Seconde Guerre mondiale : la revanche de Jan Zumbach et des aviateurs polonais pendant la Bataille d'Angleterre

En 1940, 145 pilotes de chasse polonais participèrent à la Bataille d'Angleterre, au sein de la Royal Air Force britannique. Ils jouèrent un rôle décisif dans ce premier tournant de la Seconde Guerre mondiale, s'offrant ainsi une revanche éclatante contre l'Allemagne nazie qui occupait leur pays. 

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C'était il y a 80 ans jour pour jour, le 7 septembre 1940, pendant la Seconde Guerre mondiale.

Du haut du cap Gris-Nez, dans le Pas-de-Calais occupé, le Reichsmarschall Hermann Göring, commandant de la Luftwaffe, assiste tout sourire, en fin d'après-midi, au départ d'une immense flotte de 300 bombardiers et de 700 chasseurs allemands en direction de l'Angleterre.

Leur mission est d'aller bombarder la capitale britannique, Londres. C'est le début du Blitz, nouvelle phase dramatique de la Bataille d'Angleterre, plus grand affrontement aérien de l'Histoire
Les combats se sont intensifiés tout au long de l'été. Début septembre, la Royal Air Force est à la peine, affaiblie par des raids allemands quotidiens contre ses bases aériennes du sud du pays.

Pour renforcer ses effectifs et remplacer les pilotes tués, blessés ou tout bonnement épuisés, l'aviation britannique a commencé à former, dès juillet, des centaines d'aviateurs étrangers, issus des anciens pays alliés désormais occupés par les Nazis.
Des hommes déterminés à poursuivre la lutte aux côtés de l'Angleterre, parmi lesquels, des Français, des Belges, des Tchécoslovaques et surtout des Polonais qui représentent, de loin, le plus gros contingent.Ce samedi 7 septembre 1940, les aviateurs polonais sont envoyés en première ligne, sur le front aérien, pour tenter de repousser l'armada volante allemande qui s'approche dangereusement de Londres.

"Il faisait très chaud. Le ciel était immaculé. Depuis 40 minutes en "stand-by" (position de départ), je cuisais dans mon cockpit ; la sueur coulait le long de mon échine", se souvient Jan Zumbach, alors âgé de 25 ans. Le jeune pilote est basé à Northolt, à l'ouest de la capitale, prêt à décoller aux commandes de son Hawker Hurricane. Il appartient au 303 Squadron Kosciuszko, l'une des deux escadrilles de chasse polonaises nouvellement créées au sein de la RAF.

"Tout à coup, la radio hurla dans mes oreilles : "303, Scramble ! 303, Scramble !...", c'était le signal que j'avais déjà tant de fois entendu, en vain. Au même moment, les fusées rouges montèrent dans le ciel. Trente secondes plus tard j'étais en l'air".
Pour Zumbach, c'est presqu'un baptême du feu, puisque jusqu'à présent, contrairement à certains de ses équipiers et compatriotes du 303, il n'a pas encore combattu l'ennemi dans le ciel anglais. "Altitude 25 000 pieds (8000 mètres). (...) Bientôt, j'aperçus les flocons des explosions des obus de la DCA britannique au-dessus du port de Londres et, surtout, un peu à droite, plus bas que nous, une formation de bombardiers allemands escortés par un nombre surprenant de Messerschmitt 109. Leur intention était saisissable à l'oeil nu : approcher des quais et docks de la Tamise, lâcher les bombes et virer vers le nord".    
"Il semblait que notre commandement anglais ne réalisât pas la direction exacte du vol des bombardiers", poursuit Zumbach. "Je commençais déjà à m'inquiéter quand, dans mes écouteurs, j'entendis crier en polonais : "Attaquons ! Suivez-moi !". C'était Paskiewicz qui, battant déjà des ailes pour rallier les autres, rompait la formation. Il passa à l'attaque, piqua, suivi des autres sections et aussi du commandant qui comprenait enfin la manœuvre".

Ludwik Paszkiewicz, 32 ans, est l'un des piliers du 303 Squadron, véritable hussard volant, débordant de panache. Une semaine plus tôt, c'est lui qui a ouvert le tableau de chasse du 303 Squadron en sortant de sa formation pour aller dégommer en solo un appareil ennemi pendant un vol d'entraînement. Ce 7 septembre, c'est encore lui qui accroche le premier bombardier allemand. "Avant même de commencer mon attaque, le Dornier de Paszka était déjà en feu", témoignera son camarade Witold "Tolo" Lokuciewski, 23 ans. Alors que le ciel s'embrase au-dessus de l'agglomération londonienne, Jan Zumbach, lui, éprouve de grosses difficultés avec ses mitrailleuses qui ne fonctionnent pas. "Les balles traçantes passaient de tous les côtés et, brusquement, je réalisai que j'avais oublié d'enlever le cran de sécurité de mon bouton de tir ! Je virai à mort ! Ecrasé par la force centrifuge, courbé en deux sur mon manche, je me retrouvai à l'arrière de mon groupe. Et soudain, devant moi, surgit un Dornier 215".

