"Si chacun avait fait son travail pour protéger Lindsay, elle serait vivante" : la famille de l'adolescente, qui s'est donné la mort à 13 ans après avoir été victime de harcèlement scolaire, a annoncé jeudi avoir déposé plainte notamment contre le rectorat et Facebook.
Quand elle se présente devant la presse ce matin, la mère de Lindsay peine à retenir ses larmes et sa colère, entourée de ses proches et de son avocat. Sa fille, 13 ans, s'est donnée la mort le 12 mai dernier, victime de harcèlement dans son collège de Vendin-le-Vieil mais aussi en dehors et sur les réseaux sociaux.L'adolescente et sa famille avaient pourtant alerté l'établissement et la police, sans résultat.
Trois plaintes ont été déposées contre la direction du collège, l'académie de Lille et les policiers en charge de l'enquête pour "non assistance à personne en péril", a détaillé l'avocat de la famille, Me Pierre Debuisson, lors d'une conférence de presse à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), où la collégienne, qui s'est suicidée le 12 mai, était scolarisée.
Une quatrième vise le réseau social Facebook "complètement défaillant" en matière de modération des contenus et de lutte contre "les propos haineux", selon l'avocat, dénonçant la poursuite du harcèlement contre Lindsay, notamment sur Instagram.
Quatre mineurs ont été mis en examen dans ce dossier pour "harcèlement scolaire ayant conduit au suicide", dans le cadre d'une information judiciaire, avait annoncé le 25 mai le procureur de Béthune.
Une personne majeure a elle été mise en examen pour "menaces de mort". Toutes ont été placées sous contrôle judiciaire.
"Aucun soutien"
"Si chacun avait fait son travail pour protéger Lindsay, elle serait vivante aujourd'hui", a insisté l'avocat, qui a lu une lettre rédigée par la jeune fille plusieurs mois avant son suicide, communiquée, a-t-il souligné, a l'académie, au collège et à la police. "Si vous lisez cette lettre c'est que je suis sûrement partie (...) je n'en pouvais plus des insultes matin et soir, des moqueries, des menaces (...) malgré tout ce qui s'est passé elles me voudront toujours du mal", y avait écrit la collégienne.
"Si on avait été aidés, si on avait été soutenus, je suis sûre que ma fille serait parmi nous", a affirmé sa mère, Betty. "J'ai tout essayé, j'ai tout fait, on n'a pas été aidés, on a été lâchés, complètement, aucun soutien, ni avant, ni pendant, ni après", a-t-elle fustigé.
La mère de la meilleure amie de Lindsay, Maëlys, a elle témoigné d'un harcèlement qui se poursuit contre sa fille : "On lui demande pourquoi elle n'a pas été là pour sa copine" et qu'elle "ferait mieux d'aller la rejoindre".
"J'ai fait plusieurs fois appel au collège, le CPE (conseiller principal d'éducation) n'en avait rien à faire", a aussi accusé la mère d'Océane, une autre amie de Lindsay.
Le rectorat de l'académie de Lille n'a pas souhaité faire de commentaire.
"Insuffisant"
Il avait annoncé la semaine dernière l'ouverture d'une enquête administrative, concédant que les services scolaires auraient pu "aller plus loin dans le suivi" de la jeune fille. L'adolescente, scolarisée en 4e au collège Bracke-Desrousseau s'est donné la mort le 12 mai en soirée à son domicile.
"On a déclenché le protocole" après le signalement du harcèlement, avait plaidé le 26 mai devant la presse Jean-Roger Ribaud, directeur académique dans le Pas-de-Calais."Mais ça s'est avéré malheureusement insuffisant". Une cellule de soutien est mise en place depuis le 15 mai dans le collège et une marche blanche a été organisée le 24 mai en mémoire de la jeune fille.
"Toutes mes pensées pour Lindsay et ses proches alors que des attaques ignobles se poursuivent sur les réseaux sociaux", a tweeté mercredi le ministre de l'Education nationale, Pap Ndiaye.
La "famille a besoin de réponses, il faut qu'on lui donne", a pour sa part déclaré jeudi le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, en déplacement dans le Pas-de-Calais. Il a insisté sur "les responsabilités parentales" dans la lutte contre le harcèlement.
Un dispositif de prévention du harcèlement scolaire, le programme pHARe, expérimenté depuis 2019 dans les écoles élémentaires et les collèges de six académies, doit achever cette année sa généralisation. D'autres mesures existent, comme les numéros d'aide d'urgence 3020 (pour familles et victimes), et 3018 (cyberharcèlement).
Avec AFP