Du 10 au 11 août, Steve Stievenard, originaire de Wimereux, a réalisé l'exploit de réaliser la double traversée de la Manche. Il est le premier Français à le faire.
"Le problème, c'est que le sel attaque les muqueuses qui font gonfler la bouche et la langue, je commence tout juste à manger et à pouvoir reparler", près de cinq jours après avoir réussi sa double traversée de la Manche, Steve Stievenard, se sent enfin prêt physiquement pour raconter son exploit.
Pendant 34 heures et 45 minutes, le Wimereusien n'a fait qu'une pause de 10 minutes, à la fin de sa première traversée, sur la plage d'Audinghen pour mettre de la vaseline sous les bras (une zone qui s'irrite rapidement), manger et boire. Car les règles sont strictes : "Aucune pause n'est possible, on doit porter un maillot de bain et des lunettes."
Pour se repérer, un bateau indique la circulation, mais "il y a interdiction de le toucher sous peine d'être disqualifié." À son bord, deux juges vérifient que le protocole est bien respecté.
"À aucun moment, j'ai douté"
Le nageur est parti près de Douvres dans la nuit du 10 au 11 août à deux heures du matin avant d'arriver à Audinghen, au niveau du cap Gris-Nez à 19 heures. À peine dix minutes de pause plus tard, il a dû repartir."Il faut trouver la motivation pour entamer une nouvelle traversée. On sait qu'on repart pour une nuit complète et une journée quasi-complète. Mais je m'étais bien préparé, je savais que ça allait être difficile mentalement."La deuxième traversée ne s'est pas faite sans encombre. "Vers une heure du matin, je me suis fait prendre dans un filet de pêche à la dérive qui m'a lacéré le cou. J'ai réussi à m'en sortir sans trop savoir comment".
L'occasion pour lui de pointer du doigt le nombre affolant de déchets dans la mer. "La nuit, c'est beaucoup plus stressant. On percute des bidons, des caisses en plastique."
Après 32 heures de nage, il se retrouve face à une barrière de courant, impossible à traverser. Il a dû contourner et rallonger son temps de nage. "J'avais demandé à mon équipe de ne pas me mentir lors de ce type d'incident pour pouvoir m'adapter psychologiquement."
Une arrivée en triomphe
En Angleterre, la discipline est beaucoup plus popularisée qu'en France. Steve Stievenard rappelle que "plus de 1 200 Anglais ont traversé la Manche contre seulement 38 Français."Trois ans d'entraînement
"J'avais fait une première traversée simple en 2018, une deuxième en 2019. Je pars du principe qu'il faut une première pour apprendre, une deuxième pour comprendre et une troisième pour gagner, même si j'ai encore beaucoup à apprendre", concède-t-il.En plus de s'entraîner à réaliser la traversée et à nager dans des eaux froides, le Wimereusien a pris plus de quarante kilos pour pallier le froid. "Je me suis calé sur le régime des phoques. Avant de faire des migrations, ces animaux mangent beaucoup de poissons gras. Et puis progressivement, j'ai augmenté les quantités, il ne faut pas traumatiser l'organisme."
Autre spécificité de son entraînement, la nage dans des bancs de méduses. "Je nageais volontairement dedans pendant trente minutes, ce qui m'a permis d'encaisser plus de soixante piqûres durant ma double traversée.""L'important, c'est de ne pas être surpris, car dans une traversée aussi physique, c'est ce qui peut créer l'abandon. J'essaye aussi de m'entraîner dans les bancs d'algues pour que mon cerveau enregistre et comprenne que ce n'est pas un danger en soi."Si la tête est prête, le corps suit.
Pour Steve Stievenard, l'essentiel du défi se fait dans la tête : "Cette traversée, c'est 80 % de psychologie. Si la tête est prête, le corps suit. Elle m'a permis d'aller au plus profond de moi-même."
Un défi qui remonte à l'enfance
Si Steve Stievenard fait depuis cinq ans de la nage en eau libre, il n'était pas vraiment prédestiné à ce sport. "À la base, je ne suis pas un nageur", concède-t-il.Mais le désir d'atteindre l'Angleterre à la nage était trop fort. "Mes grands-parents habitaient à Sangatte. Tout petit, j'ai vu arriver les nageurs venant d'Angleterre, je trouvais ça tellement inconcevable", se souvient-il. "Depuis, cette idée m'a toujours trotté dans la tête. À 40 ans, je me suis dit que c'était le bon âge pour commencer ce sport."
Les bienfaits de l'eau de mer
"Avec l'eau de mer, on n'est jamais malade", estime Steve Stievenard. Le nageur travaille avec des scientifiques. Ils ont évalué sa production de globules blancs au fur et à mesure de ses entraînements dans de l'eau mer qui atteint parfois les 6 degrés "Ils ont remarqué que j'avais développé beaucoup plus de globules blancs" et développé donc une certaine immunité."Progressivement, notre corps va accepter la descente de température et s'adapter au froid. Nos modes de vie actuels sont aseptisés. On est trop couverts, trop chauffés et on attrape tous les microbes qui traînent", regrette le nageur.