Le pilote polonais ne laisse pas passer sa chance. "Je vis le mitrailleur arrière qui tirait sur moi. J'appuyai enfin sur le bouton, et mes huit mitrailleuses secouèrent mon avion". C'est sa première victoire en combat aérien.

Notre tableau de chasse était sensationnel : 11 Dornier abattus, 3 endommagés, 2 Messerschmitt 109 descendus et 3 endommagés !

Jan Zumbach, pilote du 303 Squadron polonais, le 7 septembre 1940.

"Brusquement, tout me sembla facile. Dans mes écouteurs, j'entendais tout le monde crier, en anglais, en polonais. Regardant vers la droite, j'aperçus un autre Dornier 215, un peu en arrière de sa formation. (...) Celui-là serait sans doute plus facile à tirer. Son mitrailleur arrière ne me gênait pas, comme le précédent. Sans doute, quelqu'un de chez nous avait déjà dû le saler un peu. Dès ma première rafale, cet avion explosa, et si je passai sans casse à travers ses débris fusant en tous sens, ce fut sans doute par miracle".
Mais en virant brusquement ensuite pour esquiver les tirs d'un groupe de Messerschmitt, Zumbach perd connaissance en plein vol. "Heureusement, mon avion était lancé pleins gaz et légèrement "nose up", nez en l'air". Ainsi, il ne perdit que 12 000 pieds d'altitude (3600 mètres... NDR) avant que je ne reprenne mes esprits. J'étais seul et vis quelques trous dans mon aile gauche. (...) Je pris le temps de vérifier mon équipement, et ce fut alors que j'aperçus mon tuyau d'oxygène débranché ; je compris pourquoi, tout à l'heure, j'avais perdu connaissance".

A son retour sur la base de Northolt, c'est l'euphorie. "Je pus en beauté, effectuer le tonneau de la victoire, mes premières victoires ! avant d'aller me poser. Sur l'aérodrome, tout le monde gesticulait de joie. il y avait de quoi. Notre tableau de chasse était sensationnel : 11 Dornier abattus, 3 endommagés, 2 Messerschmitt 109 descendus et 3 endommagés !".
D'autres, en revanche, ont du mal à se réjouir... Malgré toute la bravoure du 303 Squadron, la chasse britannique - qui s'attendait à une nouvelle attaque sur les aérodromes - a été totalement débordée ce jour-là. Les bombardements allemands ont tué 430 civils dans l'est de la capitale et fait plus de 1000 blessés.
"Je ne suis pas rentré satisfait de ce combat, même si j'avais abattu deux avions", écrit Stefan Wojtowicz, un autre pilote du 303. "Toute la banlieue Est de Londres brûlait. C'était une vision vraiment bouleversante. Ça m'a rappelé Lublin, un an plus tôt, en Pologne". 
 

Sous le feu allemand en Pologne puis en France

Avant de rejoindre l'Angleterre, les pilotes polonais avaient déjà vécu deux débâcles face au Reich hitlérien : celle de leur propre pays en septembre 1939, puis celle de la France - où ils étaient venus poursuivre le combat - en mai/juin 1940.

Quand les chars allemands ont pénétré en Pologne, Jan Zumbach, lui, était en convalescence à Zaleszczyki, une station thermale du sud-est du pays (la ville est aujourd'hui rattachée à l'Ukraine). Jeune sous-lieutenant au sein de la 111e escadrille de chasse polonaise, il s'était fracturé la jambe gauche quatre mois plus tôt lors un accident survenu à l'atterrissage, près de la capitale, Varsovie, à l'issue d'un vol d'entraînement. Le jeune homme avait réussi à intégrer la dure et exigeante école d'aviation polonaise, à Deblin, en 1936. Bien que né en Pologne, où sa famille vivait depuis trois générations, il était de nationalité suisse, comme son grand-père (un riche grainetier devenu un important propriétaire terrien), ce qu'il cacha lors de son incorporation. 
Dans sa promotion (1938), on trouvait d'autres futurs héros de la Bataille d'Angleterre, comme "Tolo" Lokuciewski, Jan Daszewski et Miroslaw Feric (futurs membres du 303 Squadron), Stanislaw Skalski (le premier as polonais de la Seconde Guerre mondiale), Stanislaw Chalupa, Jerzy Czerniak, Stanislaw Lapka et Aleksiej Zukowski (futurs pilotes du 302 Squadron Poznanski, l'autre escadrille de chasse polonaise de la Royal Air Force), mais aussi Tadeusz Kawalecki (151 Squadron), Tadeusz Kumiega (17 Squadron), Tadeusz Nowak et Wlodzimierz Samolinski (253 Squadron).
Lors de l'offensive allemande en septembre 1939, Zumbach regagna immédiatement Varsovie, malgré sa blessure, pour rejoindre son escadrille.
Mais la plus grande confusion règnait déjà dans la capitale polonaise.

