Le rejet par le Conseil d'Etat du recours de Noël Mamère, mercredi 1er juin, semble mettre un terme au feuilleton judiciaire de l'hippodrome de Compiègne, dans lequel Eric Woerth a été suspecté et attaqué devant les juridictions depuis six ans, en vain.
Cette fois, cela semble fini. Six ans après les révélations du Canard Enchaîné sur la vente suspecte de l'hippodrome et du golf de Compiègne (propriétés de l'Etat) à la Société des courses de Compiègne (SCS), "l'affaire" ne sera pas relancée devant le Conseil d'Etat. Le pourvoi (ultime) du député EELV Noël Mamère a été rejeté, mercredi 3 juin, par la haute juridiction administrative.
L'écologiste demandait l'annulation de la fameuse vente, considérant qu'il s'agissait d'un "excès de pouvoir" pour favoriser la SCS. Il faut savoir que son président, Antoine Gilibert, est un proche de Philippe Marini, le maire (LR) de Compiègne. Savoir aussi que la vente avait été actée sans appel d'offres, à un prix relativement faible (deux millions et demi d'euros), par le ministre du Budget Eric Woerth, dont l'épouse possède une écurie dans l'hippodrome.
"Si c'était à refaire, je le referais, a réagi Eric Woerth, cité par Le Parisien. J’autoriserais à nouveau cette vente. C’est bien que la Société des courses puisse disposer de ce terrain. L’Etat n’a pas à être propriétaire de biens qui ne sont pas nécessaires."
Le Conseil d'Etat a refusé de s'intéresser au pourvoi de Noël Mamère, considérant que "la seule qualité de parlementaire dont se prévalait M. Mamère ne lui conférait pas un intérêt lui donnant qualité à agir contre l’arrêté litigieux". Ce n'est pas la première fois - mais sans doute la dernière puisque toutes les voies judiciaires semblent avoir été essayées - que l'affaire est soit dégonflée soit balayée par la justice.
14 juillet 2010 : les révélations
C'est le Canard Enchaîné qui avait lancé l'affaire en révélant cette vente, effectuée le 6 mars 2010, par le ministre du budget, avant que celui-ci ne quitte ses fonctions. Une vente opérée de gré à gré, contre l'avis du ministère de l'agriculture. Le 20 juillet, Le Monde informe que le prix n'a pas été sous-évalué et que la vente de gré-à-gré est légale. Mais Le Canard poursuivra sa charge en apportant diverses informations complémentaires.
Des élus mènent la charge
Dans une lettre datée du 11 août, Corinne Lepage, présidente de Cap 21 (mouvement écologiste) et députée européenne, demande au procureur général près la Cour de cassation de saisir la Cour de Justice de la République, seule à même de juger les ministres, en l'occurrence le ministre du budget Eric Woerth. Le 2 septembre, c'est le député socialiste du Nord Christian Bataille qui fait savoir qu'il a saisi le procureur général de Paris. Le 25 septembre, Laurence Rossignol fait entendre ses suspicions dans une interview au Courrier Picard. le 18 novembre, Laurence Rossignol, Jean Glavany, Jean-Louis Bianco, Henri Emmanuelli et trois autres socialistes portent plainte contre X auprès du Procureur de la République de Compiègne. Une seconde plainte est déposée en décembre.
Eric Woerth ne lâche rien
Alors que les éléments s'accumulent et qu'une nouvelle plainte est déposée, cette fois par le syndicat national des forêts (ONF), Eric Woerth se défend. Comme depuis le jour des révélations, il nie tout comportement illégal et affirme que Matignon avait autorisé la cession du champ de courses de Compiègne. Le désormais ex-ministre du budget n'aura jamais de mots assez durs pour critiquer ceux qui l'attaquent, souvent des élus de l'opposition nationale - ou locale, pour Laurence Rossignol.
Six ans de procédures : un non-lieu et des rejets
En décembre 2010 est ouverte une instruction pénale, menée par la Cour de justice de la République. Elle débouchera sur un non lieu. Les contradicteurs d'Eric Woerth se tourneront alors vers la juridiction administrative, pour réclamer l'annulation de la vente. Mais à deux reprises, le tribunal administratif de Paris rejettera les recours. Avant que le Conseil d'Etat ne rejette à son tour le pourvoi de Noël Mamère.