Thierry Velu est sapeur-pompier de formation. Il a fondé en 1999 le GSCF (Groupe de Secours Catastrophe Français ). Parti du Touquet et arrivé ce mardi 8 février en Turquie avec une équipe de 10 personnes, il décrit des conditions « très compliquées » pour retrouver des survivants.
Joint par téléphone alors que la nuit tombait en Turquie (il y a deux heures en plus de décalage horaire), Thierry Velu a pris quelques minutes entre quelques sautes de réseau pour répondre à nos questions. Arrivé depuis près de 48h sur place, il nous explique les conditions dans lesquelles les sauveteurs et secouristes travaillent sur place, alors que le bilan officiel fait état de près de 12 000 victimes.
Comment s’est déroulée votre arrivée sur place ?
Nous sommes arrivés à 4h du matin mardi, nous avons commencé les opérations dès 6h du matin. On a très peu dormi depuis. Nous sommes fatigués mais il faut continuer les recherches.
Pouvez-vous nous décrire la situation autour de vous ?
Nous sommes à Islahiye. Ce qui est très marquant par rapport à d’autres tremblements de terre, c’est la superficie de la zone touchée. D’habitude c’est une zone de 10-15km. Là il y a énormément d’immeubles par terre, peut-être plus de 1 000.
Les conditions sont très compliquées ?
C’est très compliqué, surtout la nuit car les températures sont négatives. Nous sommes obligés d’être à pieds pour nous déplacer car les routes sont trop encombrées. Mais c’est surtout pour les victimes que c’est compliqué, avec le froid en plus, le temps est compté.
L’expression adéquate c’est le « contre-la-montre » pour trouver d’éventuels survivants ?
Oui, l’expression est la bonne. Ce ne sont pas des heures mais des minutes cruciales. On nous appelle parfois pour nous dire qu’une personne a été entendue à tel endroit il y a quelques minutes. Nous sommes les sauveteurs de la dernière chance. Mais le temps d’arriver, il est parfois trop tard.
La France a envoyé près de 140 sauveteurs et a annoncé l’envoi d’un hôpital de campagne, comment les secours se coordonnent-ils sur place ?
Nous avons été coupés de l’actualité depuis notre arrivée, c’est une bonne nouvelle pour les Turcs en tout cas ! A notre niveau, nous n’avons vu aucun autre secours international. Sur notre zone, nous sommes avec des sauveteurs turcs qui parlent anglais, la barrière de la langue, ça va.
Vous avez publié une vidéo sur vos réseaux sociaux ( https://fb.watch/izDqvurZki/ ) d’un sauvetage, comment s’est-il déroulé ?
C’était avant hier (mardi), une personne que nous avons mis 4h à sortir des décombres. C’est relativement court, j’ai souvenir d’avoir mis 12, voire 16h pour sortir une seule personne au Népal. Des gens sont venus nous chercher, ils cherchaient des disparus et pensaient avoir entendu quelque chose sous des décombres. Nous nous rendons sur les lieux pour faire une levée de doute et nous avons découvert une personne coincée très loin.
- Depuis la publication de cette interview, le GSCF a secouru une 2ème personne dans la nuit de mercredi 8 février au jeudi 9 février.
Il vous faut sauver des vies tout en prenant des précautions…
Oui, tout à l’heure encore il y a eu une secousse de magnitude 4… On fait attention, on fait tout pour faire attention à nous mais parfois, on est pris par la personne qu’il faut sauver. Quand il y a un immeuble de 5 étages au-dessus de vous prêt à s’écrouler, il faut y aller quand même. On sait qu’il y a des chances de survie, il faut qu’on se dépêche.
C’est la seule personne que vous ayez pu sauver pour le moment ?
Oui. Nous réalisons beaucoup d’écoutes, on espère trouver d’autres personnes vivantes encore. On passe du temps avec les gens, ils cherchent un enfant, un père, une mère. On prend de grandes responsabilités, car si on n’entend personne, ce sont ensuite les pelleteuses qui nous remplacent.
Vous avez déjà été confrontés à des catastrophes, comment vous organisez-vous ?
On a acquis de l’expérience en tant que sapeur-pompier, en faisant ensuite beaucoup de formations et en allant peu à peu sur des événements de plus grande ampleur. Je suis allé au Liban, au Népal, il y a eu l’ouragan Katrina, le Salvador, la Turquie déjà deux fois.
L’ensemble du personnel est bénévole, c’est l’ONG qui grâce aux dons finance notre déplacement, notre matériel.