"Quand j'arrivais à Varsovie, ce fut pour apprendre que mon escadrille était partie au combat bien sûr, mais où ? On ne savait pas", raconte Zumbach. "Pas dessus le marché, l'officier rond-de-cuir qui me reçut au commandement de la place militaire de Varsovie, voyant mes béquilles, exigea d'abord de moi un certificat médical de validité".
Grâce à un médecin conciliant, il fut reconnu apte à voler. On lui confia alors des missions de reconnaissance et de liaison, entre les différentes divisions militaires polonaises encore au combat, à bord d'un petit avion de tourisme. 

"Je ne parvenais pas à comprendre comment l'armée polonaise, si durement disciplinée, avait pu être si rapidement désorganisée. Et ce que je comprenais encore moins, c'était pourquoi les restes de troupes que je rencontrais, faisant retraite, étaient privés de toutes communications téléphoniques avec les états-majors".
La Luftwaffe avait déjà neutralisé à ce moment-là 80% de l'aviation polonaise.

Zumbach reçut de l'ordre de se rendre sur une base vers l'est de Pologne, à Brest-sur-le-Boug (aujourd'hui en Biélorussie). "Je ne vis qu'une vingtaine d'avions de tourisme et de liaison. Etait-ce donc tout ce qui restait de notre fière , et trop petite, phalange de guerriers acrobates ?". A peine eut-il le temps de se poser, qu'un chasseur-bombardier allemand passa détruire une bonne partie de cette modeste flotte.
"Puis un bruit courut : la France nous livrait des Morane 406", se souviendra le pilote. "Ils arriveraient par le port roumain de Constanța où nous irons les chercher. (...) En fait, les bateaux français avaient déjà fait demi-tour, puisque notre défaite était consommée. Mais nous ne le sûmes que plus tard".

Le 17 septembre, alors que les Soviétiques attaquaient à leur tour la Pologne à l'Est, on ordonna à Zumbach de se replier vers la Roumanie.
A court de carburant, il se posa à une quarantaine de kilomètres de Bucarest et rejoignit la capitale roumaine en train. Puis il partit vers Constanța où des officiers français et britanniques l'orientèrent ensuite vers le port de Baltchik en Bulgarie.Avec d'autres aviateurs et soldats polonais, il embarqua à bord d'un "vieux rafiot grec", "une auge flottante, dont toutes les parrois et tous les planchers exhalaient des relents de bêtes, de défécations et d'urine animales".

Ce navire arriva à Beyrouth, dans l'actuel Liban, le 21 octobre 1939.
"Tandis que les aviateurs polonais de bombardements étaient adjugés aux Anglais et partaient pour la Grande-Bretagne, les chasseurs et équipages d'observation étaient recueillis par l'armée française", explique Zumbach. Trois jours plus tard, il reprenait la mer avec de nombreux compatriotes, à bord d'un "confortable paquebot", en direction de Marseille.

A son arrivée en France, il fut dirigé vers Salon-de-Provence puis la base de Bron, près de Lyon, où des entraînements débutèrent en janvier 1940. "Mais ensuite, faute d'avions à nous mettre effectivement sous les fesses, vint une période de désœuvrement total. Nous passions notre temps dans les bistrots et les bordels de Lyon", rapporte l'aviateur polonais. "Cette longue période de démoralisation, pour nous qui brûlions de rendre aux Fritz la monnaie de la pièce polonaise, ne prit fin que le 10 mai 1940".
Ce 10 mai, l'Allemagne nazie lança sa grande offensive sur la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. "Dès le lendemain, je fus envoyé dans une escadrille qui se révéla introuvable". Avec d'autres pilotes polonais et tchécoslovaques, il passa par Châteauroux, Tours, Châteaudun, pour être finalement affecté à Etampes, au sud de Paris, au sein du GC 1/55. 

Parmi ses compatriotes, deux futurs membres du 303 Squadron : l'expérimenté capitaine Zdzislaw Krasnodebski, 36 ans, et Stanislaw Karubin, 25 ans.
Karubin appartenait en Pologne à la même escadrille que Zumbach. Il avait réussi l'exploit de descendre un chasseur bimoteur Messerschmitt Bf110, lors l'invasion allemande, avec un modeste PZL P.11.

L'entente avec sa hiérarchie française n'était pas bonne, et les tâches frustrantes. "Le commandant se contentait de nous "faire garder les cheminées" des usines de la région", déplore Jan Zumbach. Jusqu'à ce que les Allemands vinrent bombarder la base aérienne d'Etampes, contraignant le GC 1/55 à se replier sur Villacoublay, toujours en banlieue parisienne. Le pilote polonais effectua alors sa première véritable mission de guerre, le 10 juin, pour "protéger un mouvement de troupes françaises dans la région de Laon", dans l'Aisne, aux commandes d'un Morane-Saulnier MS.406.

Il fut abattu par un essaim de Messerschmitt Bf109 en surnombre et dut sauter en parachute, tandis que trois de ses camarades polonais trouvaient la mort. Zumbach revendiqua un appareil ennemi descendu. 
Puis l'étau allemand se resserra sur Paris et la base de Villacoublay fut à son tour évacuée. A bord d'un Curtiss P-36, Zumbach escorta un Caudron Goéland piloté par un Tchèque qui avait embarqué mécanos et armuriers. Ils se posèrent à Châteaudun, puis Clermont-Ferrand, avant de rejoindre Mérignac, près de Bordeaux, où le gouvernement français s'était réfugié.

