Régionales 2021 Hauts-de-France : Xavier Bertrand, la revanche de "floc floc"

"Oui, je serai candidat", à l'élection présidentielle annonce Xavier Bertrand dans l'hebdomadaire "Le Point". Celui qui se veut le "représentant d’une droite sociale et populaire" aura d'abord à convaincre les électeurs de la région Hauts-de-France où il espère se succéder à lui-même.

Xavier Bertrand mieux placé qu’Emmanuel Macron pour battre Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle. Ce sondage, même lui, le président du conseil régional des Hauts-de-France, ne l’a vu arriver. Xavier Bertrand serait donc le candidat qui réussirait en 2022 le front républicain le plus large face à l’extrême-droite, capable de capter le plus grand nombre de voix à gauche. Celui qui se présente comme le "représentant d’une droite sociale et populaire" n’aurait donc pas déçu ces électeurs de gauche qui avaient massivement voté pour lui en 2015. Une information importante à moins de 80 jours des élections régionales.

Xavier Bertrand n’aime pas l’homme politique qu’il a été. Il ne s’en cache pas. Il n’est pas fier de toutes les contorsions qu’il a du faire pour se faufiler dans le monde impitoyable des partis et des ministères, y jouer des coudes et s’y maintenir. La mue intervient en 2015 et la campagne pour les élections régionales. Cette année-là, l’ancien ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy tombe la cravate et assume de se présenter enfin en vrai provincial débarrassé de son costume de politicien parisien.

Il ne veut plus de scènes, d’estrades, de podiums. Il fait meeting debout, au milieu des électeurs. Il arpente cette nouvelle grande région – le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie réunis – et prend conscience des difficultés quotidiennes de ses habitants. Il prend conscience qu’il s’est déconnecté. La campagne contre Marine Le Pen est dure. "Je l’ai pris comme un coup de poing en pleine figure, dira-t-il sur France 2, juste après son élection. Cette campagne a changé à jamais ma façon de faire de la politique." A l’époque, on ne le croit pas. Les journalistes ont appris à se méfier des déclarations de cet élu de l’Aisne qui – même quatre fois ministre - sur-joue régulièrement la modestie.

Mais cette fois, c’est vrai. C’est la rupture. Le 14 décembre 2015, au lendemain de sa victoire, Xavier Bertrand annonce renoncer finalement à la Primaire de la Droite en vue des élections présidentielles de 2017, pour laquelle il s’était pourtant beaucoup investi. "Depuis ces trente dernières années, reconnait-il, il y a bien une faillite collective, et j’ai fait partie de cette classe politique. Si je réussis à faire mes preuves à la tête de cette région, alors oui, les gens pourront peut-être se dire que je mérite mieux que les politiciens parisiens. Je ne supporte plus la politique nationale."

Entre les deux tours de l’élection régionale de 2015, Xavier Bertrand refuse même de voir l’état-major de son parti - Les Républicains - débarquer dans le Nord pour le soutenir face à Marine Le Pen. Il a besoin des voix de gauche. Il n’a pas besoin de Nicolas Sarkozy qui vient de déclarer que "voter PS ou voter FN, c’est la même chose." Xavier Bertrand explose : "Mais qu’ils se taisent bon sang !"

Du mépris à mon égard

Sacré changement. Trois ans plus tôt, durant la campagne des élections législatives de 2012, dans la deuxième circonscription de l’Aisne et alors que son siège était sévèrement menacé, le candidat Bertrand n’hésitait pas à s’appuyer sur son expérience d’ancien ministre, sur le bilan de l’ère Sarkozy, sur ses réseaux parisiens et médiatiques qu’il promettait alors de mettre au service de son territoire.

"J’ai changé, je suis davantage moi-même que je ne l’ai jamais été" répète le nouveau patron des Hauts-de France. Et donc logiquement, en 2017, Xavier Bertrand quitte Les Républicains. Il ne croit plus aux partis politiques qui viennent de se fracasser sur l’élection présidentielle. Il n’a pas aimé voir les gaullistes hésiter à voter Macron pour faire barrage à Le Pen. Il dit ne plus reconnaitre sa famille politique. Désormais, Xavier Bertrand va rouler pour Xavier Bertrand.

