Deux candidats RN visés par des plaintes dans l'Aisne et la Somme : la tension monte à l'approche du scrutin

Dans l'Aisne, le candidat RN à la 2ᵉ circonscription Philippe Torre fait l'objet d'un dépôt de plainte pour injure à caractère racial. Dans la Somme, Damien Toumi, candidat RN à la 2ᵉ circonscription, est visé par une plainte d'un ex-candidat, dont il a utilisé l'image sur ses tracts : le plaignant l'accuse de diffamation, atteinte au droit à l'image et violation du droit électoral.

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Alors que la campagne des élections législatives 2024 touche à sa fin, elle réserve encore quelques rebondissements. Dans l'Aisne, le 4 juillet, une plainte pour injure à caractère racial a été déposée contre le candidat du Rassemblement National Philippe Torre, suite à une altercation avec un employé municipal de Saint-Quentin. 

Dans la Somme, c'est Renaud Deschamps, ex-candidat à la 2ᵉ circonscription, qui porte plainte contre le candidat RN Damien Toumi. Un visuel publié par ce dernier utilise l'image de Renaud Deschamps de telle façon qu'il peut être compris comme un rapprochement entre l'ex-candidat sans étiquette et le RN, ce qui n'est pas le cas. 

"C'est qui celui-là qui veut me faire quitter ma terre et mon pays ?"

Mercredi 3 juillet, à midi et demi, Redouane Ziad, chef du service de gestion du domaine public pour la mairie de Saint-Quentin, est appelé par ses collègues en raison d'un tract du RN retrouvé dans une vitrine des halles de la ville. Un règlement municipal interdit en effet toute activité religieuse, syndicale ou politique sur les marchés. 

Redouane Ziad se rend sur place et le candidat RN Philippe Torre est également présent, il demande à voir les lieux où le tract litigieux a été déposé. D'après le dépôt de plainte, le candidat a ensuite ironisé sur la gravité des faits. "Il avait des tracts en main, il a commencé son discours politique, je lui ai demandé de quitter le marché, car le règlement interdit toute activité à caractère politique, syndicaliste ou religieux" se rappelle Redouane Ziad. 

La réponse du candidat fuse : "Je suis sur ma terre, je suis dans mon pays, je suis français monsieur" lui répète Philippe Torre à plusieurs reprises. "J'ai compris que cela a un rapport à mes origines maghrébines" observe Redouane Ziad. Il demande alors aux ASVP qui l'accompagnent d'agir face au refus du candidat de quitter les lieux.  

35 ans de fonction publique et quelqu’un qui vient pour me rabaisser et me menacer au cas où il prenne la mairie de Saint Quentin... Je serai sa première victime, il m’a pointé du doigt en disant 'je me souviendrai de vous'

Redouane Ziad

Responsable de la gestion de l'espace public pour la mairie de Saint-Quentin

Philippe Torre s'adresse aux agents en ces termes : "C'est qui celui-là qui veut me faire quitter ma terre et mon pays ?". Le candidat accuse ensuite l'employé municipal d'être envoyé par la maire LR de Saint-Quentin Frédérique Macarez et Xavier Bertrand afin de lui nuire (ndlr : le président de la région Hauts-de-France est l'ancien maire de Saint-Quentin).

Des propos qu'il réitère partiellement auprès de nos confrères du Parisien, "C’est un monsieur d’origine arabo-maghrébine qui a été envoyé par madame Macarez afin de provoquer un incident mais il n’y en a pas eu" leur indique-t-il. 

Philippe Torre contre-attaque 

Également interrogé par notre équipe à propos de ces événements, Philippe Torre livre sa version des faits : "Je suis là, comme la tension...J'ai été bien malmené...Je dis et je vais le redire, 'je suis ici, sur la voie publique, vous n'avez pas à me dire de dégager, monsieur, vous n'avez pas à me dire de partir, je suis en France, dans mon pays, je suis français, je suis un candidat de Bardella en campagne électorale'... On dit ça et vous avez des gros titres, que je vais trainer peut-être toute ma vie, qui vont dire que Philippe Torre est raciste.

Le candidat nie tout racisme. Il a porté plainte contre Redouane Ziad pour diffamation aujourd'hui et déposé plainte contre X pour "entrave, par voie de fait ou de menace, aux opérations électorales par membre d'un collège électoral". 