Sur l'aérodrome girondin, régnait alors une atmosphère de chaos. "Un millier d'avions de tous types, tailles et âges, se serraient sur l'herbe, jusqu'aux bords mêmes de la piste. Pour y atterrir sans provoquer de collision, il nous fallut réaliser des prodiges d'adresse prudente".

Vous aurez du mal à trouver ce qu'il vous faut, dit le pilote français, tous les bons zincs sont déjà en main

Jan Zumbach sur l'aérodrome de Mérignac en juin 1940

Le maréchal Pétain ayant annoncé le 17 juin qu'il fallait "cesser le combat", Zumbach chercha immédiatement à quitter la France. Avec d'autres aviateurs de sa connaissance, français, polonais et tchèques, il essaya le soir-même de "piquer un bon bimoteur" à Mérignac pour voler jusqu'en Angleterre. Ils choisirent "un bombardier apparemment tout neuf, dans lequel nous pourrions tous nous serrer". Manque de chance, il y avait déjà du monde à bord.

"Un mécano français, un pistolet à la main, et derrière lui un pilote et d'autres hommes que nous ne distinguions guère dans l'obscurité, nous faisaient très clairement comprendre qui'ils avaient eu la même idée que nous, mais une heure avant. Nous nous excusâmes. "Vous aurez du mal à trouver ce qu'il vous faut", dit le pilote français. "Tous les bons zincs sont déjà en main"". 

Jan Zumbach et ses camarades trouvèrent finalement un plan de secours, le lendemain, sur les quais de Bordeaux : le Kmicic II, un charbonnier polonais, prêt à lever les amarres pour rejoindre Plymouth en Angleterre.A bord, il y retrouva, à sa grande surprise, une des légendes vivantes de l'aviation polonaise de l'époque, le lieutenant-colonel Leopold Pamula, qui fut son premier chef d'escadre à Varsovie.

A 42 ans, il était le modèle, le mentor de toute une génération de pilotes. Un instructeur réputé pour son extrême exigeance. "Si vous travaillez beaucoup et buvez moins, vous arriverez peut-être un jour à ressembler à l'ombre d'un pilote de chasse", avait-il conseillé à Zumbach avant la guerre.
Mais cette fois, Pamula avait perdu de sa superbe. "Après la défaite en Pologne, il avait "transité" par la Hongrie, puis traversé l'Italie avec des faux papiers", raconte Zumbach. "Arrivé en France, il avait été très déçu par son affectation à une escadrille dont il ne voulut rien me dire de plus. Impassible comme toujours, l'œil froid et distant, il ne voulait rien laisser paraître de son amertume".
 

La formation des premières escadrilles polonaises en Angleterre

Jan Zumbach et les passagers du Kmicic II débarquèrent à Plymouth, quatre jours plus tard. "La Croix-Rouge britannique y accueillit 300 types affamés, assoiffés, hirsutes et sales", commente le pilote.

L'armée britannique séparara immédiatement le personnel aérien des fantassins et des artilleurs. "On nous achemina à Blackpool (dans le nord-ouest de l'Angleterre NDR) où, pendant trois semaines, nous subîmes la quarantaine du contrôle et des interrogatoires du contre-espionnage britannique, puis des examens médicaux".
Certains Polonais arrivèrent en Angleterre en mauvaise santé.

C'était le cas notamment du fameux lieutenant-colonel Pamula, avec qui Zumbach était arrivé. "A Blackpool, le contrôle médical avait décelé une dent malade depuis longtemps. "Elle ne vous fait pas mal?", avait demandé, étonné, le médecin militaire. "Yes, sir", avait seulement répondu Pamula, bien forcé d'être laconique car il aurait été bien en peine d'en dire davantage en anglais. Aussitôt, on lui arracha sa dent. Mais l'abcès, trop négligemment soigné, provoqua une scepticémie dont, stoïquement, il ne voulut pas se plaindre. Trois jours plus tard, il était mort. Pauvre, incomparable professeur de voltige aérienne et de maîtrise des nerfs. Il avait été l'un des rares as polonais à compter quelques victoires dans le ciel de son pays. Ce que les maîtres-tireurs de la Luftwaffe n'avaient pas réussi, une simple mauvaise dent l'obtenait : envoyer sous terre un homme qui n'aimait que le linceul des nuages".  

Après trois semaines à Blackpool, Zumbach reçut le tampon "A-1", apte pour le service. L'arrivée de centaines d'aviateurs polonais ayant quitté la France allait fournir à la Royal Air Force ce qui lui manquait le plus en ce début d'été 1940 : des pilotes d'expérience, aguerris, ayant déjà affonté les Allemands en de multiples situations et circonstances."Quand il commença à expédier des aviateurs polonais et tchèques sur différents aérodromes, l'Etat-major britannique avait l'intention de les disperser au milieu d'escadres anglaises", se souvient Zumbach. "Leur loyauté pouvait y être mieux surveillée, et d'éventuelles désertions massives pouvaient y être prévenues (sentir cette défiance, quand on brûle sincèrement du désir de descendre du Boche, ce n'est pas agréable). Nous n'en continuions pas moins à demander de constituer des escadrilles polonaises homogènes - pour l'honneur du drapeau".

