Tout ne rentre même pas dans 400 mètres carrés ! L'association À bouts de films récolte des décors et costumes pour créer une ressourcerie en faveur des spectacles et tournages dans les Hauts-de-France. Un geste motivé par l'envie de rendre accessible des matériaux chers et peu recyclés.
15 tonnes de décor et de mobilier. C'est l'estimation de déchets produits par le tournage d'un long métrage. Une réalité dont a fait le constat l'association d'audiovisuel et du spectacle vivant À Bouts De Films. "Entre les tournées, les différents univers et la quantité, c'est très compliqué de stocker et garder les décors", explique Maurine Thiebaut, responsable des partenariats de l'association.
Une logistique qui ne facilite pas le recyclage, mais la pollution : le secteur audiovisuel français serait responsable de l'émission de 1 705 560 tonnes de CO2 par an. Soit l'équivalent de 700 000 vols Paris-New York aller-retour, selon une étude publiée en 2020 par le collectif Ecoprod.
Avec le constat, il propose des initiatives en faveur de l’écoproduction. Parmi elles : le recyclage des objets, décors, costumes ou accessoires. C'est ainsi qu'À Bouts De Films tente de "mettre [sa] pierre à l'édifice à l'écoresponsabilité qui manque au milieu du théâtre et du cinéma."
Un hangar de décors en tous genres
L'idée ? Créer une ressourcerie, du nom de La Mine d'Art, pour proposer le recyclage et réemploi des matériaux de tournage à l'échelle de la région Hauts-de-France. Un projet de location à bas coût à voir d'un point de vue "écologique, artistique et économique", selon Maurine Thiebaut.
D'abord parce que "le stockage coûte très cher, à tel point que la première année de La Nuit Magique [évènement théâtral dans un parc éphémère, NDLR], on n'a rien pu garder de notre matériel !". Une réalité d'autant plus pressante pour les "jeunes créateurs aux petits budgets, pour qui c'est difficile de financer leurs décors."
Pour pouvoir développer son projet, l'association recherche activement un local à exploiter. Actuellement dans un hangar de 400 mètres carrés à La Thieuloye (près de Saint-Pol-sur-Ternoise, Pas-de-Calais), elle aimerait "doubler la capacité de stockage, avoir un atelier à part et des bureaux." Une quête ambitieuse d'autant qu'elle se concentre sur la communauté de communes de Béthune-Bruay car "c'est au milieu de la côte d'Opale, de Lille et d'Amiens."
Une centralité importante "pour s'inscrire dans le territoire pour longtemps", reconnaît Maurine Thiebaut. Le tout avec la ressourcerie et un tiers-lieu permettant un espace de rencontre et de location de studio photo ou vidéo.
La recherche commence à presser : "les partenaires sont prêts à nous donner des accessoires et costumes, mais on n'a plus de place." En attendant, l'inventaire est en cours pour photographier et répertorier chaque objet disponible. Ils seront sectorisés dans différents domaines, par époque, univers ou matière, sur un site internet prochainement disponible.
Rien ne se jette, tout se valorise
À l’instar des dernières productions fantastiques de l'association, vous pourrez retrouver des éléments pour incarner un Viking, un pirate ou des sorciers. Ainsi que des vêtements et des meubles datant des années 70. Ou encore du matériel technique et une scène flottante. Sans oublier les décors du court-métrage Les Arbres sont bleus, actuellement en tournée en festival et sélectionné pour vingt-trois récompenses.
Le but premier pour ces artistes est de "récupérer tout ce qu'on peut pour que ça n'aille pas à la poubelle." Une collecte de matériaux en tout genre qui se fait auprès des salles de spectacle, société de productions et compagnies de théâtre. Avant de pouvoir bénéficier à de jeunes artistes, à des décorateurs de tournages ou aux mêmes acteurs. Entre deux, les objets peuvent subir quelques travaux, "rien que pour les mettre en valeur, car tout peut être revalorisé pour l'art", affirme Maurine Thiebaut.
Un projet qui existe déjà pour leurs homologues parisiens, et pour lequel le département du Pas-de-Calais a investi. Grâce au budget citoyen de 2023, l'association s'est vue attribuer 25 000€ de financement pour aider à lancer le projet, à commencer par la communication, l'inventaire et le site internet. Une enveloppe qui représente "15 à 20% du budget global du projet La Mine d'Art", selon l'association, qui le réévalue au fur et à mesure qu'il grandit.