Canoë, paddle, soirées apéro sur des barques... Depuis quelques années, les activités touristiques se sont multipliés dans les hortillonnages d'Amiens. Pour préserver le site et limiter les nuisances pour les propriétaires, la préfecture et la métropole planchent sur une règlementation.
"Ça devient l'anarchie ! Tout le monde s'installe, on visite, on passe n'importe où, dans les rieux privés, on monte sur les parcelles privées... À la maison, on est en train de manger, et les gens regardent chez nous !", peste Michel Lopez, propriétaire de parcelles dans les hortillonnages d'Amiens. Auparavant, les seuls visiteurs qu'il voyait passer près de chez lui étaient ceux des balades encadrées par l'association pour la protection et la sauvegarde des hortillonnages, uniquement en journée, ce qui ne le dérangeait pas.
Mais depuis quelques années, il a vu arriver de nouvelles activités touristiques. Des entreprises privées organisent à leur tour des balades en barques, sans nécessairement suivre le parcours établi par l'association de sauvegarde, ou à des heures plus tardives le soir.
"C'est un site fragile, pas une base nautique"
Certains touristes viennent même y faire du paddle ou du canoë-kayak. "Les hortillonnages n'ont pas été prévus pour ça, je pense que c'est mettre les personnes en danger que de les laisser circuler comme cela", indique Jean-marie Duchemin, président de l'association pour la protection et la sauvegarde des hortillonnages. Pour lui, cette suractivité pose de nombreux problèmes. Du point de vue de la sécurité, d'abord : les personnes qui se baignent, font du canoë ou du paddle peuvent se blesser ou même se noyer. Ensuite, propriétaire lui-même d'une parcelle, il craint la multiplication des nuisances.
"Je peux comprendre que les personnes qui voient des barques se balader à toute heure peuvent trouver ça un peu gênant. Ce qui est aussi gênant, c'est de voir des gens s'installer sur des aires privées, qui ne sont pas les leurs, sous prétexte qu'il n'y a pas de clôture et pas de panneaux. Je ne souhaite pas qu'on en arrive à mettre des clôtures sur nos terrains pour empêcher les gens d'y venir. Il faut qu'il y ait un respect des propriétaires", estime-t-il.
Enfin, et c'est bien là tout l'objectif de l'association, il craint que ce site ne soit dénaturé ou abîmé par le tourisme non règlementé. "C'est un site fragile qu'il faut protéger, ce n'est pas une base nautique. L'eau, ça attire, surtout quand il fait chaud, mais ça reste un site à protéger. Il y a de la biodiversité, la faune qu'il faut laisser en paix."
Une règlementation plus stricte en cours d'élaboration
C'est pour toutes ces raisons qu'une règlementation est actuellement en construction. La préfecture de la Somme et la métropole amiénoise planche sur le sujet pour une mise en place au début de l'été 2024. Elles pourraient décider d'interdire la pratique du canoë et du paddle, et d'encadrer plus strictement les balades en barque.
"On a déjà bien travaillé avec la préfecture, assure le maire de Rivery Bernard Bocquillon. On a déterminé le périmètre où la règlementation s'appliquera, et qui sera surveillé." Cette surveillance pourrait passer par un renforcement de la présence policière sur le site. "Avec la mairie de Camon, on organise déjà des patrouilles communes, des policiers municipaux en barque, et on envisage qu'Amiens puisse nous rejoindre dans cette mission", précise l'édile.
Ce travail rassure l'association de sauvegarde du site. "Je pense que la règlementation est nécessaire, et j'espère que ça ira le plus vite possible, avant qu'on ait vraiment des gros soucis. Des groupes de travail devraient se mettre en place, on compte y participer, indique le président. (...) Il y a toute une règlementation à mettre en place, mais aussi une information importante à transmettre au niveau du public sur ce que sont les hortillonnages, sur ce qu'on peut y faire et ne pas y faire."
L'association plaide pour un tourisme plus vertueux. Horaires limités, circuit défini, participation financière à l'entretien des berges : toutes ces mesures qu'elle applique déjà pourraient servir d'inspiration à la nouvelle règlementation.
Avec Sophie Picard / FTV