À partir du 1er janvier 2024, les agentes de la ville d'Abbeville auront la possibilité de prendre des jours de congé menstruel. Cette mesure est expérimentée pour un an, à destination des femmes qui souffrent de règles douloureuses, parfois d'endométriose.
Le conseil municipal d'Abbeville a voté à l'unanimité, le lundi 10 juillet, en faveur de l'expérimentation du congé menstruel. Dès le 1er janvier 2024 et pendant un an, les agentes de la ville qui souffrent de règles douloureuses pourront bénéficier de jours de congés rémunérés lors de leurs menstruations, notamment lorsqu'elles sont atteintes d'endométriose, sur présentation d'un certificat médical. La commune samarienne est ainsi la deuxième ville de France à adopter le congé menstruel, après Saint-Ouen en Seine-Saint-Denis au mois de mars 2023.
Cette mesure sera mise en place dès le 1er janvier 2024 au sein des différents services de la municipalité. "C’est un droit républicain, car il permettra aux femmes de pouvoir en bénéficier sans déduction, sans journée de carence sur leur salaire" assure Michelle Delage, adjointe chargée notamment de la santé et de l'égalité femmes-hommes à la mairie d’Abbeville, qui compte 40 % de femmes parmi les employés. Elle propose aussi d'aménager l'emploi du temps des bénéficiaires, ou qu'elles puissent travailler à leur domicile, sans qu'aucune journée de carence ne leur soit décomptée.
Une avancée, notamment pour les femmes atteintes d'endométriose
Anne-Lise, agente municipale, a subi de multiples opérations en raison de l'endométriose, dont elle souffre depuis ses 16 ans. Ce congé menstruel pourrait donc être particulièrement utile pour elle. "Certaines femmes ont un flux très important, d'autres des problèmes d’humeur, de sommeil ou de concentration, il y a tout un tas de pathologies et de symptômes qui tournent autour des menstruations qui ne sont jamais prises en compte. On nous dit de prendre sur nous, qu'on fait du cinéma ou que ça va passer. En 2023, c'est insupportable de continuer à avoir ce genre de discours".
De son côté, Manon encadre des chantiers de maraîchage pour la municipalité. Sur le lieu de travail, il n'y a pas toujours de toilettes à proximité. "J’ai déjà eu des absences de collègues car elles ne pouvaient pas gérer leurs menstruations sur le lieu de travail, car il n'y avait pas de toilettes", assure-t-elle. Une situation difficile, en particulier dans un milieu d'hommes.
L'expérimentation doit durer un an, mais elle sera prolongée si la loi n'est pas votée.
Fin mai, une proposition de loi des députés écologistes a été déposée à l'Assemblée nationale sur le congé menstruel. Elle prévoit 13 jours de congés par an. Les élus proposent également de rendre accessible le recours au télétravail en cas de douleurs menstruelles.
Une mesure adoptée dans d'autres pays, mais qui peine à s'imposer
À ce jour, seule l'Espagne a adopté le congé menstruel en Europe. Une mesure inédite sur le continent, destinée, selon le gouvernement de gauche, à briser un tabou.
Pour les associations féministes, ces mesures doivent s'accompagner d’efforts pour libérer la parole dans la société et déstigmatiser les règles.
Au Japon par exemple, ce congé existe depuis 1947, mais il est ignoré, car mal vu. Non rémunéré, il n'est plébiscité que par 1 % des salariées. Même observation en Corée du Sud où ce congé est proposé depuis 1950. Dans le pays, si une salariée ne prend pas ces congés, elle reçoit une prime financière.
En Zambie, bien que la loi autorise les femmes à prendre un jour de congé supplémentaire en cas de règles douloureuses, de nombreux employeurs sont réticents à l'appliquer.
De plus, des questions sont soulevées quant à la liberté de discuter ouvertement de ses règles avec les employeurs, compte tenu des discriminations déjà présentes sur le marché du travail. Michelle Delage, adjointe au maire (LR) d’Abbeville en charge de la santé, insiste sur le caractère anonyme de ces congés. "Seul le directeur des ressources humaines connaîtra le motif de ces congés, pour garantir l’anonymat et le secret médical".
En France, moins de dix entreprises proposent à leurs salariées un congé menstruel rémunéré. Une seule est dans les Hauts-de-France, Critizr à Lille. Selon l’Ifop, en avril 2021, près d'une femme sur deux déclarait souffrir de règles douloureuses.
Avec Christelle Juteau / FTV