À Bézencourt dans la Somme se trouve l'un des plus petits musées de France. 9 mètres carrés où les souvenirs entreposés rappellent la bataille des 6 et 7 juin 1940. Ici, 90 soldats du 67ᵉ bataillon des chasseurs alpin ont perdu la vie au combat. (Première publication le 10/07/2021)
La visite sera courte, mais chargée d'histoire. Dans le musée des chasseurs alpins de Bézencourt dans la Somme, Thibaud et Véronique du Passage nous présentent ce lieu atypique. "Nous avons la prétention de croire que c'est le plus petit musée de France puisqu'il fait un peu plus de 9m² ", sourit le président de l'amicale du souvenir de la bataille de Bézencourt.
Un hommage aux soldats du 67ᵉ bataillon des chasseurs alpins morts au combat lors de la bataille des 6 et 7 juin 1940. Ce mois-là, la Wehrmacht franchit la Somme et fonce plein sud vers Paris. Les chasseurs alpins débarquent en urgence à Dieppe, en provenance de Narvik en Norvège, où ils ont participé à la victoire contre l'armée allemande sur la route du fer. Revenu en France, le bataillon est envoyé sur le front du Liger, une rivière de la Somme. Le Liger résiste héroïquement pendant deux jours face aux blindés et à l’artillerie allemande avec l’ordre de tenir sur place.
"Ici, nous sommes sur le bas du village de Bézencourt, indique Thibaud de Passage. On est à une cinquantaine de mètres de la mitrailleuse la plus avancée. Et puis vous avez en face le larris, c'est une descente de plateau crayeuse au-dessus de laquelle se trouvaient les Allemands. Ils avaient donc une vue imprenable sur le village. Ils sont descendus de ce larris pour gagner la bataille et faire partir les Français."
Les objets des soldats gardés précieusement
90 hommes perdront la vie, la moitié du 67ᵉ bataillon des chasseurs alpins. Dans les années 1980, le frère du lieutenant Moch, tombé lors des combats, aide à la création du musée. Ici, pas de pièce de grande valeur, juste le souvenir des combattants. "Je ne pourrais évidemment pas tous vous les citer, mais je vais vous montrer celui qui venait régulièrement vous voir jusqu'à sa mort, montre Thibaud du Passage en s'avançant devant l'une des photos exposées au musée. Il avait la gouaille aussi forte que sa jolie frimousse. Il s'appelait Roger, c'est chasseur alpin qui a survécu à la bataille."
Ici sont gardés précieusement de nombreux objets cédés par des habitants du village ou des descendants des chasseurs alpins. "Certains de ces objets sont même chiffrés à la main avec leur couteau, parfois, ils sont aussi percés d'une balle, détaille le président de l'amicale du souvenir de la bataille de Bézencourt. Ce ne sont pas des objets qui ont une valeur énorme, mais ils ont véritablement servi aux chasseurs alpins."
16 chasseurs alpins reposent dans le carré militaire
Depuis 1941, à l'initiative du grand-père de Thibaud et Véronique, tous les ans une cérémonie rend hommage à leur mémoire. Dans le petit cimetière du village, 16 chasseurs reposent encore dans un carré militaire créé en 1957. Certains par choix des familles, d'autres parce qu'elles ne savaient pas où ils se trouvaient. "Une famille est venue 70 ans après pour la première fois, raconte Véronique du Passage. L'une des nièces d'un soldat s'est mise à chercher dans tous les registres des cimetières de la Somme et un jour, elle est venue ici où elle savait qu'il y avait un petit cimetière militaire et elle a retrouvé son oncle."
Originaire de Provence, la famille décida finalement de ne pas rapatrier le corps du soldat. "Ils nous ont dit, il vous appartient autant qu'à nous, donc on le laisse à Bézencourt, confie-t-elle. Sa nièce est revenue au cimetière avec un petit sac de terre de Provence et elle a mêlé cette terre à celle de Picardie."
Bézencourt, Liomer, Boulainvillers : dans ces petits coins de Picardie, les chasseurs alpins se sont battus vaillamment. Chaque premier dimanche de juin, on se souvient de leur courage. Et toute l'année dans les 9m² de leur musée.
Avec Laurent Pénichou. Édité par Chloé Caron / FTV