Témoignage. Coronavirus. "Le confinement creuse le fossé entre bons et moins bons élèves" pour le maire de Nœux-lès-Auxi

Publié le Mis à jour le Écrit par Jean-Louis Manand

Suite de notre série sur les maires du Nord et du Pas-de-Calais. Comment vivent-ils le confinement ? Quelles urgences ? Quel quotidien ? Aujourd'hui, rencontre avec le maire de Nœux-lès-Auxi (Pas-de-Calais), 180 habitants, à la lisière du Pas-de-Calais et de la Somme.

Une anecdote. Un détail, mais c'est tellement révélateur du personnage. Le maire (SE) de Nœux-lès-Auxi, au début du confinement, avait mis à la disposition de ses 187 habitants un paquet d'attestations de déplacement, vierges, au pied d'un tilleul, sur la place du village.

Et puis à cause du vent et de la pluie, les imprimés ont été mis à l'abri dans une boite, avec une brique dessus, sur la table de ping-pong qui trône sous le préau de l'école. Ceux qui n'ont pas d'imprimante viennent se servir. Déjà 600 attestations distribuées en un mois. "Une idée toute simple qui rend bien service" explique Daniel Melin. Ça tombe bien. C'est justement avec ses idées toutes simples que le maire de Noeux-lès-Auxi, 69 ans, élu en 2014 et réélu en mars, réussit à maintenir un niveau d'animations et d'activités exceptionnel pour une si petite commune. 
 
Un exemple : le village a toujours son café-tabac-épicerie. "Rarissime ! C'est le dernier café rural à des kilomètres à la ronde, que ce soit du côté du Pas-de-Calais ou du côté de la Somme", se félicite Daniel Melin. "Un lieu de rencontre indispensable pour la vie sociale. Belote l'après-midi et billard le soir ! Mais l'intervention du chef de l'Etat, qui repousse après le 11 mai la réouverture des cafés et restaurants, m'inquiète beaucoup. Là, même si je me débrouille pour obtenir une aide, je ne sais pas si cette longue période de confinement ne sera pas fatale pour notre café." 
 
 

L'inquiétude d'un ancien instituteur


Daniel Melin – qui a fait toute sa carrière d'instituteur dans le village –  est également inquiet pour les enfants des écoles. Là encore, Nœux-lès-Auxi fait figure d'exception. Un regroupement permet depuis 25 ans de conserver une classe à Nœux et deux autres dans la commune voisine de Beauvoir-Wavans.
 
"Reprendre l'année scolaire sera difficile. Je me demande si le président n'a pas parlé un peu vite", craint l'élu. "J'aurais préféré qu'il annonce des cours de rattrapage pour les enfants en difficulté. Je le vois jusque dans mon village : le confinement creuse le fossé entre les bons et les moins bons élèves, ceux très protégés dans de "bonnes familles" et ceux de milieux défavorisés. Ces enfants moins aidés que les autres auront besoin de soutien scolaire, dans des classes réduites."

L'ancien instit prend sa part. Il propose aux élèves de son village qui n'ont pas de connexion internet ou d'outils informatiques à domicile d'imprimer les cours et les devoirs envoyés par leurs professeurs ; et il dépose lui même les documents dans les boîtes aux lettres. 

 

De nombreuses fêtes annulées


Quand on écoute Daniel Melin parler politique et éducation, on ne peut s'empêcher de penser au "hussards noirs", ces jeunes instituteurs d'avant la Grande Guerre qui allaient enseigner dans les campagnes françaises comme on part en mission, la République chevillée au corps. "Quand je suis arrivé à Nœux en 1975, le village comptait un châtelain et des fermes travaillant encore avec des chevaux. En tant qu'instituteur, je suis devenu le secrétaire de mairie ; puis le directeur d'école ; puis le maire. J'ai trouvé ici des gens simples et courageux qui avaient la tradition de la fête. On a su entretenir cette tradition. Et elle nous aide aujourd'hui... "

Une autre particularité de Nœux-lès-Auxi, c'est donc son calendrier des fêtes locales : 25 dates par an ! La fête des écoles, la fête des anciens, la fête Nationale, la fête de la musique, la fête foraine, la transhumance vers les pâturages de Printemps, un critérium cycliste... etc. "Il y aura sans doute beaucoup d'annulations cette année", regrette Daniel Melun.
 
"Peut-être sauverons-nous la ducasse en août... Mais cette crise devra ensuite nous pousser à faire mieux" espère l'édile. "Depuis le début du confinement, je vois sur nos sentiers de randonnée des promeneurs que je ne voyais pas avant. Cette crise doit provoquer des changements. Prendre le temps d'aller marcher. De se parler. D'aller vers les autres. Faire ce qu'on ne faisait pas. Se rendre compte enfin qu'une caissière ou un coiffeur, c'est indispensable."
 

"La crise révèle les inégalités sociales"


À Nœux, tout le monde connait le numéro de téléphone du maire, du premier adjoint et du secrétaire de mairie. Les élus municipaux appellent régulièrement les personnes seules ou malades, et passent les voir si besoin. "La crise révèle les inégalités sociales", conclut Daniel Melun. "Comme vivre à la campagne et vivre en ville. Il n'y a pas ici de personnes isolées, de familles entassées dans de petits appartements. Les gens ici restent sagement chez eux. On est au jardin. On coupe son bois. Un village tranquille."
 
C'est sûrement ce qu'ont dû penser les voleurs du bureau de poste voisin de Fillièvres. Après avoir accroché le coffre à une boule de caravane, ils l'ont traîné jusqu'à Nœux-lès-Auxi pour le découper au chalumeau. Tranquillement.
 
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