Des campagnes humoristiques aux conférences plus sérieuses, la société civile se mobilise en Nord Pas-de-Calais Picardie à deux semaines des régionales des 6 et 13 décembre pour tenter de barrer la voie au Front national et sa chef de file Marine Le Pen. Mais les initiatives restent discrètes.
"Alcooliques, chômeurs, consanguins, mais pas lepenistes" : en détournant une banderole brandie par des supporteurs du PSG lors d'un match face à Lens en 2008 ("Pédophiles, chômeurs, consanguins: bienvenue chez les Ch'tis"), le collectif des "Chicons en colère" qui ne se réclame d'aucun parti politique, utilise l'autodérision pour "mobiliser la population".Au départ, une simple page Facebook créée fin septembre. Trois mois plus tard, elle rassemble plus de 17.000 "fans". De quoi alimenter la distribution d'autocollants et d'affiches collés un peu partout dans la région, qu'ils ont financée. A l'origine du mouvement, "une bande de potes" qui souhaite rester anonyme: "On avait envie de rire de quelque chose qui nous inquiète vraiment, on ne voulait pas se réveiller le 14 décembre avec Le Pen en tête et dire qu'on n'a rien fait", explique un membre du collectif à l'AFP.
"Jupi (Jupiler, bière populaire, ndlr) partout, Le Pen nulle part", "Allumez le feu, éteignez la flamme" ou encore "Marine Le Pen n'aime pas les welsh welsh": sur leur page Facebook, les Chicons en colère déclinent leur message anti-FN en jouant des codes de la culture nordiste.
"Déconstruire" le discours du FN
Parallèlement à ce type de campagne en mode humour, une association comme la Ligue des droits de l'Homme (LDH) s'active à l'approche du premier tour (6 décembre) pour "déconstruire" le discours du "F-Haine". "Nous cherchons à démasquer le FN en rappelant qu'il s'agit bien d'un parti d'extrême droite au passé trouble. On rassure aussi les gens car souvent" il parle de sujets qui "ne sont pas dans les compétences de la région, comme sur l'immigration", explique Olivier Spinelli, délégué régional de la LDH Picardie.L'antenne picarde organise, à l'instar de celle du Nord-Pas-de-Calais, en moyenne une conférence-débat par semaine pour sensibiliser les citoyens et dénoncer "le discours populiste qui évolue en fonction de ses publics", poursuit son homologue du Nord-Pas-de-Calais Georges Voix. Des personnalités prennent également position publiquement contre le FN, comme Bruno Bonduelle, figure historique du patronat du Nord et ex-PDG du groupe agro-alimentaire éponyme, qui a mis en garde contre "le repli sur soi" dans une tribune au mensuel économique régional Eco 121.
Pour Jean-Claude Casadesus, le directeur de l'Orchestre national de Lille, une victoire du FN serait "très triste". "Le FN n'a pas de programme sinon de supprimer toute initiative sociale ou humanitaire, ce sont des démagogues absolus", a-t-il expliqué au JDD.
Mais à deux semaines des élections, ces initiatives restent marginales, constate Pierre Mathiot, professeur de science politique à Lille. Il explique cette absence de mobilisation par "un faible intérêt de la population pour les élections régionales", mais aussi par "la négation de la menace, la banalisation du FN et la prudence" dictée par un souci de préserver "des intérêts personnels", notamment dans le monde associatif et économique. Selon lui, si "sursaut citoyen il y a", il se produira entre les deux tours et sera donc "tardif, limité et élitiste", ce qui risque d'être utilisé par le Front National qui reprendra l'argument "du peuple contre les puissants".