Pour la première fois dans l’histoire de la cinquième République, l’extrême droite pourrait accéder au pouvoir. Les associations, au chevet des minorités, s’inquiètent des dommages que cela causerait au corps social et aux libertés. Flash Our true colors, association amiénoise, qui lutte pour les droits des personnes LGBT+, alerte sur les dangers.
Les militants de l’association amiénoise, Flash our true colors, fondée en 2011, ont peur. Créée pour répondre à un besoin de visibilité des personnes LGBT+ dans la région picarde et pour lutter contre la discrimination dont elles sont victimes, elle observe une escalade des violences.
Des agressions LGBTIphobes en hausse
"Avant, on subissait des insultes dans la rue. Maintenant, les agressions sont physiques, ce sont des guet-apens. Il ne se passe pas deux semaines sans qu’il n’y en ait une. On voit que la dédiabolisation du RN correspond à la montée des violences homophobes", rappelle Louis Sachy, administrateur de l’association.
La dernière agression en date connue, a eu lieu dans le 6ᵉ arrondissement de Paris, dans la nuit de dimanche 9 juin à lundi 10 juin, à la suite des élections européennes et de l’annonce de la dissolution. La victime de 19 ans rentrait chez elle quand elle a été arrêtée dans la rue par des hommes proférant "des propos homophobes et transphobes". "Toi, sale pédé, t’es un trans", aurait lâché l’un des agresseurs, selon Le Parisien. Quatre militants d’extrême droite ont été interpellés et jugés en comparution immédiate mercredi 12 juin pour l’agression et la tenue de propos homophobes et transphobes. En garde à vue, l’un d’entre eux aurait déclaré : "Vivement dans trois semaines, on pourra casser du PD autant qu’on veut".
Ces agressions se manifestent principalement par des coups et blessures, dans 72 % des cas.
Association SOS homophobie
L’association SOS homophobie a publié son dernier rapport 2024 sur les LGBTIphobies, rédigé à partir de témoignages qu’elle a reçus. Ceux-ci sont passés de 1 506 en 2022 à 2 377 en 2023. Pour l'année dernière, elle recense 266 témoignages d’agressions physiques, soit 11 % des cas de LGBTIphobies rapportées à SOS homophobie.
D’après l’association, ces agressions "se manifestent principalement par des coups et blessures, dans 72 % des cas. En revanche, ce ne sont pas les seules manifestations de violence. Par exemple, les crachats et/ou jets d’objets nous sont rapportés à hauteur de 17 % des cas d’agressions physiques. Ces agressions ont lieu, pour 38 % des cas, dans l’espace public, où la haine se déverse maintenant sans honte."
Dans ce rapport annuel, qui dresse un état des lieux des violences et discriminations auxquelles sont confrontées les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et trans en France, l’association, s’alarme d’un "climat délétère où les droits des personnes LGBT […] sont remis en question et menacés" et "dénonce une inaction politique qui peine à mettre en place des politiques chiffrées et inclusives et qui participe au mal de vivre profond qui parcourt la communauté LGBTI".
La peur de voir les droits bafoués
Les militants de Flash our true colors déplorent aussi un manque de propositions concrètes en France et s’alarment d’une possible accession au pouvoir de l’extrême droite. "On voit bien que ce n’est pas une priorité en France. Ces agressions dont nous sommes victimes donnent des idées. Et si le Rassemblement national passe, on voit bien ce que pourront donner ces mentalités à la tête de l’État. On sait que le RN s’est toujours opposé aux droits des personnes LGBT", pointe Louis Sachy.
Sur les neuf votes organisés au Parlement européen sur les questions LGBTI+, le RN et Reconquête ont voté contre les droits des personnes LGBTI+ à huit reprises.
Association Flash our true colors
Sur son site internet, l’association Flash our true colors, rappelle que "sur les neuf votes organisés au Parlement européen sur les questions LGBTI+, le RN et Reconquête ont voté contre les droits des personnes LGBTI+ à huit reprises ou se sont abstenus". Elle fait notamment référence au vote, en décembre 2019 au Parlement européen, de la résolution contre les discours de haine envers les personnes LGBTI en Europe et de la résolution proclamant l'Union européenne comme zone de liberté LGBTIQ, en mars 2021. Pour ces deux propositions, le Rassemblement national a voté contre. Plus récemment, en avril 2023, les députés d’extrême droite français étaient absents lors du vote pour la dépénalisation universelle de l’homosexualité.
Les bénévoles de l’association, qui luttent contre les discriminations, organisent la sensibilisation, soutiennent et orientent les victimes, ressentent la peur dans les rangs, en particulier chez les personnes LGBT étrangères. "On accompagne des migrants qui demandent l’asile en France après avoir fui leur pays pour des persécutions transphobes ou homophobes. Ici, on leur demande de parler français, de s’intégrer rapidement, mais la plupart ont déjà subi des traumatismes. Et désormais, ils s’inquiètent dans le pays où ils se sont réfugiés. Il ne faut pas oublier que dans le nord de la France, on est dans un bastion du RN. Deux de nos députés ont voté contre les droits humains. C’est très angoissant", insiste le militant.
En 2023, le gouvernement met en place le Plan national pour l’égalité, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+. Il annonce un fonds exceptionnel de dix millions d’euros de subventions pour les associations et la création de dix nouveaux centres d’accueil et d’accompagnement des personnes LGBT+ d’ici à 2027 avec au moins deux centres par région.
Pour les associations, dès juillet prochain, ces aides pourraient être supprimées. "Marion Maréchal Le Pen, a déclaré que les associations de défenses des droits LGBT ne devaient pas être financées par la commission européenne. Ces subventions sont des fonds pour salarier, professionnaliser nos structures et accompagner les personnes. Si l’extrême droite accède au pouvoir, est-ce que ce plan gouvernemental sera reconduit et les aides en général ?", s’inquiète Louis Sachy.
Samedi 29 juin 2024 se déroulera la 6ᵉ Marche des Fiertés d'Amiens. Une manifestation pour célébrer les acquis et sensibiliser aux discriminations. À Compiègne, cette marche, organisée ce samedi 15 juin se mêlera à la manifestation de soutien au Nouveau Front populaire, à l’appel des syndicats.