Neuf ressortissants ukrainiens ont été refoulés cette semaine à la frontière britannique. Accueillis par la ville de Calais, ils ont finalement obtenu ce jeudi après-midi leurs visas et pourront rejoindre leur famille en Angleterre.
Ils ont fui leur pays en guerre, mais leur exode a été stoppé soudainement à Calais. Neuf ressortissants ukrainiens se sont vus interdire cette semaine l'accès au ferry qui devait les emmener en Grande-Bretagne. Faute de visa temporaire, les autorités britanniques ont refusé l'embarquement.
Aussitôt alerté, le port et la ville de Calais ont pris en charge ces familles qui fuient l'avancée russe dans leur pays. "Ils ont des passeports, ils ont toutes les conditions pour pouvoir aller en Grande-Bretagne", s'est aussitôt agacé le président du port de Calais. Jean-Marc Puissesseau ne cache pas son exaspération. "Ça me rend triste que des gens qui sont chassés de leur pays parce qu'il y a la guerre, qui arrivent chez nous, pays de la liberté (...), on leur refuse le fait d'aller en Grande-Bretagne. C'est scandaleux".
Calais s'organise
Même réaction indignée du côté de la municipalité. Invitée du journal de France 3 Nord Pas-de-Calais ce mercredi, la maire Les Républicains de Calais a décrit "ces familles fatiguées, pour certaines âgées. Elles ont déjà perdu des membres de leur famille. Elles ont du laisser sur place des sœurs, des frères, les animaux de compagnie".
C'est donc à l'auberge de jeunesse de Calais que les neuf Ukrainiens ont été accueillis. Dans le contexte de tensions "à la porte de l'Europe", Natacha Bouchard a voulu aller plus loin. La mairie a anticipé : "On a mobilisé une centaine de chambres au cas où il y aurait un afflux plus important, soit pour accueillir des Ukrainiens qui demandent à être hébergés de façon temporaire en France, soit pour celles et ceux qui ont de la famille directe en Angleterre et qui souhaitent passer".
Négociations avec le Royaume-Uni
Ce jeudi après-midi, la situation administrative des neuf personnes s'est finalement débloquée. Les membres de cette famille ont obtenu leurs visas. Ils pourront donc rejoindre l'Angleterre en toute légalité.
Cette affaire a nécessité l'intervention des ministres de l'intérieur français et anglais. Que faire des Ukrainiens qui souhaiteraient rejoindre l'Angleterre ? Invité de France inter ce jeudi matin, le ministre de l'intérieur a redit l'importance de l'accueil des Ukrainiens en Europe.
Selon Gérald Darmanin, l'Angleterre installera une "sorte de consulat à Calais" avec l'envoi d'un agent consulaire britannique sur place. La mesure devrait faciliter la délivrance des visas aux Ukrainiens.
Calais est une ville stratégique sur la route de l'exil. Contrairement à la plupart des migrants actuellement sur place, les Ukrainiens sont présents en Europe de "façon régulière", a insisté la maire de la ville faisant implicitement la distinction avec les autres exilés, clandestins eux, qui sillonnent le littoral dans l'espoir de traverser la Manche. "A partir du moment où (ces personnes) demandent l'aide de l'Etat français, qu'elles demandent de façon régulière à passer pour voir de la famille en Angleterre, on doit impérativement les accompagner".
Ce jeudi, réunis à Bruxelles, les ministres européens de l'intérieur se sont mis d'accord pour octroyer une "protection temporaire" dans l'UE aux réfugiés "fuyant la guerre" en Ukraine. Annonce faite par le ministre français Gérald Darmanin et la commissaire européenne Ylva Johansson.
Le deux poids, deux mesures ?
A Calais, cette distinction faite entre les Ukrainiens et les autres migrants interroge. L'Auberge des migrants a ainsi écrit au préfet du Pas-de-Calais pour apporter son aide, mais pas seulement. Le président de l'association, François Guennoc, y questionne : "Vous avez rédigé en 2020, puis renouvelé, un arrêté interdisant toute distribution gratuite d'eau et de nourriture au centre-ville de Calais. Cet arrêté s'applique-t-il aux réfugiés ukrainiens ?"
Pour l'association, une façon de mettre les autorités françaises face à leurs contradictions, les Ukrainiens n'étant pas les seuls réfugiés à fuir la guerre. Depuis de nombreux mois, à grands coups de démantèlements, la préfecture du Pas-de-Calais évite en effet les points de fixation de migrants sur le littoral du Nord. "Dans ces conditions", interroge encore l'association, "est-il raisonnable d'ouvrir des hébergements pour les réfugiés ukrainiens ?" Calais se trouve une nouvelle fois au cœur des grandes questions de la politique migratoire en France.