Aéronautique : "Le risque d'effondrement est réel", le député Stéphane Demilly réclame une cellule de crise en Picardie

Le député de la Somme Stéphane Demilly (UDI) a écrit ce 19 mai au Premier ministre pour l'alerter sur la "catastrophe économique" qui menace l'industrie aéronautique et "des centaines d'emplois" dans la région d'Albert. Il réclame de toute urgence la mise en place d'une cellule de crise en Picardie.

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"Le temps presse car le risque d’effondrement de notre excellence aéronautique est une hypothèse glaçante mais réelle".

Dans son courrier adressé à Edouard Philippe et à plusieurs membres du gouvernement, le député UDI Stéphane Demilly n'y va pas par quatre chemins. Il faut dire que sur son territoire, la cinquième circonscription de la Somme, se trouve Stelia Aerospace, qui fabrique les pointes avant des avions Airbus.

"La chute du trafic aérien, inédite depuis la seconde guerre mondiale, met en péril la plupart des compagnies aériennes et, par effet domino, toute la filière de construction d'avions" écrit Stéphane Demilly qui demande au Premier ministre "de mettre en place une cellule de crise sur [son] territoire, sous l'égide de l'Etat, réunissant les acteurs industriels, les partenaires sociaux et les élus concernés."

Le courrier de Stéphane Demilly adressé à Edouard Philippe

L’usine de Méaulte emploie 1545 personnes, mais fait vivre au moins autant d’employés en sous-traitance. Sans compter des centaines d’emplois indirects. Selon Stéphane Demilly, cette crise "se traduira dans la région d'Albert, berceau historique de l'aéronautique, par la fin programmée du recours à l'intérim, une réduction drastique de la sous-traitance et du chômage partiel (...) avec plusieurs centaines d'emplois menacés." 

Commandes décalées voire annulées et intérimaires remerciés

Difficile de connaître exactement la situation actuelle de Stelia. On sait seulement qu’avec la crise du coronavirus, l’activité a chuté de 30%. Contactée, la direction refuse toute interview, et se contente de cette laconique justification : "Notre priorité est plus à la santé des salariés qu’à la communication".

 
Le délégué syndical central F.O, lui, est plus loquace. Dany Devaux confirme que l’activité a fortement chuté dans les ateliers. Pour preuve, cette semaine, ils sont à l’arrêt. 
Chaque mois, Stelia fabriquait 64 pointes avant d’A320. Aujourd’hui, ce chiffre est tombé à 40. Même constat pour les pointes des gros porteurs A350 et A330. 

Alors que certaines compagnies aériennes sont en train de déposer le bilan, les commandes chez Stelia sont décalées voire annulées pour certaines.
Conséquence directe : les embauches sont bien entendu gelées et les intérimaires sont remerciés. "Au dernier Comité européen Airbus, on a commencé à nous préparer. On est à la veille d’un plan social, très clairement" explique Dany Devaux.
 

Les sous-traitants menacés

Pourtant, parler de licenciements est encore tabou.Tous y pensent, mais personne ne veut écrire ou prononcer le mot.
Comme en témoigne en filigrane ce communiqué de presse de Figeac Aero, un groupe du Lot qui a ouvert une filiale à Méaulte en 2011 : "Figeac Aero dispose de nombreux atouts (…) mais reste prudent et n’exclut pas d’autres mesures pour réduire ses dépenses et ajuster ses capacités".

Ils sont nombreux, du côté d’Albert et Méaulte, les sous-traitants comme Figeac : Simra, Laroche Industries, Betrancourt Aerospace Division, Somepic Technologie, SDM, ou Suma Aero Mécanique, pour n’en citer que quelques-uns.

Suma par exemple, traverse à l’instar de ses concurrents, la plus grosse crise de son histoire. L’entreprise familiale a été créée en 1973 par le père et le grand-père du PDG actuel, Bruno Pezeril. Elle emploie actuellement 48 salariés.
"Des crises, on en a traversées, mais jamais dans ces proportions. Là c’est du jamais vu, c’est violent !", témoigne le chef d'entreprise

La moitié de l’activité de Suma repose sur les commandes de Stelia, commandes qui ont été divisées par 8 depuis le déput de l'épidémie de coronavirus. Le chiffre d’affaire au mois de mars a chuté de 35%, et au mois d’avril de 67%.
Pour l’instant, comme chez Stelia, l’usine tourne au ralenti. Mais après ? Bruno Pezeril est inquiet : "Si le gouvernement continue de soutenir les mesures de chômage partiel, on pourra peut-être tenir encore, mais sinon…"
L’incertitude règne : "Ré-interrogez-moi dans une semaine et je vous dirai peut-être autre chose. Vu que j’en suis à la onzième version de mon Business Plan depuis mars !"
 

Un plan de soutien à la filière aéronautique

Le retour à la normale ? Si tant est qu’il soit possible, il n’est pas pour demain. Les compagnies aériennes tablent sur 2023…
Mais justement, selon Dany Devaux, délégué syndical central F.O, c’est là qu’il va falloir être prudent dans les décisions : "Le risque, si des sous-traitants mettent la clé sous la porte, c’est qu’ils emmènent avec eux toutes les compétences que Stelia a externalisées et ne possède plus aujourd’hui".

C’est aussi ce constat qui a amené le député Stéphane Demilly à écrire à Edouard Philippe : "Cette période mortifère va donc impacter (…) tout notre territoire, avec plusieurs centaines d’emplois menacés et la disparition inéluctable d’établissements renommés pour leur savoir-faire".

Le député de la Somme demande à "être impliqué dans l’élaboration du plan de soutien à la filière aéronautique" que Bruno Le Maire doit dévoiler d’ici au 1er juillet.

 
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