Les premières unités polonaises furent créées au sein la Royal Air Force le 1er juillet 1940 : les 300 et le 301 Squadrons, deux escadrilles de bombardiers.
Puis ce fut au tour du 302 Squadron, le 13 juillet, tout premier groupe de chasse polonais stationné à Leconfield, dans le nord-est de l'Angleterre.
Le 303, lui, fut créé le 2 août à Northolt. Les pilotes de cette nouvelle escadrille étaient placés sous la responsabilité d'un trio anglo-saxon : le Squadron leader Ronald Kellett et les flight-lieutenants John Kent et Athol Forbes. 
Les Polonais durent effectuer près d'un mois d'entraînement sur des chasseurs Hurricane. "Si les Anglais nous faisaient perdre tant de de temps à leurs puérils exercices, alors que nous étions déjà des "chevronnés", combien leur en faudrait-il pour former leurs toutes jeunes recrues ?", s'interrogeait Jan Zumbach.

Leurs qualités de pilotes n'étaient pas en cause. Le souci de la RAF avec les Polonais, c'était plutôt la barrière de la langue, la communication étant un élément essentiel du vol en formation et du combat aérien.

"Il n'y en avait que deux qui parlaient un vague anglais", expliquera John Kent, officier originaire du Canada, bientôt surnommé "Kentowski" par ses subordonnés. "Ronald Kellett et Athol Forbes se débrouillaient avec eux en français, ce qui n'était malheureusement pas mon cas. Il faut dire que je suis de l'Ouest du Canada et que ma connaissance du français à l'époque était des plus élémentaires. La morale de l'histoire, c'est que j'ai fini par parler quelque chose qui approchait du polonais".   
"Tous les matins, un autocar nous déposait dans la bourgade d'Uxbridge, (...) pour y apprendre l'anglais qu'on nous hurlerait dans les écouteurs radio", relate de son côté Zumbach. "Il fallait aussi savoir compter jusqu'à 12 en anglais, afin de pouvoir prendre les caps, droite, gauche, directions selon le cadran d'une montre. Puis vinrent les simples mots de code : "angel" (ange) pour altitude, "pancake" (crêpe) pour atterrissage, "bandits" pour ennemis, etc..."

Le premier pilote polonais à s'illustrer, pendant la Bataille d'Angleterre, fut un certain Antoni Ostowicz, 29 ans. Le 19 juillet 1940, cet ancien navigateur de bombardier, intégré au sein du 145 Squadron, abattit un Heinkel He 111, aux commandes de son Hurricane, au large de Brighton.
Ostowicz fut aussi le premier à être tué, le 11 août, près de l'île de Wight. L'un de ses équipiers du 145 Squadron, Witold Urbanowicz, 32 ans, allait bientôt rejoindre le 303 Squadron pour devenir le plus grand as polonais de cette bataille aérienne, avec 15 victoires homologuées. 
D'autres compatriotes s'illustrèrent également pendant cet été 1940, comme Antoni Glowacki, 30 ans, pilote du 501 Squadron, qui accomplit la prouesse d'abattre cinq appareils allemands (quatre chasseurs Messerschmitt Bf109 et un bombardier Junkers Ju 88), au-dessus de Douvres et Ramsgate, dans la seule journée du 24 août.   
Cet exploit fit grand bruit parmi les Polonais de la Royal Air Force, notamment au sein du 303 Squadron de Jan Zumbach qui brûlait d'envie d'en découdre...
 

Près de 240 avions allemands abattus

Pendant la Bataille d'Angleterre, les escadrilles et pilotes de chasse polonais de la Royal Air Force remporteront près de 240 victoires aériennes homologuées, dont 126 pour le seul 303 Squadron. 
Ce bilan impressionnant - obtenu en seulement six semaines d'activité (31 août-9 octobre 1940) - fera du 303 l'escadrille de chasse la plus prolifique de toute la RAF pendant cette bataille aérienne. 
Après les premiers bombardements sur Londres le 7 septembre, ses pilotes s'illustrent encore quatre jours plus tard, au-dessus d'Horsham, au sud de la capitale, avec 16 avions ennemis descendus."La journée du 11 septembre fut celle d'un extraordinaire acharnement allemand à détruire la capitale anglaise", se souviendra Jan Zumbach. C'est aussi une journée dramatique pour l'escadrille qui perd ce jour-là ses deux premiers pilotes, Arsen Cebrzynski, 28 ans, et Stefan Wojtowicz, 21 ans.

Wojtowicz était un as en devenir. Opposé à des ennemis bien plus nombreux au-dessus du Kent, il a quand même pu descendre un Messerschmitt (et probablement un second) avant d'être atteint mortellement par un obus tiré par un chasseur allemand. Son Hurricane s'est brutalement écrasé à Westerham, pas loin de Chartwell, la demeure du Premier ministre britannique, Winston Churchill.
Cinq jours plus tôt, le "doyen" et commandant polonais de l'escadrille, Zdzislaw Krasnodebski, 36 ans, avait été grièvement blessé et brûlé aux mains et au visage après avoir sauté en parachute de son avion en flammes.

