"Je n’aurais pas cru qu’un jour, je rejouerai" : 10 ans après, les championnes de France de hockey sur gazon retrouvent leur club

Depuis quelques jours, un créneau 100 % féminin a ouvert au centre Robert-Viarre à Abbeville (Somme). De quoi rendre le prestige au hockey féminin du Sporting Club Abbevillois. Entre découverte et compétition, tous les rêves sont permis.

Dans le club house du centre Robert-Viarre d’Abbeville, Frédérique observe la vingtaine de coupe trônant sur les étagères : "Il y a quand même du niveau, regarde celle-là avec l’ange en cristal en haut !" Après quelques secondes à sonder le mur, c’est le Graal : " ! Championnats de France élite 2009-2010… bah, elle est moche."

L’occasion pour elle de se souvenir de cette soirée où, avec son équipe, elle fût sacrée championne de France élite en hockey sur gazon sous les couleurs du Sporting Club Abbevillois (SCA).

Cette victoire aurait pu être la première d’une longue liste, mais entre obligations familiales et professionnelles, la vie en a voulu autrement. Dès 2012, la plupart des joueuses ont dû partir, quittant Abbeville et le SCA : "Abbeville, ce n’est ni une ville universitaire, ni un bassin de l’emploi. Donc au bout d’un moment, les jeunes partent", regrette Aurélien Bauden, président du club.

"Ça a un goût de madeleine de Proust !"

Quatorze ans plus tard, elle revient s’installer à Abbeville, et sur la pelouse de Robert-Viarre : "C’est hyper nostalgique, ça a un goût de madeleine de Proust ! Et puis c’est super agréable de voir que ça me plaît toujours autant !" C’est avec quelques-unes de ses coéquipières qu’elle reprend du service, mais surtout accompagnée des nouvelles recrues que le club et les championnes ont réussi à faire venir.

"Honnêtement, je n’aurais pas cru qu’un jour je rejouerai. Je n’étais vraiment pas sûre qu’on referait un collectif fille. Alors pour l’instant, c’est de l’entraînement, on verra ce que ça donne, mais dans ma tête ce n’était pas sûre du tout. Donc c’est plutôt une très bonne surprise", se réjouit Frédérique. Le collectif est reformé depuis quelques semaines. Près de 13 filles viennent régulièrement s’entraîner. Un gage d’espoir pour Frédérique, pour qui le hockey à Abbeville ne peut se conjuguer qu’au masculin : "C’est important qu’il y ait une équipe fille. Pour ce qu’on a vécu et puis aussi parce qu’on a des enfants, dont des filles. Et on aimerait bien qu’un jour, elles puissent, si elles le veulent, avoir une équipe de fille."

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Entrainement de hockey sur gazon ©Clémence Rousseau / FTV

Campagnes d’affichage, sur les réseaux sociaux, bouche-à-oreille : le club n’a pas lésiné sur la communication pour susciter l’envie du hockey chez les femmes. Et pour cause, certaines d’entre elles comme Jeanne Fontaine regrettent le sous-développement du sport féminin dans la ville : "J’adore le sport et j’en fais depuis toujours. Et sur Abbeville, il n’y a pas énormément d’équipes féminines, que ce soit dans n’importe quel sport… alors, je me suis relancée dans le hockey."

Dans 10 ans... à nouveau championnes ?

De retour dans le club House, autour d’un verre et même si elles ne jouent encore qu’en loisir, les discussions et plans d’avenir vont bon train. Aurélien Bauden, président du club, s’autorise à rêver : "L’objectif est, dans les 10 ans à venir, de réaliser à nouveau une grande aventure comme elles ont pu vivre avec les nouvelles générations de joueuses du SCA. On a toujours eu en tête, et l’espoir, que ça puisse repartir un jour. Après, il faut les effectifs pour développer le hockey au plus haut niveau et le remettre à la place qu’il mérite."

Femmes et hommes : inégaux dans la compétition

Les effectifs, c’est encore une fois là que le bât blesse. Si chez les hommes la question se pose moins, c’est qu’il est plus compliqué de faire de la compétition pour les dames : "Hélas, nous ne sommes pas égaux là-dessus. Une grossesse, ça arrête forcément la pratique sportive", concède Aurélien.

Mais, selon la sociologue spécialisée dans les conditions et les enjeux de l’accès des femmes aux pratiques sportives, ce manque de femmes dans le sport est aussi un problème de société. La professeure émérite avance, dans un article de vie-publique.fr, que le sport se conjugue avec le fait de prendre du temps pour soi : "ce à quoi la majorité des femmes ne sont guère habituées, les représentations dominantes de la division du travail les amenant à s'occuper d'abord de la famille, mari, enfants, et des tâches domestiques et parentales."

Printemps féminin, ou encore aides au développement : la fédération française de hockey et le comité départemental, usent de moyens, notamment financiers (via l’achat de matériel) pour attirer la hockeyeuse. Au SCA, ces efforts s’illustrent par un créneau 100 % féminin et loisir dédié à la découverte et la pratique du hockey sur gazon.

Des efforts payants à Abbeville, mais bien insuffisants au niveau national où seulement 16 % des femmes font de la compétition sportive contre 31 % chez les hommes.

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