Avec la réserve parlementaire, votre député a-t-il été "radin", a-t-il été obsédé par les "grands travaux" ou a-t-il arrosé sa commune ? L'assemblée nationale a dévoilé l'utilisation par chaque élu des 90 millions d'euros laissés à leur disposition. Nous en avons fait un palmarès.
L'utilisation de la réserve parlementaire par les députés en 2014 a été rendue publique, jeudi 12 février, pour la deuxième fois seulement, prêtant le flanc aux accusations de clientélisme.
Chaque député bénéficie d'une ligne de crédit de 130.000 euros en moyenne (davantage en cas de responsabilités), dont il décide librement de la répartition. Certains la dédient à la commune dont ils sont maire, d'autres saupoudrent entre des dizaines de bénéficiaires.
Voici la manière dont les élus picards se distinguent.
Le député au plus gros porte-monnaie
Il a obtenu 161.153 euros au titre de la réserve parlementaire, alors que les députés français ont en moyenne obtenu 130.000 euros. Mais ce n’est rien par rapport au record en France : Gilles Carrez, député UMP du Val-Marne, a eu 550 000 euros.
Le député qui fait le plus d’heureux
Lucien Degauchy (UMP, Oise)
Il a distribué 100.000 euros à pas moins de 77 bénéficiaires, toutes des associations. La plus grosse somme est allée à Aid’Oise, 16.000 euros au titre du « fonctionnement ». Les Brigades Vertes (fonctionnement) ont obtenu 7.000 euros et 2.000 euros sont allés au Souvenir Français (fonctionnement toujours). 1.000 euros pour tous les autres.L’élu UMP a dépassé de peu un confrère, Jean-François Mancel (UMP, Oise). Celui-ci a distribué 106.664 euros à 68 bénéficiaires, dont une majorité d’associations, qui ont toutes reçu entre 1.000 et 3.000 euros.
Le député qui arrose sa commune
Le socialiste a été maire de Chambly depuis 1995. Il n’est plus aujourd’hui que conseiller municipal, mais cela ne l’empêche pas de soutenir encore sa commune avec sa réserve parlementaire. Et pas qu’un peu : 90.000 euros, sur les 130.000 qu’il a distribué au total entre 8 bénéficiaires. Il a en effet versé 45.000 euros à Chambly pour la « rénovation des trottoirs rue Rouzé » et 45.000 euros encore pour « l’amélioration de l’entrée de la ville, avenue de Verdun ». A cela, on peut ajouter 10.000 euros généreusement accordés au Chambly FC (club de foot) et 6.000 euros pour le Chambly Bad (club de badminton).
D’autres députés se défendaient pourtant bien dans cette catégorie. Stéphane Demilly, député-maire UDI d’Albert, a su remercier les habitants qui l’élisent depuis 1989 à la tête de la commune : sur ses 134.330 euros, près de 60.000 sont allés à sa ville (comptez 27 330 euros pour réfection des trottoirs d’Albert et 32 500 pour celle du monument aux Morts). Eric Woerth (UMP, Oise) n’était pas en reste avec 50.000 euros versés à Chantilly pour son « fonctionnement » et 10.000 autres pour le Jumping de Chantilly (toujours au titre du « fonctionnement »).
La députée typiquement verte
Elle a disposé de 116.500 euros, qu’elle a notamment utilisé pour soutenir Solidarité paysans Picardie, qui rend visite aux agriculteurs en difficulté ; mais aussi l’association Ekidina, avec la mise en place… de potagers libre-service à Amiens ! Mais la co-présidente du groupe EELV à l’Assemblée a également voulu attribuer 2.000 euros à l’Association de défense des riverains de l’Aérodrome d’Amiens Glisy, pour permettre l’installation d’une station de mesure de bruit. Soulignons enfin que l’Union nationale des Parachutistes de la Haute Somme a pu s’offrir un « drapeau personnalisé » grâce à une aide de 1.300 euros.
Le député big brother
Il est celui qui a distribué la plus grosse réserve parlementaire (36 communes et associations en ont profité), mais il se distingue aussi par l’utilisation de cet argent : 10.000 euros à la ville de Saint-Just-en-Chaussée pour « l’extension du réseau de vidéoprotection », 10.000 euros à Nesles pour installer un réseau de vidéosurveillance et encore 10.000 euros à Prévillers pour sécuriser la salle des fêtes de la commune.
Le député qui fait ce qu’il peut avec ce qu’il a
Il n’a disposé que de 96.000 euros. Le président d’Amiens Métropole en a donné plus d’un quart (25.000 euros) à la commune de Corbie, pour la construction d’un accueil de loisirs et d’un restaurant scolaire. Et il a réussi à attirer notre attention avec une simple dépense de 2.000 euros : un coup de pouce donné à la Fédération française de ballon au poing. Nous ne lui connaissions pas cette passion !
