a clos son exercice comptable, ce déficit s'est transformé en un léger bénéfice de 127 000 euros.
Comment expliquer ce décalage et la publication de deux chiffres aussi diamétralement opposés ? Une saison officielle de Ligue 1 débute le 1er juillet et se termine le 30 juin de l'année suivante. La plupart des clubs bouclent donc leur exercice comptable au 30 juin. Mais depuis le rachat du LOSC par Gerard Lopez, le club nordiste utilise comme base comptable la période allant du 1er août au 31 juillet, ce qui lui permet, à la différence de ses adversaires de Ligue 1, d'inscrire dans ses comptes les ventes de joueurs réalisées au mois de juillet.
Le LOSC a pu ainsi intégrer dans son exercice 2018-2019 les ventes cumulées de Thiago Mendes (Lyon), Youssouf Koné (Lyon) et Rafael Leao (Milan AC), ce qui a donc permis de combler totalement le déficit estimé au 30 juin.
"Le club, sur un budget de 185 millions d'euros, a ainsi dégagé un résultat opérationnel courant positif de 32 millions d’euros et présente par ailleurs un résultat après amortissement et autres provisions également positif à hauteur de 127 000 euros", s'est félicité mercredi le LOSC, après publication du rapport de la DNCG.
Communiqué : +32 M€ de résultat opérationnel courant pour le LOSC
— LOSC (@losclive) March 11, 2020
Le LOSC annonce ses résultats financiers pour la saison 2018-2019. https://t.co/SRL2yjCpxK
"Le LOSC se félicite de ces bons résultats qui attestent de la pertinence du travail effectué et du projet mené depuis janvier 2017, ainsi que de la solidité financière développée par le club pour poursuivre sa croissance sportive et économique", ajoute le communiqué.
Cette "astuce" comptable fausse bien évidemment les comparaisons avec les autres clubs, d'où le choix de la DNCG d'arrêter des chiffres au 30 juin. Ce qui est certain, c'est que quelle que soit la date retenue, le LOSC a bel et bien stabilisé ses finances la saison dernière et que sa situation économique n'inspirait plus d'inquiétude, d'où le choix du "gendarme financier" de libérer les Dogues de toute mesure d'encadrement.
Les comptes publiés par la DNCG montrent notamment une trésorerie très nettement positive au 30 juin 2019 (35,589 millions d'euros).
Pour la suite de notre analyse, nous devrons nous contenter des chiffres de la DNCG arrêtés au 30 juin, la SA LOSC Lille ne publiant plus ses comptes au registre du commerce depuis son rachat par Gerard Lopez.
► Des recettes commerciales en hausse
La saison dernière, le LOSC a augmenté ses "produits d'exploitation", autrement dit ses recettes commerciales hors transferts de joueurs. Ils sont passés de 53,915 millions d'euros en 2017-2018 à 64,235 millions l'an dernier, soit une progression de 9,14%.
La principale progression se situe aux niveaux des droits TV perçus. Grâce à sa deuxième place au classement de Ligue 1, le LOSC a perçu 39,919 millions d'euros contre 27,702 millions la saison précédente (+44,1%). Le club nordiste n'avait plus touché autant en droits TV depuis l'exercice 2012-2013 (57,582 millions).
La billetterie, elle, a plus légèrement progressé : 9,973 millions d'euros contre 8,806 millions la saison précédente (+13,25%).
En l'absence d'un sponsor maillot principal, les recettes publicitaires ont quant à elles légèrement fléchi : 10,547 millions d'euros contre 11,289 millions en 2017-2018 (-6,5%).
De même, les "autres recettes", parmi lesquelles le merchandising, ont diminué : 3,796 millions d'euros contre 6,118 millions lors de l'exercice précédent (-37,9%).
► Des dépenses stabilisées
Avec une masse salariale et des indemnités de transferts encadrées par la DNCG, le LOSC a stabilisé le niveau de ses dépenses. Les charges d'exploitation (hors mutation) ont même légèrement diminué par rapport à la saison précédente : 156,678 millions d'euros contre 157,010 millions (-0,2%).
