Régionales 2021 Hauts-de-France : Eric Pecqueur, hello L.O.

Ouvrier de 54 ans, travailleur depuis vingt ans dans l’atelier d’assemblage de l’usine Toyota d’Onnaing près de Valenciennes, Eric Pecqueur était déjà tête de liste Lutte Ouvrière pour les élections régionales de 2015 dans les Hauts-de-France. Il rempile cette année.

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C’était le 30 mars 1998. Ce jour-là, était prévue une minute de silence dans l’hémicycle du Conseil Régional du Nord-Pas de Calais pour rendre hommage à Maurice Schumann. Un monument. Conseiller régional RPR, sénateur du Nord, ancien ministre, académicien. Mais surtout, Maurice Schumann – décédé un mois auparavant – était « la voix de la France » sur Radio-Londres entre 1940 et 1944, porte-parole de La France Libre, avant de participer au Débarquement en Normandie.

Ce 30 mars, tous les élus se lèvent respectueusement… sauf les sept conseillers régionaux Lutte Ouvrière qui ignorent ostensiblement l’hommage fait au grand homme. Le malaise est énorme. On pouvait penser que l’engagement de Maurice Schumann contre le nazisme aurait pu susciter le respect de militants antifascistes. Mais non, ils expliqueront leur attitude en dénonçant "un ministre colonialiste et impérialiste". Fermer le ban.

"Ils ont eu raison". Deux décennies plus tard, la tête de liste LO aux élections régionales dans les Hauts-de-France, Eric Pecqueur, campe sur la même position que ses aînés. "Maurice Schumann était un représentant de la bourgeoisie, comme de Gaulle servait la politique de la bourgeoisie". Décidément, ces militants d’extrême-gauche ne font pas de la politique comme les autres. Ils sont sans concession. D’un bloc.

La bête noire de Toyota

Eric Pecqueur n’a pourtant rien d’un excité. Cet ouvrier de 54 ans, qui travaille depuis vingt ans dans l’atelier d’assemblage de l’usine Toyota d’Onnaing, près de Valenciennes, apparaît plutôt comme un homme posé et courtois. Aimable. Disponible. Bavard. Souriant. Heureux en famille : pas d’enfant à lui mais deux fois grand-père grâce aux enfants de sa compagne.

Mais lui aussi est sans concession : faire entendre le camp des travailleurs, dénoncer la loi du marché et les capitalistes, redistribuer les milliards volés par les actionnaires, exproprier les grands patrons, interdire les licenciements… etc. Bref, son discours est le discours classique et inamovible de Lutte Ouvrière. Revigoré cette année par la crise sanitaire.

"Cette crise permet aux multinationales de la pharmacie de faire d’énormes profits sur les vaccins, en se gardant bien de développer de nouvelles usines pour mieux organiser la pénurie, dénoncent Eric Pecqueur. Et elle sert les patrons qui utilisent la Covid pour mettre plus de pression sur les travailleurs, au mépris de leur santé".

Eric Pecqueur est délégué CGT dans son usine automobile. En avril 2020, pendant le premier confinement, il avait bataillé dur contre Toyota qui voulait être le premier constructeur en France à redémarrer ses chaines de montage. La marque japonaise voulait absolument produire les 35 000 Yaris commandées et attendues par les clients. Eric Pecqueur avait alors parlé "d’une bombe à virus prête à exploser".

Un an plus tard, il estime avoir eu raison. "Aujourd’hui, on produit à fond les manettes, affirme-t-il. Résultat : on a une vingtaine d’ouvriers positifs au Covid. Et j’ai sous les yeux les chiffres des trois derniers jours : 93 salariés suspectés positifs ou cas-contact !"

Autant dire que le nom d’Eric Pecqueur n’est pas en odeur de sainteté dans les bureaux de la direction de Toyota-Valenciennes. Il a failli être débarqué à plusieurs reprises. En 2014, en compagnie de sa collègue Edith Weisshaupt – tête de liste LO dans le département du Nord – il est convoqué pour un entretien préalable à un éventuel licenciement. "Une affaire parmi d’autres, dit-il. Je ne me souviens même plus du motif". Rebelote en 2017. Cette fois, il est accusé d’avoir eu des "propos discourtois" à l’encontre d’un agent de maitrise. Une plainte est déposée pour diffamation et Eric Pecqueur se retrouve convoqué à la gendarmerie de Valenciennes. Le 26 octobre au matin, une cinquantaine de cégétistes se rassemblent devant la caserne pour soutenir leur camarade. L’affaire s’arrêtera là. Eric Pecqueur est toujours en poste.