Le député des gros travaux
La plupart des députés ont utilisé une bonne partie de leur réserve parlementaire pour contribuer à la réalisation de grands chantiers. Mais un député picard s’est distingué dans cette catégorie : Patrice Carvahlo. Il n’a subventionné quasiment que des communes et les dépenses les plus importantes se ressemblent : 20.000 euros pour la construction de deux vestiaires au gymnase G. Dessart à Ressons-sur-Matz, 20.000 euros encore pour la réhabilitation de la salle des fêtes de Tracy-le-Val, 15.000 euros pour la mise aux normes des sanitaires de l’école maternelle de Beaulieu-les-Fontaines, et 13.408 euros envoyés à Guiscard, dédiés à la construction d’un… local pour les chasseurs.
L’élu UMP était suivi de près par le socialiste Jean-Louis Bricout (SRC, Aisne). Il a versé 122.975 euros au total pour 20 bénéficiaires, dont 30.000 à Commune de Bohain en Vermandois (réfection de la voie des Dames), 12.000 à Commune de Sorbais (construction d’une salle des associations) et 10.000 à Syndicat scolaire de Sains-Richaumont (construction d’un campus scolaire).
Le député qui semble avoir oublié les associations
Le maire de Saint-Quentin, candidat de la droite aux élections régionales et concurrent de Nicolas Sarkozy dans la course à la présidentielle 2017, a fait ce qu’il faut pour se placer sous le feu des projecteurs. Mais dans l’utilisation de la réserve parlementaire, il ne s’est distingué que d’une manière banale : les 144.997 euros qu’il a distribué l’ont été à 42 communes et aucune association. Principaux versements : 15.000 euros à Brissay Choigny (« enfouissement réseaux rues du centre village »), 12.000 à Maissemy (« 2e tranche des travaux enfouissement rue étangs / rue Félise »), 10.000 à Flavy le Martel (« travaux de réfection et sécurisation rue de la fontaine »), 10.000 à Francilly Selency (« mise en sécurité d’un bassin de rétention »).
Le député radin (?)
Jacques Krabal (RRDP, Aisne)
Le qualificatif n'est pas des plus sympathiques, admettons-le, puisque l'élu pourrait aussi bien passer, au contraire, pour un honnête politique, qui ne veut pas trop toucher à cette bizarrerie qu'est la réserve parlementaire. Le fait est que Jacques Krabal n'a pas réussi ou voulu réunir plus de 58.800 euros à distribuer. Cette somme, deux à trois fois inférieure aux autres, il a toutefois réussi à en faire profiter 39 bénéficiaires. La liste : Patrimoine Vivant, Festival Jean de Lafontaine, Comité des fêtes du muguet, Association sportive d’Etampes sur Marne,… et quantité de communes.Le député qui a ses chouchous
Le gagnant aurait pu être Michel Françaix, qui n'a fait que 8 heureux. Mais il a déjà remporté le prix du "député qui arrose sa commune". Alors nous mettons René Dosière à l'honneur. Il a distribué 150.000 euros entre seulement 14 bénéficiaires, dont 30.000 à organisme de gestion de la ferme de Moyembrie (affaires sociales) et 30.000 à Urcel (parking du foyer rural). Les autres heureux sélectionnés : à la fois des communes et des associations, avec plusieurs versements de 10.000 euros.
René Dosière est presque à égalité avec Patrice Carvahlo (GDR, Oise), qui a fait 14 heureux mais avec seulement 129.657 euros d’enveloppe globale.
Les deux hommes sont suivis de près par une ministre : Pascale Boistard, députée PS de la Somme jusqu’à l’été 2014. Elle a choisi un petit nombre de projets, mais avec de fortes sommes. Ses 130.000 euros de réserve parlementaire se sont répartis entre des communes et des associations sportives. Au top des bénéficiaires de la générosité de l’actuelle secrétaire d’Etat au Droit des femmes : la commune de Saint-Riqiuer (20.000 euros pour la salle évolutive sportive) et celle de Domqueur (transfert de la mairie dans l’ancien presbytère).
Les député(e)s qui... ne se distinguent pas vraiment
Marie-Françoise Bechtel (SRC, Aisne), Edouard Courtial (UMP, Oise) et Jean-Claude Buisine (SRC, Somme)La première a distribué 121.107 euros entre 25 bénéficiaires, mélange de communes et d’associations, pour des motifs divers. Les dépenses importantes de Marie-Françoise Bechtel : 27.445 euros à la commune de Jumencourt (« enfouissement des lignes aériennes »), 15.000 au Cercle Rossi 69, 11.200 à la commune de Sinceny (« rénovation de l’éclairage public »), 11.150 à la commune de Coucy-le-Château (« reconstruction du mur de soutènement du chemin de ronde sous l'église »), 10.000 à la commune de Blérancourt (« réalisation de la muséographie du Musée Saint-Just »).
Le second a dépensé 121.585 euros, répartis équitablement entre 46 communes et associations, pour des motifs divers. Ses subventions importantes : 19.000 euros à la commune de Catenoy (« mise en place de la vidéoprotection ») et 11.000 à Remecourt (« réfection de la route de Noroy »).
Enfin, le socialiste Jean-Claude Busine a consacré une bonne part de sa réserve parlementaire à des aires de jeu, des réhabilitations de salles communales, des restaurations d’églises, et son plus fort soutien est allé à l’assainissement collectif de la commune d’Allenay (17.250 euros). Sa dépense globale s'élève à 130.000 euros, tout rond, la moyenne française. Chapeau l'artiste.