Puis arrive le 15 septembre 1940, resté dans les mémoires britanniques comme le "Battle of Britain Day". Un combat décisif et titanesque qui scellera l'issue de l'affrontement...

Depuis les aérodromes du Nord, du Pas-de-Calais et de Belgique, Göring lance un nouveau raid massif sur Londres, dès 9h du matin. Face aux centaines de bombardiers et chasseurs allemands qui franchissent la Manche, 22 escadrilles de Spitfire et de Hurricane sont mobilisées.

Pour la première fois de ma vie, j'avais eu vraiment peur.

Jan Zumbach, le 15 septembre 1940

"J'avais abattu un Dornier et ensuite, j'avais été pris en chasse par tout un essaim de Messerschmitt que je ne parvins à semer qu'en me réfugiant dans les nuages", témoignera Jan Zumbach. "Pour la première fois de ma vie, j'avais eu vraiment peur".
Dans ses mémoires, le pilote polonais raconte curieusement qu'il aurait décidé ensuite d'aller cueillir quelques Allemands repartant vers la France. C'était l'exercice favori de Josef Frantisek, l'as tchèque du 303 Squadron, qui cumulera 17 victoires pendant la Bataille d'Angleterre.
"(Frantisek) s'était élaboré sa propre tactique", explique Zumbach dans son livre. "Après la première attaque avec toute l'escadrille, il profitait de la mêlée générale pour s'éclipser et filer au-dessus de Douvres. Là, patiemment, il attendait le retour des "bandits". Il y en avait toujours quelques uns qui, munitions épuisées ou à court d'essence, rentraient chez eux. Alors tranquillement, Frantisek les descendait. Le commandant lui multipliait les reproches, car il était interdit de se séparer de sa formation. Il n'en continuait pas moins son petit manège, accumulant ainsi les croix noires sur son tableau de chasse".
Mais Zumbach, selon ses propres dires, se serait révélé beaucoup moins doué que Frantisek pour la chasse en solitaire et se serait fait abattre bêtement par un appareil allemand alors qu'il fondait sur un bombardier. Il aurait été éjecté par une explosion, serait parvenu à ouvrir son parachute, puis aurait atterri sur une plage anglaise transformée en véritable champ de mines, dont l'auraient extrait in extremis des soldats de la Coast Guard qui lui avaient tiré dessus pour le dissuader d'effectuer le moindre mouvement...  Or rien de tout cela n'est vrai..

L'historien Robert Gretzynger, qui a épluché minutieusement tous les rapports d'activité des pilotes polonais pendant la Bataille d'Angleterre, donne la véritable version : "(Zumbach) vit une douzaine de Dornier 17 retournant en France, sans chasseurs pour les protéger. Il l'a signalé à un autre appareil qui l'a rejoint et ils ont attaqué, mais Zumbach était presqu'à court de munitions, il a donc renoncé à aller plus loin et est rentré à Northolt".

Pourquoi Zumbach inventera-t-il une telle péripétie dans ses mémoires ? Cherchera-t-il uniquement à distraire le lecteur avec ce récit pimenté ? Sera-t-il encore gêné d'avoir rejoint sa base plus tôt que ses camarades du 303 Squadron à un moment aussi décisif de la Bataille ? Ou voudra-t-il ainsi réhabiliter son camarade Frantisek dont les méthodes et le flatteur tableau de chasse sont encore aujourd'hui sujets à débat... 

Ce qui est certain en tout cas, c'est que la Royal Air Force a bien infligé, ce dimanche 15 septembre 1940, de lourdes pertes à la Luftwaffe. Selon les chiffres officiels, 58 appareils allemands ont été abattus, dont 16 mis au tapis par le 303 Squadron entre Londres et Hastings, puis au-dessus du côté de Gravesend, à l'est de la capitale.L'autre Squadron polonais, le 302, n'est pas en reste. Jusqu'ici cantonnés dans le nord de l'Angleterre, ses pilotes ont été intégrés au "Big Wing" de Duxford, une énorme formation de cinq escadrilles (soit une soixantaine de chasseurs) commandée par le fameux "as cul-de-jatte" anglais Douglas Bader. A la fin de la journée, ils revendiquent 11 avions ennemis descendus, alors qu'il s'agissait de leur première confrontation majeure avec la Luftwaffe. 

"C'était les Polonais, je pense, qui disposaient de la plus forte dose de haine", estimera Douglas Bader après la guerre. "A la suite de leur triste expérience longue de quelques six cents ans sous le joug alterné des Allemands et des Slaves, ils avaient appris la rigueur, oublié la pitié. Je me revois encore les maudire à l'époque, alors qu'ils m'abandonnaient en combat pour poursuivre jusqu'au sol des avions allemands déjà perdus et les achever au lieu de rester en altitude pour en attaquer d'autres. Je les maudissais mais je les comprenais".
Deux pilotes polonais sont décédés lors ce furieux combat du "Battle of Britain Day" : Michal Brzezowski, 20 ans, tout jeune pilote du 303 Squadron, porté disparu après avoir été touché par un Messerschmitt Bf109 au-dessus de l'estuaire de la Tamise ; et Tadeusz Chlopik, 32 ans, qui n'a pas survécu à ses blessures après avoir sauté en parachute de son Hurricane du 302 Squadron, à Wickford, dans l'Essex.