C’est l’heure de la revanche. Et ça va saigner.

Car l’ancien ministre en a bavé. "Le système ne m’a jamais accepté. J’ai toujours senti une forme de mépris à mon égard de la part de beaucoup de ténors politiques" confiait-il un jour au journal « Le Monde », non sans amertume. Et ces ténors, désormais, vont souffrir si Xavier Bertrand réussit sa réélection dans les Hauts-de-France et à s’imposer comme le meilleur candidat à droite pour 2022. Finies les moqueries. Le p’tit gros. Le petit assureur de Saint-Quentin. Le beauf. Le plouc de l’Aisne. Floc-floc.

C’est le journaliste Karl Zéro qui raconte cette histoire pleine de morgue et de méchanceté. Xavier Bertrand est député. Il porte aux pieds des « Méphisto » (ce qu’il niera) qui font « floc floc floc » quand il marche. Et donc, parait-il, des gens dans les couloirs rigolaient : "ah là là, voilà le bouseux qui arrive !" D’où le surnom.

"Je ne suis pas du sérail, je ne fais pas partie de l’aristocratie politique, je ne rentre pas vraiment dans les cases, je n’étais pas attendu dans le paysage, je ne viens pas de l’ENA, de Sciences-Po et des cabinets ministériels" énumère Xavier Bertrand. Il n’est pourtant pas sans bagage : maitrise en droit public à l’université de Reims, puis DESS en administrations locales. Il a surtout une qualité : il a le cuir dur. Il encaisse.

Passion dévorante

C’est un autre mal-aimé – Jacques Chirac – qui va décider le futur « Floc-Floc » à entrer en politique.  Il a 16 ans. On est en 1981 et le président du RPR ne fera que 18% au premier tour de l’élection présidentielle, largement distancé par Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand. Mais peu importe. Le jeune adolescent est enthousiasmé par l’énergie déployée par Jacques Chirac. Il prend sa carte au RPR.

La machine est lancée, la passion dévorante. Assistant parlementaire en 1987. Conseiller municipal d’opposition à Saint-Quentin en 1989 puis adjoint au maire six ans plus tard. Conseiller général de l’Aisne en 1998. Député en 2002. Secrétaire d’Etat chargé de l’Assurance Maladie en 2004. Ministre de la santé en 2005. Ministre du travail en 2007. Secrétaire général de l’UMP en 2008. A nouveau Ministre du travail en 2010. Maire de Saint-Quentin la même année puis président de l’agglomération en 2014. Et président de région en 2015.

A 56 ans – il est né le jour du Printemps – Xavier Bertrand a tout sacrifié à la politique. Quatre enfants issus de trois mariages. Peu de place pour la famille. Trop de responsabilités. Mais Xavier Bertrand veille jalousement sur le peu de vie personnelle qui lui reste. Il ne se livre jamais. Un jour de braderie, à Lille, il demande à une équipe de télévision d’arrêter de tourner parce qu’il est accompagné de ses jumeaux. Pas d’incursion dans son intimité. A peine a-t-on de lui et sa nouvelle compagne une photo volée au stade Pierre-Mauroy de Lille pendant l’Euro 2016.

Xavier Bertrand a donc changé. Il semble aujourd’hui totalement décomplexé. Il semble même plutôt fier de son côté « sale môme », prêt à faire le coup de poing dans la cour de récré, insolent et rebelle. Car finalement, il aime en découdre. En 2010, sur le plateau de Public Sénat il pulvérise un journaliste de presse écrite mal préparé au débat télévisé. C’est féroce.

©FTV

Regardez cette séquence tournée lors d’une commémoration dans l’Aisne en 2020 où il brave le président de la République en étant le seul à garder son masque, alors que les services de l’Elysée ont expressément demandé à tous les invités de ne pas mettre le leur. Une bravade et un énorme coup de com repris par toutes les chaines pour le prix d’un masque chirurgical : 40 centimes d’euro. C’est malin.

L’ancienne ministre de la Justice Rachida Dati a eu cette phrase à propos de Xavier Bertrand : « c’est celui qui a le plus faim. » Les entrées en juin 2021. Plat et dessert en mai 2022.

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