Prostitution : la pénalisation des clients enfin votée après plus de deux ans de bataille

La France a rejoint mercredi le camp des pays européens sanctionnant les clients de prostituées, avec l'adoption définitive par le Parlement de la proposition de loi PS renforçant la lutte contre la prostitution, au terme de deux ans et demi de vifs débats.

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A l'issue d'un ultime vote de l'Assemblée, la violation de l'interdiction de l'achat d'actes sexuels pourra valoir au client une contravention de 1.500 euros (jusqu'à 3.500 euros en cas de récidive) et un stage de sensibilisation aux conditions de la prostitution. Le délit de racolage passif, institué en 2003 par le ministre de l'Intérieur d'alors, Nicolas Sarkozy, est également supprimé.

Le texte prévoit aussi la création d'un parcours de sortie de la prostitution avec des mesures d'accompagnement social ainsi qu'un titre de séjour de six mois pour les prostituées étrangères engagées dans ce parcours. Un fonds sera abondé à cette fin à hauteur de 4,8 millions d'euros par an. Tout au long de son parcours, ce texte a divisé sur presque tous les bancs.

Signe de cet embarras ? Seuls 87 députés ont pris part au vote final (64 pour, 12 contre et 11 abstentions). Si les députés PS et Front de gauche le soutenaient dans l'ensemble, c'est l'abstention qui dominait chez Les Républicains alors que l'UDI avait laissé la liberté de vote. Une majorité des radicaux de gauche et des écologistes étaient défavorables au texte. Il s'agissait du quatrième et dernier passage de cette proposition de loi devant
l'Assemblée. Le Sénat avait auparavant à chaque fois rejeté ce texte, mais les députés avaient le dernier mot.

La France devient ainsi le cinquième pays européen à pénaliser les clients de prostituées, après la Suède, pionnière dès 1999, la Norvège, l'Islande et le Royaume Uni. L'auteure de la proposition, la députée PS Maud Olivier, espère que l'exemple français influencera ses voisins, comme l'Espagne, l'Allemagne et la Belgique, où les maisons closes ont pignon sur rue. "Cette proposition va faire augmenter la prostitution dans les pays frontaliers ? Qu'ils changent leurs lois ! On réduit la traite en tarissant la demande", a-t-elle plaidé.

On compte entre 30 000 et 40 000 prostituées en France, selon les estimations officielles, dont 80% sont d'origine étrangère et le plus souvent victimes de réseaux de proxénétisme et de traite. Le Premier ministre Manuel Valls a salué sur Twitter "une avancée majeure pour le respect de la personne humaine, pour les droits des femmes".



Des ministres comme Najat Vallaud-Belkacem ou Marisol Touraine ont aussi exprimé leur satisfaction. Vantant "une étape fondatrice", les trois députés ayant porté ce texte, les PS Maud Olivier, Catherine Coutelle, le LR Guy Geoffroy ont estimé notamment que "l'opinion a changé de regard sur la prostitution" au fil de ce "débat de société sensible".

Nos journalistes Florence Mabille et Bruno Espalieu sont allés à la rencontre des associations lilloises. Notamment Le Nid, qui lutte contre la prostitution. Son président, Bernard Lemettre, parle d'une avancée majeure pour les femmes.

La prostitution poussée vers la clandestinité ?

Avec ce vote, "la France affirme avec force que l'achat d'actes sexuels est une exploitation du corps et une violence faite aux femmes", a lancé dans l'hémicycle Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes. "Non la prostitution n'est pas le plus vieux métier du
monde, c'est la plus vieille domination subie par la femme
", a renchéri la communiste Marie-George Buffet.

Plusieurs associations abolitionnistes, comme le Mouvement du Nid, féministes comme Osez le féminisme, ou le Haut conseil pour l'égalité hommes/femmes, ont salué une "étape historique" dans la "conquête des droits des femmes". Pour ses détracteurs, dont des associations comme Act-Up ou Médecins du Monde, pénaliser les clients va pousser ces derniers à beaucoup plus se cacher et les prostituées à s'isoler davantage encore, multipliant les risques d'agressions et de rapports à risque.

Des associations de prostituées défendent leur activité comme volontaire et s'inquiètent d'une perte de revenus. Une soixantaine de travailleurs(euses) du sexe, en grande majorité originaires d'Amérique latine et de Chine, ont manifesté près de l'Assemblée mercredi derrière une banderole clamant: "putes aux poings levés contre la pénalisation des clients".

Leur position a été relayée par l'écologiste Sergio Coronado dans l'hémicycle : "Vous faites la confusion permanente entre esclavage, prostitution
et traite. Ce consentement des prostituées est pour vous dans tous les cas une négation de leur libre arbitre. Dans ce cas, interdisez la prostitution !
"
De leur côté, syndicats de policiers et de magistrats n'ont pas caché leur scepticisme sur l'application de la nouvelle infraction quand il s'agira d'interpeller le client. 
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