La ferme des mille vaches de Buigny-Saint-Maclou dans la Somme cessera sa production de lait au 1er janvier 2021, annonce le 4 décembre la communication de l'établissement. Décriée depuis sa mise en place en 2011 par l'association Novissen, celle-ci est aujourd'hui satisfaite de la nouvelle.
La ferme des mille vaches ne produira plus de lait au 1er janvier 2021. La nouvelle annoncée par la communication de la structure, basée à Buigny-Saint-Maclou près d'Abbeville dans la Somme, pourrait mettre un terme à une polémique vieille d'une dizaine d'années.
Opposante historique à ce qu'elle qualifie de "ferme-usine", l'association locale Novissen se satisfait de la nouvelle. "Elle ne nous étonne pas. On savait depuis le début que ce n'était pas viable, déclare Francis Chastanier, porte-parole de Novissen, créée en novembre 2011 et qui compte aujourd'hui plusieurs milliers d'adhérents.
C'est une satisfaction, dans le sens que le mode de production ne nous plaisait pas. Il nous faut réfléchir d'avantage au respect du bien-être animal. On est surpris que la ferme ait tenu aussi longtemps.
Se concentrer sur d'autres cultures
La fermde Drucat, qui compte actuellement 20 salariés, n'a pas souhaité s'exprimer par communiqué. Véronique Retaux, responsable de la communication de l'entreprise, estime cependant que "le modèle était viable à mille vaches, mais nous n'avons pas pu l'exploiter en raison des oppositions et des actions juridiques (voir en fin d'article)." Elle ajoute que leur collecteur de lait, une coopérative belge, souhaite se recentrer à présent sur le lait produit en Belgique.La ferme va mettre fin à son activité laitière progessivement. Pendant quinze jours, ses employés vont procéder au tarissement des 800 vaches de l'exploitation. Cette opération consiste à les alimenter différemment pour qu'elles produisent moins de lait. Ce lait, impropre à la consommation humaine, sera donné aux veaux et génisses. Une partie des vaches seront ensuite vendues, les autres iront à l'abattoir.Tout ce contexte n'offre pas la nécessaire visibilité à moyen terme. L'activité sera réorientée vers les cultures comme le blé, la betterave, les pommes de terre et les cultures fouragères
L'annonce de cet arrêt de production est "regrettable" pour le syndicat agricole FDESA 80. Dans un communiqué, il estime que la ferme des mille vaches "s’apparentait au final à une ferme « comme les autres, mais 15 fois plus grande ». Dès lors, elle a subi 15 fois plus de pressions, 15 fois plus de difficultés à fonctionner, 15 fois plus de difficulté à commercialiser ses produits." Même sentiment du côté des Jeunes Agriculteurs de la Somme : "cette décision de l’arrêt de l’activité laitière de la ferme dite des Mille Vaches nous contrarie car elle montre que des démarches administratives et de (nombreux) recours juridiques peuvent empêcher des projets d’atteindre leur potentiel économique et donc leur viabilité", indiquent-ils dans un communiqué.
Une controverse vieille de dix ans
L'exploitation de 1000 vaches et l'installation d'un pôle de méthanisation sont décriées avant même que les bâtiments ne soient inaugurés, en 2014. Le projet est déposé début 2011 et dès l'automne, l’enquête d’utilité publique préalable à sa construction révèle une forte opposition des habitants. Le commissaire-enquêteur rend néanmoins un avis favorable 4 novembre et le conseil municipal de Buigny-Saint-Maclou vote pour le projet à une voix de majorité. C'est à cette époque que naît Novissen.Le 1er février 2013, le préfet de région Jean-François Cordet signe un arrêté autorisant un projet limité à 500 vaches. Limitation motivée par les capacités d’épandage trop faibles, arrêté dénoncé par Novissen qui dépose un recours auprès du tribunal administratif. Le permis de construire est accordé le 14 mars 2013
Les actions "coup de poing" émaillent l'installation de la ferme. Le chantier est saccagé dans la nuit du 11 au 12 septembre 2013 par des membres de la Confédération Paysanne, puis une quarantaine de militants démontent en mai la salle de traite de la future ferme des 1000 vaches pour déposer l'ensemble au ministère de l'Agriculture à Paris. Quatre personnes sont interpellées.
Le site accueille ses premières vaches en septembre 2014 et demande à la préfecture quelques mois plus tard d'étendre leur cheptel à 880 vaches. Après une injonction à revenir à leur limite de 500 bêtes, la préfète de la Somme Nicole Klein requiert en août 2015 une sanction administrative de 7800 euros d'amende et 780 euros d'astreintes journalières. Ces astreintes sont supendues par l'exploitant, qui obtient gain de cause auprès du tribunal administratif en janvier 2016.
À l'appel de Nicolas Hulot alors ministre, la cour administrative de Douai condamne l’exploitant en août 2018 pour avoir dépassé le nombre de vaches autorisé (300 vaches en trop, constat lors d’un contrôle en 2015). Le 22 novembre 2019, l'entreprise, qui s'estimait victime des lenteurs du dossier, avait demandé 33 millions d’Euros à l’Etat auprès du tribunal administratif d'Amiens. Il semble que ce marais juridique soit à l'origine de l'arrêt de l'activité laitière de la ferme.