Mais Redouane Ziad est confiant malgré la version divergente de Philippe Torre (et la profession d'avocat qu'il exerce) : la scène a été vue par plusieurs témoins et enregistrée. Il réfute avoir malmené le candidat. "Je suis resté calme, c’est ma fonction et je ne voulais pas salir l’image de Saint-Quentin" souligne le cadre municipal.

"Bien sûr que je suis en colère, 35 ans de fonction publique et quelqu’un qui vient pour me rabaisser et me menacer au cas où il prenne la mairie de Saint-Quentin... Je serai sa première victime, il m’a pointé du doigt en disant 'je me souviendrai de vous'" ajoute-t-il. Car Philippe Torre ne cache pas son ambition de se présenter aux élections municipales à Saint-Quentin, en 2026.

"Je me demande demain, que vont devenir nos enfants ? interroge Redouane Ziad, en évoquant ses fils, médecin et entrepreneur. Vous vous rendez-compte face à qui nous sommes aujourd'hui ? Qu’allons-nous devenir avec des gens comme ça ? Je ne juge pas ses compétences, mais son comportement.

C'est maintenant au procureur de la République de déterminer si la plainte de Redouane Ziad est recevable ou non, tout comme celles de Philippe Torre. "Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure" indique l'article 29 de la loi sur la liberté de la presse. Son article 33 précise les dispositions en cas de caractère raciste : "Sera punie d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende l'injure commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée."

La photo litigieuse

Autre lieu, autre plainte : dans la deuxième circonscription de la Somme, c'est le candidat débouté au premier tour Renaud Deschamps qui porte plainte contre le candidat RN toujours en lice, Damien Toumi. La raison est un visuel publié sur les réseaux sociaux par Damien Toumi et qui utilise la photo de Renaud Deschamps à côté de celle du candidat RN. 

Le visuel est précédé de la phrase suivante : "Par respect de ses électeurs, Renaud Deschamps n'a pas donné de consigne de vote. Vous avez donc le choix entre le chaos de la candidate mélenchoniste et le bilan de la macronie porté par Hubert de Jenlis avec le soutien de Brigitte Fourré." Le tract invite ensuite les électeurs à faire "le choix de l'alternance" en votant RN. 

Renaud Deschamps a été prévenu par SMS de l'existence de ce visuel, il a immédiatement contacté Damien Toumi pour lui faire retirer le post le contenant, ce que le candidat RN a fait très rapidement. 

"L’image est trompeuse, elle nous met l’un à côté de l’autre, mais pas comme adversaires, cela peut mener à penser qu’on s’est entendus, cela m’est insupportable" réagit Renaud Deschamps. Il indique que c'est pour cela qu'il porte plainte malgré le retrait du visuel.

"Ça fait 10 ans que je fais de la politique et que je fais tout pour garder cette image sans étiquette, ce n’est pas cet inconnu sur le paysage amiénois qui va casser l’image que j’ai, ajoute Renaud Deschamps. Je lui ai demandé de faire un démenti, ce qu’il n’a pas fait, donc je demande au procureur de l’exiger."

Le candidat débouté au premier tour insiste sur le fait que "ça met du temps, de construire une image en politique et ça peut se détruire très vite. Quelqu’un qui ne prendrait pas le temps de lire le tract pourrait comprendre que je suis RN maintenant, c’est intolérable."

Sa plainte est donc déposée pour "atteinte au droit à l'image", "diffamation" et "violation du droit électoral". 

Damien Toumi trouve quant à lui la plainte de Renaud Deschamps "étrange" et "ridicule". "Ce visuel a été en ligne 1h30 en tout, donc peut-être 200, 300 personnes l’ont vu à travers la France, indique le candidat RN, qui insiste sur la faible portée de ses réseaux sociaux, créés selon ses dires il y a deux semaines, pour la campagne. Il m’a demandé de le retirer, je l’ai retiré, c’est tout. C’est tout le pataquès qu’il fait autour de cela qui fait que le visuel est vu par beaucoup plus de monde."

Il observe que le fait d'utiliser la photo d'une autre personnalité politique n'a rien d'exceptionnel : "Quand une personne est publique, elle accepte que son image soit utilisée. Je pense que Mr Deschamps ne voit pas ses électeurs au niveau où il devrait les considérer.

Damien Toumi nie toute tentative de tromperie, arguant que "les amiénois savent lire, les gens sont des adultes." Il se dit serein face à cette plainte et se "concentre sur la fin de campagne, c’est la justice qui tranchera par la suite.

Dans la Somme comme dans l'Aisne, la bataille des urnes sera donc peut-être suivie par celle des tribunaux. 

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