À Bucquoy dans le Pas-de-Calais, les docteurs Déplanque et Jean et Rana Legrand ont annoncé qu'ils prendraient leur retraite le 31 octobre 2024. Une décision simultanée, "qui n'était pas trop prévue" par la mairie, forcée de redoubler d'effort pour les remplacer dans un département en proie à la désertification médicale.
Depuis quelques jours, c'est le branle-bas de combat à la mairie de Bucquoy. L'annonce du départ de leurs trois médecins généralistes, qui partiront à la retraite en même temps le 31 octobre prochain, a été massivement relayée dans les médias. Une occasion en or pour tenter de combler le vide que laisseront le docteur Déplanque et les Legrand, couple de médecin, dans quelques semaines.
Une décision abrupte
Anne-Marie Barbier, maire de la petite commune de 1500 habitants, blottie dans la campagne arrageoise, se dit inquiète. Et à raison. Il y a un an, le docteur Déplanque annonçait son futur départ à la retraite, après 30 ans d'exercice dans la commune. Quelques mois plus tard, c'est finalement aux docteurs Jean et Rana Legrand d'annoncer la fin de leur carrière. Un départ "qui n'était pas trop prévu" relate Anne-Marie Barbier. Celle-ci déplore une communication "plutôt difficile" avec le couple depuis quelques mois : "Lorsque la commune a racheté le cabinet en mai/juin 2024, un mail leur a été envoyé pour connaître leurs intentions pour le futur du cabinet... Mais nous n'avons pas eu de retour."
Contactés pour réagir à cette micro-polémique qui gonfle au sud d'Arras, les médecins ont préféré ne pas commenter. "Ils ont été sursollicités ces derniers jours, ils ne souhaitent pas s'exprimer dans la presse", explique la secrétaire du cabinet médical, jointe par téléphone.
Attirer de nouveaux médecins, en ciblant la jeunesse
Amère, mais opposée au tribunal populaire qui commence à se construire contre les trois médecins, la maire de Bucquoy aurait aimé une transition plus fine pour créer une relève, via des stages ou des remplacements assurés par de jeunes médecins.
"Bucquoy est un village plein de vie, plein de maillages commerçant. Et là cette nouvelle fait l'effet d'une bombe", assure Anne-Marie Barbier. "Nous n'avons pas eu de temps pour préparer l'après. Les patients sont très inquiets." Une désillusion que la commune tente d'essuyer pour mieux rebondir. La municipalité mise particulièrement sur l'attractivité de son village pour attirer les médecins.
Bucquoy est un village plein de vie, plein de maillage commerçant. Et là cette nouvelle fait l'effet d'une bombe;
Anne-Marie Barbier, maire de Bucquoy
Par exemple, la mairie propose d'offrir deux ans de loyer aux jeunes praticiens qui viendraient s'installer dans le cabinet communal et travaille en collaboration avec les facultés de Lille et d'Amiens, pour trouver leurs nouvelles perles rares. Difficile pour les communes rurales d'attirer la jeunesse et, pour l'instant, l'hameçon ne mord pas. "J'aimerais trouver deux personnes, et qu'elles travaillent en équipe. Mais je n'arrive à trouver aucun jeune médecin."
15 minutes en voiture pour trouver un autre médecin
Côté patients, c'est la panique. Les quelques milliers d'habitants qui se rendaient à Bucquoy pour consulter un médecin généraliste se trouvent dans l'incertitude. D'autant plus que, la patientèle des docteurs Déplanque et Legrand n'était pas uniquement composée de Bucquoysiens. "Nous sommes un bourg centre et beaucoup de personnes viennent des petits villages alentour pour l'offre de santé. Forcément, l'inquiétude les gagne eux aussi", développe Madame Barbier, en expliquant recevoir plusieurs appels de confrères, qui cherchent à connaître l'avancée de la situation.
À quelques pas du cabinet médical, la pharmacie Roche tente d'orienter les patients inquiets. "On fait la relation avec les habitants et on essaie de faire la transition en donnant des adresses vers des praticiens qui peuvent encore prendre de la patientèle", relate Sébastien Devos, pharmacien assistant. Les pharmaciens, qui collaborent étroitement avec les médecins de Bucquoy, ne s'attendaient pas non plus au départ des Legrand. Forcément, la situation provoque une certaine appréhension chez le personnel.
Il y aura un impact sur notre pharmacie, on ne va pas se le cacher. Mais en ruralité on peut compter sur des patients fidèles.
Sébastien Devos, pharmacien assistant
Sébastien Devos est lucide, mais pas désespéré. "Il y aura un impact sur notre pharmacie, on ne va pas se le cacher. Mais en ruralité on peut compter sur des patients fidèles, qui ont leurs habitudes. Ici la relation est différente de celle des grandes villes."
Les patients de Bucquoy peuvent donc compter sur leur pharmacie, mais doivent cependant continuer leurs recherches pour trouver un nouveau cabinet médical, dont le plus proche se trouve à Bapaume. Quinze minutes de voiture séparent les deux communes du Pas-de-Calais. Un trajet relativement court pour certains, qui devient ennuyeux voire insurmontable quand il s'agit de personnes âgées, de pédiatrie ou de soins et d'ordonnances à renouveler plusieurs fois par mois. Surtout, beaucoup de maisons médicales n'acceptent plus de nouveaux patients.
Un constat lié à la désertification médicale qui opère dans le Pas-de-Calais depuis plusieurs années. Selon une enquête de l'UFC-Que Choisir, dans le département, 13,6 % des habitants éprouvent de réelles difficultés pour consulter un médecin généraliste. Le cas de Bucquoy n'est donc malheureusement pas une exception.