Né communiste

"Je suis un militant ouvrier, communiste", dit-il avec fierté. C’est dans son sang. Il est de Waziers et ça veut dire quelque chose. Depuis un siècle, cette petite cité minière du Douaisis était communiste… jusqu’aux élections municipales de 2020 qui a vu la victoire d’un jeune chef d’entreprise. L’exploitation du charbon y avait commencé dès la moitié du XIXème. Et c’est de Waziers que le ministre communiste Maurice Thorez avait lancé son appel, en 1945, pour augmenter la production de charbon et relancer l’économie du pays, ruinée par la guerre. "Produire, c’est votre devoir de français !" Les deux grands-pères d’Eric Pecqueur étaient mineurs de fond, dont un militant communiste. Son père était un syndicaliste CGT du bâtiment.

"Pendant longtemps, j’ai été bon élève sans avoir besoin de travailler. Hélas. Du coup, je n’ai pas bossé le moment venu. J’ai foiré mes études. Et comme il n’y avait qu’un salaire modeste à la maison, j’ai dû trouver un travail. Ouvrier".

Eric Pecqueur, tête de liste Lutte Ouvrière pour les régionales 2021 dans les Hauts-de-France

Dès les premiers souvenirs, la politique, déjà. "J’étais au collège et au lycée à Waziers et j’avais plein de copains qui étaient fils de militants communistes et socialistes, dit-il. Même petits, on discutait politique. Les militants Lutte Ouvrière, je les ai rencontrés au lycée ; ils m’ont aidé à comprendre ma révolte, à comprendre tous les combats de mes grands-parents". Eric Pecqueur n’a depuis plus quitté le parti trotskiste.

"Pendant longtemps, j’ai été bon élève sans avoir besoin de travailler. Hélas. Du coup, je n’ai pas bossé le moment venu. J’ai foiré mes études. Et comme il n’y avait qu’un salaire modeste à la maison, j’ai dû trouver un travail. Ouvrier". Et militant. Et candidat.

Conseiller municipal à Orchies

Car les élections auxquelles il a participé, Eric Pecqueur ne les compte plus. Municipales. Régionales. Législatives. Européennes. 0,78% aux européennes de 2019. 0,94% aux législatives de 2017 dans la 17ème circonscription du Nord. 1,75% et 1,44% aux régionales de 2015 et 2010. Mais peu importe les scores, mêmes très modestes. LO pense que les élections ne changent pas la vie des gens et prône plutôt le rapport de force qu’imposera la classe ouvrière pour s’emparer du pouvoir. Le grand soir.

Il y a parfois tout de même quelques bonnes surprises. Comme en 1998 aux élections régionales en Nord-Pas de Calais où la liste Lutte Ouvrière passe la barre des 5%, ce qui permettait à l’époque d’avoir des élus. Comme en 2008 aux élections municipales à Orchies où Eric Pecqueur obtient 7,69% des suffrages et entre dans un conseil dirigé par un maire PS. Dans l’opposition… vous imaginez bien. Il n’est pas réélu en 2014.

Eric Pecqueur - porte-parole régional de LO et cadre influent du parti - repart donc au combat en 2021. A gauche toute. La "vraie" gauche, pas comme "l’autre" qui réunit derrière Karima Delli les écologistes, les socialistes, les insoumis et les communistes. "La gauche gouvernementale, comme la désigne Eric Pecqueur, qui a appelé à voter Xavier Bertrand en 2015, qui sert les mêmes intérêts et les mêmes mensonges que la droite et l’extrême-droite. Leur problème, à tous ces partis, du PCF au RN, c’est comment inciter les patrons à gagner des millions supplémentaires".

Même le PCF ? Vraiment ? Du tac au tac, Eric Pecqueur vous rappelle que c’est bien un ministre communiste du gouvernement Mauroy, Jack Ralite, qui a créé le forfait hospitalier en 1983. D’autres questions ?

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