Depuis deux semaines, à Amiens, un comité local regroupant associations et organisations syndicales s'organise pour faire barrage à l'extrême droite. Tous se mobilisent autour d’une liste de 16 mesures à mettre en place dès le 8 juillet et de valeurs humanistes communes.
Dès la mi-juin, quelques jours après le résultat des élections européennes et la dissolution de l’Assemblée nationale, des représentants du secteur associatif des Hauts-de-France et sur tout le territoire, alertaient sur les dangers de l’accession au pouvoir de l’extrême droite. En Picardie, Syndicats et associations ont décidé de se mobiliser.
16 mesures pour lutter contre le sexisme, le racisme, l’exclusion
Cette idée est née d’une intersyndicale, FSU 80, UNSA, Solidaires 80, UL Grand Amiens CGT et UD CGT Somme, deux semaines avant le premier tour des élections législatives, pour rassembler la société civile autour d’un projet : 16 mesures pour changer le quotidien. L’abrogation de la réforme des retraites, l’accès au RSA dès 18 ans, la revalorisation des salaires, la garantie d’accès aux services publics sans condition de nationalité, l’investissement dans l’école, la petite enfance, la sécurité, la justice…
La société civile peut exercer une forme de résistance. Elle a un rôle à jouer dans cette campagne.
Gabriel Bonnard, militant Solidaires 80 et référent du syndicat au comité local
Autant de mesures pour lutter contre le sexisme, le racisme, l’exclusion, pour le droit au logement, à un salaire décent, inspirées du programme du Front populaire. "La société civile peut exercer une forme de résistance. Elle a un rôle à jouer dans cette campagne. L’objectif de cet appel est triple : opposer un autre discours au Rassemblement national et le battre dans les urnes, mobiliser les gens pour se battre pour des idées humanistes et dire aux organisations politiques qu’en cas de victoire du Front populaire, on sera là, la société civile, pour faire appliquer les mesures. Nous avons rassemblé des forces qui se regroupent rarement, mais on sait travailler ensemble. On est unis", explique Gabriel Bonnard, militant Solidaire 80 et référent du syndicat au comité local.
Des menaces de fermetures d'associations
Ce comité local, regroupant les organisations syndicales et associations picardes, s’est inspiré du Pacte du pouvoir de vivre, un collectif d’organisations de la société civile unies, au niveau national et local, pour porter des réponses aux enjeux environnementaux, sociaux, économiques et démocratiques et influencer les pouvoirs publics.
Pour les associations picardes, mobilisées aux côtés des syndicats, qui accompagnent au quotidien les travailleurs, les femmes, les personnes LGBT, les plus démunis, cette mobilisation est urgente. "Il nous faut rendre public une parole collective contre la menace du Rassemblement national. Ces 16 mesures sont proposées pour changer le quotidien de toutes ces personnes que l’on suit. La plupart des gens qui votent Rassemblement national sont déçus et observent les inégalités sociales qui augmentent dans le pays. Mais nous avons un autre projet pour la société que celui de l’extrême droite", assure Claire Bizet, porte-parole du mouvement associatif des Hauts-de-France.
Il est crucial de prendre conscience des menaces. [...] On observe déjà une forme de répression.
Claire Bizet, porte-parole du mouvement associatif des Hauts-de-France.
Un projet commun, que ce mouvement veut défendre auprès de la population pour "démasquer l’extrême droite et son programme". "Il est crucial de prendre conscience des menaces. À plusieurs reprises, l'extrême droite a tenté de restreindre les actions des associations dans notre région. Le RN, qui siège au conseil régional des Hauts-de-France, a déposé deux amendements, en 2023 et 2024, pour réduire le budget 'Vie sociale et citoyenne'. Dans la ville de Bruay-la-Buissière, dans le Pas-de-Calais, située dans le bassin minier, la mairie a été gagnée par le RN en 2020. Le nouveau maire a coupé les subventions du centre social, qui a fermé. À Hénin-Beaumont, la Ligue des droits de l’Homme a vu aussi ses subventions supprimées. On observe déjà une forme de répression", ajoute Claire Bizet. Pour les acteurs associatifs de l’appel amiénois, ces réductions budgétaires révèlent les intentions du Rassemblement national.
Une jeunesse inquiète
Les syndicats aussi sont inquiets quant à leur devenir dans une société gouvernée par l’extrême droite. Du côté de la jeunesse, l’Union étudiante Picardie a souhaité adhérer à l’appel des 16 mesures pour dénoncer "la brutalité de l’extrême droite". "Si le RN parvient au pouvoir, ce serait dramatique pour les étudiants. Nos droits et nos libertés seraient bafoués et nous serions peut-être interdits en tant que syndicat", s’inquiète Anne Roth, présidente de l’Union étudiante, qui rappelle l’opposition de Marine Le Pen à l’inscription du droit de l’IVG dans la constitution. "De nombreuses jeunes femmes et étudiantes sont concernées par l’IVG. Leur droit à l’avortement pourrait être remis en cause."
La présidente du syndicat rappelle également que les étudiants sont "de plus en plus précarisés". "Avec la politique actuelle, la pauvreté des étudiants a beaucoup augmenté. Et pour les étudiants étrangers, ce serait encore pire. Ils seraient renvoyés chez eux ou privés de leurs droits. Pourtant, nous avons besoin d’eux, car la plupart restent en France pour travailler après leurs études. C’est de la main-d’œuvre jeune pour le pays."
L'urgence du monde de la culture
Le 24 juin dernier, le monde la culture alertait dans une Tribune au Monde : "L’Italie et la Hongrie ont donné l’exemple de ce que serait la culture en France si l’extrême droite obtenait la majorité". Plus de 800 professionnels de la culture, du cinéma, du théâtre, des médias appelaient à une mobilisation contre le Rassemblement national "pour que la France des Lumières conserve un avenir".
À Amiens, le tissu associatif culturel se resserre aussi pour faire rempart. "Il y a urgence. Nous avons rejoint le mouvement picard pour faire un front large contre une politique qui couperait nos subventions. La culture ne serait plus réservée qu’à une élite", affirme Marine Féron, coprésidente de la Maison du Colonel, association et espace de vie social qui offre des festivals, des projections, des ateliers gratuits aux 500 adhérents, habitants d’Amiens et alentours.
Les élus [RN] sont peu soucieux de rendre accessible la culture à tous. Nous, on pense que le beau doit être accessible à tous.
Marine Féron, co-présidente de la Maison du Colonel, à Amiens
Chaque année, les thématiques sont variées, culture populaire et culture ouverte au monde, mais aussi lieu alimentaire où des projets cuisine sont proposés. "On sait que l’extrême droite ne s’intéresse qu’au Patrimoine de la France, à ses traditions et ses élus sont peu soucieux de rendre accessible la culture à tous. Nous, on pense que le beau doit être accessible à tous."
Pour la société civile picarde, réunie autour de cette mobilisation, les discours des élus Rassemblement national reflètent les mesures qu’ils souhaitent mettre en place, une fois, au pouvoir. Les associations, qui œuvrent au quotidien pour l’inclusion et les droits fondamentaux, sont inquiètes "du péril pour la cohésion sociale et du risque de violence et d’incompréhension que pourrait générer une nouvelle assemblée à majorité d’extrême droite."
À l'appel d'une centaine d'organisations de la société civile, une mobilisation est organisée, ce mercredi 3 juillet, place de la République, à Paris, pour faire front démocratique contre l'extrême droite.