Des équipes mobiles du Samu de plusieurs hôpitaux du Pas-de-Calais, qui interviennent pour les urgences vitales, n'ont pas pu fonctionner pendant une vingtaine de jours au total depuis le début de l'été faute de médecins, suscitant l'inquiétude d'élus et de praticiens.
Cet été, le département a connu "une vingtaine de dates où certains Smur (service mobile d'urgence et de réanimation du Samu) n'ont pas pu mettre à disposition de médecin dans leur équipe Smur. Le problème, c'est que trois ou quatre fois, c'était plusieurs territoires limitrophes au même moment, comme Helfaut (près de Saint-Omer) et Boulogne-sur-Mer par exemple", explique le docteur Pierre-Luc Maerten, du Samu du Pas-de-Calais. "La zone non-couverte s'élargit alors encore."
"C'est toujours une prise de risques. Quand des urgences vitales surviennent dans un territoire où le Smur n'est pas actif, on fait venir une équipe de plus loin. Plus de délai, dans ces contextes d'urgence, c'est forcément une perte de chance" pour les patients, juge le médecin. "Il faut être vigilant, il ne faut pas que ça constitue un précédent".
Pour le docteur Maerten, la situation s'explique notamment par une "diminution de la démographie médicale en urgentistes", "l'impact certain de la crise sanitaire récente" liée au Covid-19 et par une vague de démissions à l'hôpital de Boulogne-sur-Mer, signalée par la Voix du Nord, qui s'ajoute à une vague de démissions en 2018 à Lens.Selon la CGT, sept médecins urgentistes ont démissionné au cours de l'année écoulée à Boulogne, "essentiellement en raison de la charge de travail, de souffrance au travail".
"Qui va porter la responsabilité si des choses graves arrivent ? Qui porte le poids d'un drame si une équipe arrive trop tard ? Nous voulons dire à la direction 'c'est votre responsabilité'", réagit jeudi Frédéric Bourgois, délégué CGT de l'hôpital.
Contactée, la direction reconnaît que deux nuits n'ont pas pu être assurées en août, sept en juillet, ainsi qu'un "créneau en journée". Mais "les Boulonnais n'ont jamais été laissés à l'abandon", assure au nom de la direction Arthur Coffignier, directeur des affaires financières.
"Combler les trous"
"Le problème est toujours anticipé" et "pallié", notamment par "le redéploiement en interne des équipes médicales, le renfort des autres Smur (...) des généralistes de ville qui viennent faire une garde, des médecins d'autres hôpitaux qui donnent un coup de main...", détaille-t-il assurant que "si quelqu'un appelle le 15, une équipe viendra toujours le sauver"."Si ça tient, c'est uniquement grâce à la bonne volonté des collègues, qui écourtent leurs vacances, effectuent trois gardes de 24 heures par semaine pour combler les trous !", regrette Philippe Bourel, délégué départemental de l'Association des médecins urgentistes de France.
Les médecins démissionnaires sont essentiellement, selon lui, "des jeunes, tout juste formés" et brutalement confrontés à la "pénibilité, la saturation chronique des urgences, la non-reconnaissance" et "dégoûtés" par "l'absence de solutions proposées" par le gouvernement malgré le récent Ségur de la Santé.
À Lens aussi, il y a eu "une bonne dizaine de fois entre juillet et août où il y avait zéro équipe", affirme Jean Letoquart, premier adjoint communiste de la mairie d'Avion et infirmier-anesthésiste du Smur, délégué CGT.Est-ce que dans le 16e arrondissement de Paris, on tolérerait que les gens n'aient pas de moyens de secours à leur disposition quand ils font un infarctus ? Non.
"Est-ce que dans le 16e arrondissement de Paris, on tolérerait que les gens n'aient pas de moyens de secours à leur disposition quand ils font un infarctus ? Non", relève-t-il, militant pour des équipes paramédicalisées en l'absence de médecins.
La direction de l'hôpital de Lens souligne que "toute une équipe comprenant notamment huit praticiens se mobilise avec force pour maintenir une offre de soins" et qu'une "organisation territoriale a été mise en place avec le Samu 62 pour poursuivre la couverture territoriale".
L'Agence régionale de santé admet que "des difficultés existent dans plusieurs établissements de la région" et travaille "depuis plusieurs mois au renforcement de l'attractivité des postes d'urgentiste, notamment dans le cadre du Pacte de refondation des urgences et grâce au dispositif de prime d'engagement dans la carrière hospitalière."
Le Pas-de-Calais compte 1,4 million d'habitants et sept hôpitaux du département sont équipés de Smur.