Woerth, Maistre et Thibout à la barre : compte-rendu d'une passionnante journée au procès Bettencourt

Le député-maire UMP de Chantilly Eric Woerth était entendu devant le tribunal correctionnel de Bordeaux, mardi 10 février, jugé pour recel, dans le cadre du procès d'abus de faiblesse sur la milliardaire Liliane Bettencourt. Patrice de Maistre et Claire Thibout étaient également auditionnés.

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La tension est montée mardi au procès Bettencourt où le député UMP et maire de Chantilly (Oise) Eric Woerth a une nouvelle fois formellement démenti les accusations de l'ex-comptable de Liliane Bettencourt, Claire Thibout, qui maintient que le gestionnaire de fortune de la milliardaire a remis à l'ancien ministre des fonds en pleine campagne présidentielle 2007.

"Je n'ai pas reçu d'argent liquide" de Patrice de Maistre, ancien financier personnel de Mme Bettencourt, a martelé l'ex-ministre de Nicolas Sarkozy, lors de son audition devant le tribunal correctionnel de Bordeaux.

Loin des donations par centaines de millions examinées jusqu'à présent, le procès pour abus de faiblesse aux dépens de l'héritière de L'Oréal s'est concentré mardi sur une seule somme de 50.000 euros : l'enveloppe que M. Woerth, alors trésorier de campagne de M. Sarkozy, est soupçonné d'avoir reçue de M. de Maistre.

Eric Woerth, 59 ans, est poursuivi pour le "recel" dans ce volet de l'affaire. Quant à M. Sarkozy, mis en examen en 2013 dans ce dossier, il a depuis bénéficié d'un non-lieu. Le parquet avait également requis un non lieu pour M. Woerth, finalement renvoyé. "Peut-être qu'on avait épuisé le capital de non-lieu... ", a ironisé son avocat, Me Jean-Yves Le Borgne.

Un sujet de Mickaël Guiho. Intervenant : Maître Jean-Yves Le Borgne, Avocat d'Eric Woerth.


Une "chronologie étonnante ", selon le président du tribunal


Depuis le début de l'affaire Bettencourt, Claire Thibout assure que M. de Maistre lui a demandé de retirer 150.000 euros destinés à l'ex-ministre Eric Woerth. Et elle affirme ne lui en avoir donné que 50.000, faute de pouvoir effectuer un retrait plus important à la banque.

"Il y a une chronologie étonnante, une proximité de dates avec des remises d'argent...", a lancé le président du tribunal, Denis Roucou, à M. de Maistre, relevant une coïncidence entre sorties de liquidités, remises de fond et rendez-vous en pleine campagne présidentielle, entre les 17, 18 et 19 janvier 2007.

Pourquoi prenez-vous rendez-vous dans un café au petit déjeuner ? Fallait-il que ce soit discret ?..


"A partir de ces rapprochements de dates, Mme Thibout a construit quelque chose pour me nuire", s'est défendu M. de Maistre, dénonçant un "mensonge" et "une pure invention depuis le début". Il a expliqué : "J’ai rencontré M. Woerth car j’avais des idées sur les PME, un sujet qui me passionne. J’ai essayé de lui faire des contributions".

"Je sais ce que j'ai fait, je sais ce que je n'ai pas fait", a pour sa part rétorqué M. Woerth. "Je n'ai pas reçu d'argent liquide de M. de Maistre pour financer cette campagne ou quoi ce soit d'autre", a répété le député UMP après avoir entendu le témoignage de Mme Thibout.

Selon M. Woerth, ses rendez-vous avec M. de Maistre, membre du 1er cercle de donateurs de l'UMP, ont bien eu lieu mais visaient à discuter de donateurs potentiels et de son réseau.

"Je ne l'ai pas inventé"


Entendue durant 4h30 par visioconférence depuis le TGI de Paris, visiblement tendue mais combative, l'ex-comptable de 56 ans a pourtant maintenu intégralement ses accusations. Oui, M. de Maistre lui a réclamé 150.000 euros, et quand elle lui demanda pourquoi, il lui répondit : "C'est pour remettre à Eric Woerth, je dois le voir, c'est pour la campagne de Nicolas Sarkozy".

Selon elle, l'argent a ensuite été remis, le 18 janvier, dans une enveloppe à Liliane Bettencourt, qui l'a remise à son tour à Patrice de Maistre, lors d'un rendez-vous des trois protagonistes chez sa patronne. "Quelques jours plus tard, Patrice de Maistre m'a dit (...) : 'Ca sert d'avoir des comptes en Suisse'. J'ai compris qu'il avait récupéré le reste en Suisse", a poursuivi l'ex-comptable. "Il m'a dit cela, je ne l'ai pas inventé. Je m'en rappelle comme si c'était hier", a-t-elle souligné.

La preuve est impossible.


"La preuve est impossible, la preuve est totalement impossible", a convenu M. Woerth, à la fois calme et volubile. Mais lors de cette campagne "nous avons été chercher des dizaines de milliers de chèques" de financement licite, "ce n'était pas pour courir dans je ne sais quel café recevoir je ne sais quel argent" occulte.

Sur l'état de santé de la milliardaire qu'il dit avoir rencontrée trois fois en 2008 et 2009, après les faits qu'on lui reproche donc, M. Woerth raconte qu'elle avait "des moments de parfaite compréhension, mais avec ce mur infranchissable de la surdité, infranchissable pour moi en tout cas".

Une affaire tentaculaire


Dans un autre volet de l'affaire Bettencourt, pour "trafic d'influence" cette fois, MM. de Maistre et Woerth seront jugés du 23 au 25 mars à Bordeaux. Le premier est soupçonné d'avoir reçu la Légion d'honneur en échange d'un poste accordé à l'épouse de M. Woerth.

Mme Thibout a quant à elle été mise en examen fin 2014 pour faux témoignage par un juge parisien, à la suite de plaintes de M. de Maistre et de l'autre principal prévenu dans ce procès, François-Marie Banier. 

Aujourd'hui âgée de 92 ans et sous tutelle, la milliardaire est la grande absente du procès.

Reprise des débats ce mercredi à 9h30.
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