Passage vers l'Angleterre : plus de 1600 exilés rescapés en mer en trois jours

Le nombre de migrants qui prennent la mer pour passer vers l'Angleterre ne cesse d'augmenter. Harcèlement policier, failles du droit d'asile, dangerosité de la traversée en camion... Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette ruée vers la mer.

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342 personnes, sur la seule journée du dimanche 10 octobre, ont été secourues alors qu'elles tentaient de rejoindre l'Angleterre sur des embarcations de fortunes. Deux d'entre elles étaient en état d'hypothermie avancée, et un autre blessé, selon la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord, citée par l'AFP. 

De 600 sauvetages en un an à 1600 en trois jours

C'est d'abord le centre opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) Gris-Nez qui a été informé "de nombreuses embarcations" se trouvaient en difficulté au large. Un remorqueur d'intervention, d'assistance et de sauvetage a alors été engagé sur trois opérations de sauvetage, "au cours desquelles il a récupéré 124 naufragés", et un patrouilleur de la Marine nationale "a récupéré 95 naufragés" lors de huit opérations. Enfin, les sauveteurs en mer de Calais, Dunkerque et Boulogne-sur-Mer ont pu secourir 121 personnes lors de six opérations distinctes, a détaillé la préfecture.

Ces rescapés s'ajoutent aux 171 personnes déjà secourues les 8 et 9 octobre. De son côté, le Royaume-Uni a secouru ou intercepté au total 1 115 migrants traversant la Manche à bord de petites embarcations sur ces deux mêmes journées, d'après le ministère britannique de l'Intérieur. 

Le nombre de réfugiés cherchant à rejoindre l'Angleterre par la mer ne cesse d'augmenter exponentiellement depuis 2018 : les tentatives de traversées concernaient alors 600 personnes en un an, contre plus de 15 000 entre janvier et août 2021. Le danger est pourtant grand lors de cette traversée en raison des forts courants et de la basse température de l'eau.

Harcèlement à terre, ruée vers la mer

Pour Anne Savinel-Barras, responsable régionale d'Amnesty International, deux facteurs expliquent cette précipitation vers la frontière maritime. D'abord, le traitement réservé aux exilés de Calais et de Dunkerque, avec des évacuations et destructions de matériel devenues quotidiennes.

"On parle maintenant de harcèlement sur les littoraux. L’expulsion des personnes exilées s’accentue, avec une course-poursuite permanente qui laisse les gens dans des situations dramatiques. Ils ne peuvent plus se poser nulle part donc, forcément, on augmente ce souhait de traverser chez des gens qui espèrent des jours meilleurs de l’autre côté de la Manche. Ce qui n’est d’ailleurs pas garanti…"

Jean-Claude Lenoir, président de l'association Salam, temporise : "Avec ou sans ce harcèlement, ils iraient quand même en Angleterre. Ils ne sont pas éligibles au droit d'asile en France, donc ils n'ont pas de solution. Les mecs veulent travailler, vivre. Et puis, c'est sûr, ici, ils sont démantelés deux fois par jour sous la pluie, c'est normal d'aller chercher un pays qui respecte davantage les droits de l'Homme !"

Des camions à l'embarcation de fortune

L'abandon progressif des traversées dans les camions de marchandise est également citée par les deux humanitaires. "La traversée sur les camions est devenue de plus en plus dangereuse. La sécurité a été augmentée avec des grillages, des barbelés… Il y a aussi la lassitude des chauffeurs, qui font moins attention qu’avant parce qu’ils sont depuis longtemps dans une situation insoutenable. C’est devenu beaucoup plus rare" estime la représentante d'Amnesty International.

Pour le président de Salam, cette rareté tient surtout à la baisse du trafic routier durant le covid-19. En parallèle, la baisse du trafic maritime a fait chuter le risque de collision avec un plus gros navire. Une combinaison de facteurs qui a effectivement poussé les exilés à se rabattre vers les embarcations de fortune. "Une fois que les gens sont sur l'eau, on ne peut pas toujours les arrêter, parce que les bateaux de sauvetage ne sont pas du même tonnage : ils risquent de les renverser et de provoquer des noyades. C'est la même chose avec les hélicoptères, qui créent des vagues. Les personnes qu'on peut tracter, c'est finalement plutôt celles qui sont dans des embarcations correctes. Dans leurs comptes, il manque sans doute 300 ou 400 personnes qui ont réussi à passer et se sont évanouies dans la nature."

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