Xavier Bertrand, député-maire Les Républicains de l'Aisne et ancien ministre de Nicolas Sarkozy, aura réussi le tour de force d'infliger à Marine Le Pen une défaite sur un territoire, le Nord-Pas-de-Calais/Picardie, qui était jusqu'ici un fief de gauche où la droite n'avait jamais vraiment réussi.
Dimanche soir, il a eu le triomphe modeste. "C'est pas ma victoire, c'est la victoire des gens du Nord et de la Picardie", a-t-il déclaré à Saint-Quentin.
Fort de ses sept points d'avance au premier tour sur le candidat PS Pierre de Saintignon, cet homme de terrain de 50 ans au physique râblé, qui incarne une droite populaire et provinciale, n'aura pas laissé d'autre choix à la gauche que de se rallier à lui sans condition pour empêcher la prise par le FN de cette région ouverte sur l'extérieur de par sa position géographique.
Comme la gauche, le maire de Saint-Quentin a pourtant pâti de l'implantation, jusqu'ici inexorable, du parti d'extrême droite (40,64% au premier tour pour Mme Le Pen) dans toute la région. Jusqu'au 6 décembre, il rame. Parti très tôt en campagne en juin , Xavier Bertrand a beau enchaîner plusieurs réunions quotidiennes, il stagne entre 24 et 26% et finira à 24,97% au 1er tour. "Il ne décolle pas", entend-on alors.
Au premier tour, cet adversaire déclaré de la gauche mène une campagne très à droite, réclamant "un ministère de l'Autorité" (fusionnant police et justice) et la présence de l'armée à Calais pour "protéger" la population autochtone. Patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis l'accuse de "courir derrière l'extrême droite", excluant pratiquement tout retrait éventuel en sa faveur dans l'entre-deux tours.
Pourfendant, dans le langage direct, presque familier, qui le caractérise, "la faillite" des "dirigeants socialistes" responsables à ses yeux de "la colère et la misère sociale", Xavier Bertrand fait campagne avec le slogan "Notre région au travail", censé dynamiser des territoires minés par le chômage. "Sécurité" et "proximité" complètent le triptyque. Son soutien sans faille aux mesures sécuritaires décidées par l'exécutif après les attentats de Paris du 13 novembre commencent à le rendre plus fréquentable par les socialistes.
"La seule alternative" à Mme Le Pen
Natif de la Marne, Xavier Bertrand a fait de l'Aisne son bastion politique, en étant élu conseiller municipal de Saint-Quentin (1989), puis conseiller général (1998) et député du département (2002). Il devient maire de Saint-Quentin en 2010. La fusion de la Picardie avec le Nord-Pas-de-Calais pourformer l'un des plus grands ensembles administratifs de France lui donne l'occasion de se montrer aux avant-postes de la reconquête voulue par la droite en 2017. Il a alors deux fers au feu: Xavier Bertrand est aussi candidat déclaré aux primaires de la droite, face notamment à Nicolas Sarkozy dont il a longtemps été proche et plusieurs fois le ministre (avec une prédilection pour les Affaires sociales et la Santé). Cette course-là "n'est plus ma priorité", répète-t-il désormais.
Ignorant M. de Saintignon, peu connu du grand publique, Xavier Bertrand se présente comme "la seule alternative" à Marine Le Pen, excluant catégoriquement de s'effacer derrière la gauche au soir du premier tour. Les sondages alimentent sa rhétorique. La première étape franchie, c'est un autre Xavier Bertrand, plus rassembleur, qui entre en scène pour le second tour: il annonce qu'il consultera les parlementaires (donc la gauche) sur les grands dossiers régionaux, salue le retrait "digne et responsable" de Pierre de Saintignon, s'affiche avec Jean-Louis Borloo, se présente comme "un gaulliste social" dans sa profession de foi.
Diplômé de droit public, Xavier Bertrand a exercé le métier d'assureur. Il est membre du bureau politique de l'UMP (dont il a été secrétaire général) puis des Républicains depuis 2004, année de sa première entrée au gouvernement. Franc-maçon déclaré, Xavier Bertrand est marié et père de trois enfants.