La principale dépense reste la masse salariale du personnel qui a légèrement progressé, passant de 68,266 millions d'euros à 71,979 millions (+5,4%), charges sociales comprises.
Les amortissements des indemnités de mutation (tranferts) ont représenté un coût de 18,413 millions d'euros contre 20,980 millions la saison dernière (-12,2%). Sous la contrainte de la DNCG, le LOSC a beaucoup moins dépensé lors des mercatos d'été et d'hiver, recrutant plusieurs joueurs libres, comme José Fonte, Jonathan Bamba ou Rafael Leao, ou à un coût très raisonnable (1,4 million d'euros pour Loïc Rémy, 2,5 millions pour Zeki Çelik).
En comptabilité, les clubs de foot répartissent sur plusieurs exercices le prix d'achat d'un joueur. Par exemple, pour un joueur recruté 10 millions d'euros avec 5 ans de contrat, le club n'inscrira que 2 millions d'euros dans les charges pour chacune des cinq prochaines saisons (le montant total du transfert divisé par le nombre d'années de contrat).
Les contrats de joueurs étant considérés comme de l'actif, l'indemnité de transfert est donc traitée comme un investissement et donne lieu à amortissements. Le chiffre pour la saison 2018-2019 tient donc aussi compte d'amortissements liés à des transferts réalisés lors des saisons précédentes.
La DNCG donne aussi, dans son rapport, le montant total des honoraires et commissions payées aux agents de joueurs. En 2018-2019, le LOSC leur a ainsi versé 8,606 millions d'euros, ce qui place les Dogues dans le top 5 français. C'est 3 millions d'euros de plus que la saison précédente (5,524 millions).
Les "autres charges" (dépenses courantes du club dans son centre d'entraînement de Luchin, frais d'organisation des matches, loyer du stade, déplacements, etc...) ont quant à elles diminué : 57,680 millions d'euros contre 62,240 millions en 2017-2018 (-7,3%). La saison précédente, ces dépenses avaient explosé du fait des nombreuses résiliations de contrat de joueurs devenus indésirables (le fameux "loft"). L'an dernier, le LOSC a encore rompu plusieurs contrats, notamment ceux de l'ex-gardien Vincent Enyeama et de plusieurs cadres du club, comme l'ancien directeur général adjoint Jean-Michel Vandamme.
Au final, une nouvelle fois, le LOSC affiche des charges bien plus élevées que ses recettes commerciales, ce qui se traduit par un déficit d'exploitation (hors vente de joueurs) de 92,443 millions d'euros. Ce qui oblige le LOSC à vendre des joueurs et à les vendre très cher pour combler la différence.
► Des ventes de joueurs essentielles
Les chiffres de la DNCG arrêtés au 30 juin 2019 ne tiennent pas compte de la vente record de Nicolas Pépé à Arsenal (80 millions d'euros dont 10% de la plus-value reversée à Angers), qui sera inscrite dans les comptes 2019-2020, ni de celles de Rafael Leao (Milan AC), Youssouf Koné (Lyon) et Thiago Mendes (Lyon).
Malgré cela, le LOSC affiche quand même un "résultat des opérations de mutation" en progression de 23,6% : 53,832 millions d'euros contre 43,528 millions en 2017-2018.
Il s'agit a priori des ventes réalisées de l'été 2018 jusqu'au 30 juin 2019 (Yves Bissouma à Brighton, Hamza Mendyl à Schalke, Kevin Malcuit à Naples, Lebo Mothiba à Strasbourg, Fodé Ballo-Touré à Monaco, Anwar El-Ghazi à Aston Villa...), auxquelles on a soustrait les charges d'amortissement qu'il restait encore sur certains de ces joueurs vendus (Malcuit et El-Ghazi ici, les autres joueurs étant arrivés libres au LOSC ou en formation).
Contrairement aux achats, les ventes de joueurs, elles, sont intégralement comptabilisées dans les recettes exceptionnelles du club, quand bien même le paiement s'echelonnerait sur plusieurs années.
Le LOSC se situait au 30 juin 2019 dans le top 5 des meilleurs clubs vendeurs de Ligue 1.
