Entre 3 500, selon la police, et 7 000 personnes, selon les syndicats, ont défilé dans les rues d'Amiens, dans la Somme, lundi 1er mai 2023. Qu'ils soient habitués des cortèges ou que ce soit leur premier, les manifestants affichent tous leur ras-le-bol face à un gouvernement qui, selon eux, ne les "écoute pas du tout".
Anita a déjà participé à plusieurs rassemblements contre la réforme des retraites depuis janvier. En ce 1er mai, cette retraitée de 76 ans manifeste pour l'avenir. "Je suis là pour mes enfants et mes petits-enfants. Ça m'inquiète vraiment ce qu'il se passe", confie-t-elle alors que des centaines d'Amiénois se rassemblent devant la maison de la Culture lundi matin. Une forte mobilisation du 1er mai a-t-elle des chances de faire plier le gouvernement sur la réforme des retraites ? "J'aimerais le croire…", soupire-t-elle, peu convaincue.
Non loin d'Anita, trois jeunes filles des Jeunes communistes affichent leur détermination. Sian, 17 ans, Leïla, 16 ans et Louise, 18 ans, sont mobilisées depuis des mois. Auprès des raffineurs, dès septembre 2022 d'abord, et depuis janvier contre la réforme. "On se mobilise aussi contre Macron qui ne représente pas la France", estime Leïla. "Et contre le système capitaliste qui détruit le corps des travailleurs", ajoute Louise qui craint que "d'autres réformes antisociales passent si cette réforme n'est pas retirée". "Cette réforme est dangereuse. On ira jusqu'au bout. On ne lâchera pas", lance Sian.
Une démonstration de force
Sur la place Léon Gontier, entre le camion de la CGT et les drapeaux de la CFDT ou de FO, se cachent deux novices des cortèges. Benjamin, 22 ans, et son père Laurent, 55 ans. L'étudiant manifeste pour la deuxième fois de sa vie. La première, c'était en janvier à Paris contre la réforme des retraites. "On a le sentiment d'un foutage de gueule du gouvernement. Il n'écoute pas du tout !", s'insurge-t-il.
En manifestant ce 1er mai, "on leur montre qu’on est là et qu’il se passe quelque chose", souligne Benjamin qui se dit prêt à se mobiliser à nouveau dans les semaines à venir. Son père, qui a calculé qu'il devrait travailler jusqu'à 69 ans s'il veut toucher sa retraite à taux plein, manifeste pour la première fois de sa vie. "Le 1er mai, pour moi, c'est plus un défilé", nuance-t-il. "C'est pour montrer qu'on n'est pas d'accord, montrer qu'il y a du monde. C'est important."
"Le gouvernement est inflexible ? Nous aussi"
Il est 10h30, le cortège va bientôt s'élancer, les Antifa d'Amiens en tête avec leur banderole. "Pour la retraite à 60 ans, tape dans tes mains", scandent en dansant les Rosies, désormais incontournables figures féministes des manifestations. Les drapeaux de toute l'intersyndicale sont brandis tout le long du parcours. Du camion de la CGT s'échappe des "on lâche rien". L'ambiance est calme et bon enfant.
"La bataille est difficile et longue", reconnaît Guillaume, syndicaliste CGT travaillant à la SNCF. Il se dit déterminé à poursuivre la lutte, sous cette forme ou une autre. "Le gouvernement est inflexible ? Nous aussi. On veut le retrait de cette réforme."
Mais quelle solution maintenant que la réforme a été promulguée par le président ? "Il faut taper là où ça fait mal : bloquer l'économie. Mais c'est de plus en plus difficile pour les gens à la fin, d'autant plus avec l'inflation", observe l'homme de 37 ans. Mercredi 3 mai, le Conseil constitutionnel doit étudier la deuxième proposition de referendum d'initiative partagée (RIP). "C'est un outil à notre disposition", commente sobrement le syndicaliste.
Un espoir : l'examen d'une proposition de loi de LIOT le 8 juin
François Ruffin, député Picardie debout de la Somme, espère beaucoup du 8 juin prochain dans l'hémicycle. La proposition de loi du groupe centriste Libertés, Indépendants, Outre-Mer et Territoires (Liot), visant à abroger l'article 7 de la réforme des retraites - qui repousse l'âge légal de départ à 64 ans - doit être étudiée à l'Assemblée nationale.
Cette proposition de loi a été cosignée par 170 députés. "C'est un moment démocratique important. Les députés vont se mobiliser là-dessus. J’espère que la mobilisation va tenir jusqu'à cette date. Il faut résoudre la crise sociale et la crise démocratique", appuie François Ruffin.
Chaque casserole qui résonne, chaque carton rouge qui est brandi, chaque manifestation qui a lieu vient confirmer le fait que 2023 va entrer dans l’histoire comme un temps de rupture.
François Ruffin, député Picardie debout de la Somme
Peu avant midi, le cortège arrive au parc de la Hotoie, où un village associatif est installé jusqu'à 18h. Danielle, 72 ans, et Francis, 73 ans, enseignants à la retraite, confient n'avoir pas manifesté depuis très longtemps, "même pour les retraites, alors qu'on y est opposé", note Danielle, mais là "c'est trop".
Ils sont venus avec de petites affiches "Protégeons d’urgence le droit de manifester partout pour toutes et tous". Car au-delà de la réforme des retraites et des droits des travailleurs, ils craignent que ce droit fondamental ne soit plus respecter en France et ailleurs. "On interdit plein de choses petit à petit. On va s’apercevoir bientôt qu’on ne pourra plus manifester", s'inquiète Francis. "On a interdit les casseroles ! C'est la goutte d'eau !", estime Danielle.
À Amiens, la manifestation a réuni 3 500 personnes selon la police, 7 000 selon les syndicats.