Leur sacrifice ne sera pas vain : la Luftwaffe n'ayant toujours pas réussi à s'assurer la maîtrise du ciel à l'approche de l'automne, Hitler décidera deux jours plus tard de reporter l'Opération Seelöwe, son projet de débarquement en Grande-Bretagne qui n'aura donc... jamais lieu. Même si la Bataille d'Angleterre se poursuit officiellement jusqu'au 31 octobre 1940, la messe est dite. L'Allemagne nazie subit sa première défaite dans cette Seconde Guerre mondiale. Pour les Polonais de la Royal Air Force, la revanche est éclatante ! Mais 30 d'entre eux, morts en mission, en ont payé le prix...
Witold Glowacki, l'un de ces pilotes polonais tués pendant la Bataille d'Angleterre, a été abattu le 24 septembre au-dessus d'Ambleteuse, dans le Pas-de-Calais. Il repose au cimetière de Guînes.
Après le 15 septembre, le 303 Squadron perdra encore cinq des siens, dont le flamboyant et inspirant Ludwik Paskiewicz, descendu par un ennemi le 27 septembre au sud de Londres, et le controversé Josef Frantisek, qui s'écrasera à Ewell, à l'ouest de la capitale, le 8 octobre, dans des circonstances floues.

Certains diront que l'as tchèque a raté une cabriole en passant au-dessus de la maison de sa petite amie anglaise. D'autres expliqueront que Frantisek était alors épuisé et que son état de santé faiblissait de jour en jour.

Mais au deuil, se conjugueront aussi les honneurs : le 26 septembre, le 303 Squadron recevra la visite du roi d'Angleterre George VI, venu en personne à Northolt les féliciter.
"A chacun de nous, il adressa quelques mots, que nous ne comprenions guère", rapportera Jan Zumbach. "Au lieutenant Januszewicz, il posa une question. Lui non plus ne comprit rien. Mais au lieu de remercier tout simplement le monarque de sa visite, il se comporta comme s'il était dans son cockpit : il eut recours à la procédure radio pour faire répéter : "Say again, Sir ?" (Répétez, monsieur). Cela jeta un froid dans l'assistance et offusqua les officiels de la suite du roi. Mais heureusement, au même instant, l'alerte sonna, et nous pûmes alors donner à Sa Gracieuse Majesté le spectacle d'une ruée vers les avions et celui d'un décollage ultra-rapide".  
Puis le 15 décembre 1940, quatre as du 303 Squadron recrevont la Distinguished Flying Cross (DFC), la 3e décoration militaire la plus élevée au Royaume-Uni : Witold Urbanowicz (15 victoires homologuées pendant la Bataille d'Angleterre), mais aussi Miroslaw Feric (7 victoires), Zdzislaw Henneberg (8 victoires) et Jan Zumbach (8 victoires).
 

Des lendemains amers

Parmi les 145 aviateurs polonais qui ont participé à la Bataille d'Angleterre, 77 survivront à la guerre. Jan Zumbach en fait partie.

Après ses exploits pendant la Bataille d'Angleterre, il continuera à voler pour le 303 Squadron, aux commandes d'un Spitfire cette fois
Il sera blessé deux fois en mission - dont une au-dessus de la France - avant de devenir instructeur dans une OTU (Operational Training Unit), une unité d'entraînement, en Ecosse, en décembre 1941. Il retrouvera le 303 au cours de l'année 1942 puis sera nommé officier de liaison. 

En 1944, Zumbach deviendra le premier Polonais à commander un "wing" non-polonais de la Royal Air Force, le 135e. En avril 1945, lors d'un vol de routine, il se posera par erreur du côté des lignes allemandes, aux Pays-Bas, et sera capturé puis détenu sur l'île de TerschellingIl sera libéré un mois plus tard, lors de la capitulation de l'Allemagne, puis quittera la Royal Air Force en 1946. Non sans une certaine amertume...

"En décembre 1944, à la nouvelle de l'insurrection de Varsovie, les escadrilles polonaises de la RAF avaient voulu voler au secours des hommes qui se battaient dans la taupinière calcinée que la capitale leur pays était devenue", raconte-t-il. "Chef d'une escadre polonaise, j'avais naturellement exprimé cette revendication. La RAF avait aussitôt sanctionné cette manifestation d'indiscipline - qui, pour être sentimentale, n'en avait pas moins le tort de ne pas être politique. Huit jours plus tôt, j'avais été proposé pour une nouvelle décoration, la Distinguished Service Order - DSO, en langage courant ; deux jours après cette "affaire de Varsovie", elle sauta du dossier".