► Une dette encore importante
En janvier 2019, le LOSC a effacé une partie de sa dette. Gerard Lopez, l'actionnaire majoritaire, a consenti à un abandon de créances de 25 millions d'euros et s'est porté personnellement garant, via ses holdings luxembourgeoises (Lux Royalty, Victory Soccer Luxembourg et Victory Soccer Luxembourg 2) de 117 millions d'euros empruntés au fonds spéculatif américain Elliott Management.
Selon le Financial Times, cet emprunt doit être remboursé avant le mois d'août 2021.
Malgré cette opération de recapitalisation, les dettes financières du club nordiste s'élevaient encore à 128,570 millions d'euros au 30 juin 2019.
Le LOSC est le deuxième club de Ligue 1 le plus endetté derrière l'Olympique Lyonnais qui continue, lui, de rembourser la construction de son stade, le Groupama Stadium.
Cette dette a pour conséquence de plomber le compte de résultat lillois : le résultat financier, qui tient compte des intérêts versés, affichait en effet, au 30 juin 2019, un déficit de 25,677 millions d'euros.
Sur son bilan, le LOSC présente des capitaux propres négatifs (-69,061 millions d'euros), ce qui signifie que son niveau d'endettement reste pour le moment supérieur à la richesse qu'il détient.
► Quelles perspectives pour la suite ?
L'embellie financière du LOSC devrait se confirmer au terme de l'actuelle saison 2019-2020. L'audition des dirigeants lillois devant la DNCG en novembre dernier s'est d'ailleurs bien passée et pour cause : même en ayant terminé dernier de leur groupe avec un seul petit point au compteur, la participation des Dogues à la très lucrative Ligue des Champions devrait générer entre 30 et 40 millions de recettes supplémentaires.
Le contrat de sponsor maillot avec l'enseigne d'électro-ménager Boulanger devrait tirer les revenus de sponsoring vers le haut et la hausse de la fréquentation du Stade Pierre-Mauroy (plus de 36 000 spectateurs en moyenne) devrait "booster" les recettes de billetterie des matches de Ligue 1. La suspension du championnat décidée le 13 mars en raison de la pandémie de coronavirus vient toutefois brouiller les perspectives pour l'instant, le LOSC ayant stoppé jusqu'à nouvel ordre la commercialisation des places pour les quatre derniers matches à domicile.
La vente record de Nicolas Pépé à Arsenal l'été dernier va aussi faire beaucoup de bien financièrement. Selon notre confrère de L'Equipe, Joël Domenighetti, le LOSC tablerait ainsi sur une bénéfice net de 7 millions d'euros le 30 juin prochain.
Au 30 juin 2020, le #LOSC prévoit d'être bénéficiaire de + 7 M€ sur exercice 2019-20 . Pepe a été transféré sur cet exercice comptable 2019-2020 pour 80 M€ (Arsenal). Et il y aura d'autres ventes en juillet-août 2020.
— Domenighetti Joël (@jdomenighetti) March 11, 2020
Le LOSC dispose, dans son effectif, de plusieurs joueurs dont les ventes pourraient potentiellement rapporter plusieurs dizaines de millions d'euros lors des prochains mercatos (Victor Osimhen, Jonathan Ikoné, Renato Sanches, Boubakary Soumaré entre autres).
Et après un début de saison compliqué, le club nordiste, actuellement 4e de Ligue 1, reste encore en position pour décrocher un podium final qui lui permettrait de jouer de nouveau la Ligue des Champions en 2020-2021. C'est également la saison prochaine que le nouveau contrat des droits TV de la Ligue 1 avec le groupe espagnol Mediapro va entrer en vigueur. Les montants perçus vont considérablement augmenter, entre +50% et +100% selon nos confrères de RMC.
Cette hausse des droits TV risque toutefois d'avoir des conséquences inflationnistes : les joueurs vont sans doute demander des hausses de salaires et les indemnités de transfert réclamées aux clubs de Ligue 1 seront probablement plus élevées dorénavant, comme cela s'est produit avec les clubs de Premier League.
Au LOSC de bien négocier ce virage ces prochaines saisons pour être en mesure de réduire son déficit structurel d'exploitation (hors ventes de joueurs) et son endettement.