Suite de notre série sur les maires du Nord et du Pas-de-Calais. Comment vivent-ils le confinement ? Quelles urgences ? Quel quotidien ? Aujourd'hui, rencontre avec le maire de Groffliers (Pas-de-Calais), 1500 habitants, au cœur de la région naturelle du Marquenterre.
Il n'y avait personne ce week-end à Groffliers pour voir le vent courir et mugir sur cette immense étendue de sable qui longe l'embouchure du fleuve Authie, à l'ombre des sapins, jusqu'à la baie. C'est un spectacle, décidément, que ces tempêtes de printemps qui font briller sous un grand soleil des eaux blanches d'écume. Mais il n'y avait aucun promeneur pour en profiter. La troisième semaine de confinement commence. Et même si rester bloqué chez soi est ici - pense-t-on - moins pénible qu'ailleurs, "les gens commencent trouver le temps long." Claude Vilcot, le maire (SE) de Groffliers, sent que "l'isolement pèse de plus en plus lourd."
Claude Vilcot vient d'être réélu. A 69 ans, il attaque son cinquième mandat, le troisième en tant que maire. Le 17 mars, il a fermé sa mairie au public, avec une permanence assurée encore le matin. Il y fait un bref passage pour relever le courrier. Puis rentre chez lui, non sans un détour en voiture dans chaque rue de la commune. "Tout est calme. Pas d'incident. je n'ai pas souhaité instaurer de couvre-feu. C'est ici inutile."
"Cellule de veille"
Sa principale préoccupation, c'était plutôt de maintenir ouverte son école communale. "Berck-sur-Mer est toute proche, explique Claude Vilcot, et bon nombre de parents d'élèves, habitant Groffliers, travaillent dans les hôpitaux de Berck. Soignants. Pompiers. Ambulanciers. Je pensais que ces personnels auraient besoin qu'on puisse continuer à accueillir leurs enfants. Ça n'a pas été le cas. Les parents craignaient les regroupements d'élèves ; ils ont préféré trouver des solutions en famille. Mais ça peut changer. Si l'épidémie s'aggrave, si plus de personnel est réquisitionné, la directrice de l'école est sur place et peut rouvrir du jour au lendemain." Monsieur le maire sait de quoi il parle : avant de prendre sa retraite, lui-même était directeur d'hôpital à Berck.
Il s'est inquiété aussi des personnes handicapées, âgées, dépendantes, isolées. Le territoire de la commune est particulier. Vaste. 1.500 habitants sur 900 hectares, dont une partie exposée aux submersions marines. "Les élus se sont répartis les tâches, raconte Claude Vilcot. On forme une "cellule de veille" pour garder le lien avec ces personnes. On les appelle plusieurs fois par semaine. On rend visite. On fait les courses."
Un membre de l'équipe municipale est toujours joignable. A l'écoute. Sur le site Internet de la commune et sur une affichette placardée sur la porte de la mairie, cinq numéros de téléphones portables sont disponibles : ceux du maire et de son premier adjoint, ainsi que des adjoints chargés des services techniques, de l'école et des personnes vulnérables. Le site de la commune donne également des informations pratiques, comme le non-ramassage de certaines poubelles, les aides aux entreprises, le plan de mobilisation citoyen du gouvernement...
Ce lundi matin, Claude Vilcot était dans le département voisin de la Somme, à Fort-Mahon, pour donner deux cartons de masques à un Ehpad, qui n'en avait aucun. "C'était nos deux derniers cartons. On en avait retrouvé un stock en mairie, datant de la grippe aviaire, mais on a tout distribué. À des pharmaciens. Des ambulanciers."
Sur les dépliants touristiques, Groffliers est présenté comme "le village entre terre et mer". "C'est vrai qu'on est dans un cadre privilégié, conclut Claude Vilcot. La nature est partout. Des espaces verts. Des jardins. Des conditions de vie favorables. Mais je vous le disais : le confinement entre dans sa troisième semaine et les gens que je rencontre souffrent de plus en plus du manque de contact avec leurs familles. Le temps semble être suspendu..."
Les accès à la plage sont fermés. Les chemins de randonnée sont fermés. Le vent s'est calmé. La Baie d'Authie est juste là, derrière les arbres. On entend la mer. On entend les oiseaux. Que les oiseaux.