Pour ne pas froisser les alliés soviétiques, le gouvernement britannique interdira aux Polonais de participer au défilé de la Victoire organisée à Londres, le 8 juin 1946, y compris aux anciens héros de la Bataille d'Angleterre. 
Le gouvernement polonais en exil cessera d'être reconnu mais Londres lui réclamera quand même... le paiement de l'utilisation du matériel militaire pendant le conflit.

Jan Zumbach ne rentrera pas en Pologne après la guerre. Il s'en explique : "Les nouvelles qui venaient de Pologne n'étaient pas encourageantes pour nousLes différentes tendances politiques de la Résistance, de l'extrême-gauche à la droite, se combattaient, l'arme active ; dans les campagnes, on s'étripait furieusement, sous les yeux impavides du "libérateur" soviétique. (...) Ma mère venait de mourir. Notre domaine de Brobowo ne nous appartenait plus. Ma sœur s'était mariée et mes frères étaient rentrés en Suisse. Varsovie n'était plus qu'un amas de ruines et de misère".

Pour ses quelques camarades polonais de la Royal Air Force qui choisiront le retour au pays, l'accueil réservé par le nouveau régime communiste sera rude. "Au début, ils furent fêtés ; de nouvelles décorations s'ajoutèrent à celles qu'ils ramenaient d'Angleterre ; un an plus tard, ils étaient en prison, accusés d'être des agents britanniques".

C'est la douloureuse expérience que connaîtront Witold Urbanowicz et "Tolo" Lokuciewski (qui fut le dernier commandant du 303 Squadron avant sa disssolution en décembre 1946).

A leur libération, le premier décidera de s'enfuir aux Etats-Unis (il y décèdera le 17 août 1996, à l'âge de 88 ans), le second restera en Pologne et deviendra chauffeur de taxi.

Réhabilité dix ans plus tard, avec le dégel politique qui suivra la mort de Boleslaw Bierut, le "Staline polonais", Lokuciewski réintégrera les rangs de l'Armée de l'air de son pays. Il s'est éteint à Varsovie le 12 avril 1990, à 73 ans.
Stanislaw Skalski, le plus grand as polonais de la Seconde Guerre mondiale (18 à 22 victoires selon les sources), connaîtra un sort encore plus brutal : accusé d'espionnage en 1948, il sera torturé et condamné à mort, une peine finalement transformée en prison à vie.
Skalski sera libéré en 1956 et réintégrera, lui aussi, l'Armée de l'air polonaise. Il est mort le 12 novembre 2004, à l'âge de 88 ans.

Parmi les vétérans polonais de la Bataille d'Angleterre, 36 resteront vivre en Grande-Bretagne. D'autres émigreront au Canada, en Nouvelle-Zélande, aux Etats-Unis, en Australie ou en Argentine.

Un ancien pilote du 303 Squadron, Zenon "Charly" Bartkowiak, choisira Auchel, dans le Pas-de-Calais. Il était arrivé au Royaume-Uni en même temps que ses glorieux compatriotes, en 1940, à l'âge de 19 ans. D'abord affecté à une escadrille de bombardiers, il n'intégra le 303 qu'en juin 1943. Le 22 mai 1944, son Spitfire fut abattu près de Camblain-Châtelain alors qu'il escortait des bombardiers. Recueilli et caché par des habitants du coin, il rencontra une jeune femme, Raymonde, qu'il reviendra épouser après la guerre. Il ouvrira ensuite un café.

Et Jan Zumbach dans tout ça ? Après son départ de la RAF, il prendra un passeport suisse et fraiera en eaux troubles : il créera une compagnie d'aviation privée pour se livrer à de la contrebande et du convoyage en tout genre d'individus interlopes, puis montera quelques affaires en France, dont une boîte de nuit à Paris, le Club de l'Etoile.
Puis l'ancien as polonais deviendra mercenaire en Afrique, dans les années 1960, au service des sécessionistes katangais au Congo et biafrais au Nigeria, sous le pseudonyme de "Mister Brown".
Jan Zumbach est décédé à Paris le 3 janvier 1986. Il avait 70 ans.

► Rendez-vous mercredi pour un nouvel épisode de cette série consacrée aux aviateurs de la Bataille d'Angleterre. Nous nous intéresserons aux turbulents débuts à Calais de l'aviateur allemand Hans-Joachim Marseille, enfant terrible et future légende de la Luftwaffe.  
 
SOURCES

Livres :
  • Jan Zumbach, Mister Brown, Aventures dans le Ciel
  • Robert Gretzyngier, Poles in Defence of Britain
  • Arkady Fiedler, 303 Squadron
  • Matthieu Comas, GC 1/55, la dernière garde gouvernementale
  • John Frayne Turner, The Bader Wing
  • Alfred Pryce, Battle of Britain Day, 15 september 1940
Articles :
  • Douglas Bader, Le Kaléidoscope dans Icare, Revue de l'Aviation Française - La Bataille d'Angleterre (tome I)
  • John A.Kent, Un Canadien avec les Polonais dans Icare, Revue de l'Aviation Française - La Bataille d'Angleterre (tome I)
► Sites internet : A visiter :
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