"Je n'ai jamais rien vu", a affirmé Pierre-Marie Cottrez, soumis vendredi à un feu nourri de questions de la cour d'assises du Nord, à propos des années durant lesquelles sa femme Dominique a tué huit bébés avant de les entreposer dans le secret.
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Comment M. Cottrez a-t-il pu passer à côté des huit grossesses de sa femme, à partir de 1989 jusqu'au début des années 2000? Comment a-t-il pu ignorer les bébés entreposés à deux mètres du lit, dans la garde-robe ou dans le garage ? Les questions de la cour ont eu beau accabler Pierre-Marie Cottrez, celui-ci a toujours assumé, presque candidement vendredi à l'audience, le désintérêt pour la vie du foyer, qui, à défaut d'être la cause des assassinats découverts en juillet 2010, apparaissait comme leur condition sine qua non.
"Le coup de foudre". Telle est l'expression lancée avec empressement par l'époux Cottrez quand il évoque sa rencontre, en mai 1983, avec Dominique, avec qui il vit toujours aujourd'hui, après les deux ans de détention provisoire de l'accusée. Il raconte pour autant ses longues absences du foyer familial, à Villers-au-Tertre (Nord), lui qui était souvent pris par ses déplacements professionnels de menuisier, mais aussi sa passion pour la pêche et les verres entre amis. "Dans la maison, c'était elle qui s'occupait des enfants. On se voyait très peu, le soir. C'était une femme qui faisait tout", repas, ménage, enfants, gestion des comptes, se félicite-t-il presque, campé sur ses longues jambes filiformes, interminables. Comme Mme Cottrez, l'époux est d'un tempérament taiseux, du genre à ne pas se poser trop de questions, et, à l'audience, à dire tout et son contraire en l'espace de trente secondes. "Comment vous pouvez dire ça, puis ça, pourquoi avez-vous inventé ça?" gronde la présidente, Anne Segond, au cours d'un interrogatoire musclé. "Il n'y en a pas eu quarante, de grossesses - en ce qui vous concerne en tout cas - c'est pas très compliqué de se souvenir."
"Sa façon de m'aimer..."
"Elle vous intéresse votre femme en tant que personne, à part le fait qu'elle vous prépare le café, la gamelle?" demande la juge. "Oui, oui", assure M.Cottrez. "Vous vous intéressez à la gestion de la contraception de votre femme?" repart à l'assaut la présidente, en référence aux affirmations de l'intéressé, qui ne se serait pas rendu compte que sa femme avait arrêté la pilule. "Non, franchement non." M. Cottrez clame haut et fort que jamais il n'a eu l'ombre d'un doute sur les grossesses clandestines de sa femme, et ce qui s'en est suivi. "J'ai jamais rien vu."L'instruction lui aura à cet égard donné raison, des experts rendant crédible cette ignorance par un désinvestissement mental patent, permettant à M.Cottrez de se constituer partie civile. "Mme Cottrez, elle travaillait, elle avait des collègues, une vie sociale, des filles, (M. Cottrez) n'était pas le seul con dans cette affaire", s'emporte son avocat à l'audience, Me Pierre-Jean Gribouva, pour rappeler que l'ignorance était généralisée. M. Cottrez a-t-il rendu sa femme heureuse? lui demande Me Rodolphe Costantino, avocat d'Enfance et partage. "Oui, en étant à ses côtés." "Vous aviez l'impression d'être à ses côtés?" s'exclame, incrédule, l'avocat. "Peut-être que j'étais pas trop près d'elle." Mme Cottrez, vêtue du même long gilet gris que la veille, souffle finalement: "Il m'aimait oui, c'est sûr qu'il m'aimait, mais sa façon de m'aimer... Je ne sais pas."
M. Cottrez a beau clamer son amour en la regardant, confier en pleurs que toute cette affaire lui "a fait mal aux tripes", elle, l'accusée, se tient sur sa chaise détournée de lui.